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Le vitrailliste de Paris

Par Roxane

Cette semaine Paris ZigZag s’est baladé dans le 9ème arrondissement de la capitale : tapissiers, restaurateurs de tableaux, sculpteurs… Dans ce quartier, il y a des ateliers d’art partout ! Mais c’est le petit atelier de Marc, situé dans la rue de la Tour d’Auvergne, qui nous a intrigué. C’est le verre qui occupe toutes les journées de Marc, en effet, cet homme est vitrailliste, un métier pas si connu que ça… Et qui demande un véritable savoir-faire. C’est parti pour un petit cours d’initiation au vitrail !

Un véritable atelier d’artiste  

Quand on pousse la petite porte de l’atelier de Marc, on entre dans la caverne d’Ali Baba. Ici, c’est un véritable atelier d’artisan. Il y a des centaines de bouquins d’art poussiéreux, des petites boîtes remplies d’outils ou de produits, des équerres géantes accrochées au mur, un four énorme qui chauffe la peinture et surtout un établi géant qui trône au centre de la pièce. Au delà de tout ça, on y trouve aussi toute sorte d’objets comme des porte-clés en vitrine, des bijoux et des lampes sur les étagères en bois, des cadres lumineux sur l’établi. Tous ces objets de décoration ont une chose en commun, ils sont faits de verre, par un seul homme. Tablier rouge autour de la taille et lunettes rondes sur le nez, Marc nous raconte son parcours, ça fait 10 ans qu’il travaille ici et, selon lui, sa bonne étoile le poursuit encore et toujours.

Une inspirante reconversion

Marc, qui semble être tombé dans le chaudron du vitrail depuis sa tendre enfance, exerce en fait ce métier depuis seulement 10 ans. On a du mal à l’imaginer, mais pendant 20 ans, l’homme a passé ses journées assis à son bureau, devant un écran d’ordinateur. Il bossait pour une société d’informatique. Au bout d’un moment, Marc commence à s’essouffler, il réalise qu’un métier, c’est aussi fait pour s’épanouir personnellement et pas seulement pour payer ses factures. Il fait donc un bilan de compétence. Résultat : Marc est fait pour un métier dans lequel il faut être créatif, manuel et indépendant. Et là, l’homme a une illumination : “Ça m’a ouvert les yeux, il fallait que je fasse de l’artisanat”. En plus, comme par hasard, au même moment, la société d’informatique pour laquelle il travaillait ferme ses portes. Marc l’interprète comme un signe, “un gros coup de pied aux fesses”, comme il dit.

Le vitrail, sinon rien !

Mais pour être artisan, encore faut-il choisir son support… Le métal ? Marc n’aime pas trop ça. Le bois ? Ça lui parait un peu trop compliqué. Et pourquoi pas le verre ? “Au début, je n’avais pas du tout songé au vitrail, car pour moi vitrail = église, église = religion et religion = très très loin moi”. Mais on ne sait jamais, Marc franchit quand même les portes d’un atelier : “quand j’en suis ressorti je me suis dit que c’est là que j’aurais dû être depuis toujours”. Il se rend compte, effectivement, que “vitrail” peut signifier autre chose que “vieux” ou “religion”. Mais pour réaliser son rêve, il fallait monter son propre atelier, pour créer ses propres projets de A à Z.

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Vitrailliste, homme à tout faire

Ouvrir un atelier : l’étape la plus compliquée dans une carrière, surtout s’il s’agit d’un métier d’art. “Personne ne nous fait confiance, pour le financement, c’est loin d’être simple”. Marc a dû se battre mais finalement il a réussi. Aujourd’hui, il a un agenda de ministre: couper du verre ou monter un vitrail sur son établi, faire de l’administratif, des devis et des factures, se tordre dans tous les sens pour replacer un morceau de verre dans une co-propriété. Il donne aussi des cours d’initiation dans son atelier ou des formations professionnelles. Bref, quand on est artisan, on doit travailler de ses 10 doigts, mais aussi avec sa tête !

De la restauration à la création

Il a choisi stratégiquement de s’installer dans le 9ème arrondissement, “c’est un endroit où il y a beaucoup d’immeubles de plus de 100 ans, et donc beaucoup de vitraux à restaurer”. Preuve qu’on aura toujours besoin du vitrailliste, ne serait-ce que pour sauvegarder le patrimoine. D’ailleurs, Marc ressent toujours un peu d’émotion lorsqu’il restaure un vitrail “on a l’impression de continuer le travail de quelqu’un d’autre”. En plus de la restauration, Marc bosse aussi pour des particuliers qui veulent embellir les fenêtres ou les portes vitrées de leur appartement. Et là, c’est un véritable travail de création. Parfois, il y en a qui ne savent pas du tout ce qu’ils veulent, du coup c’est à Marc de dessiner sur une feuille blanche ou sur son ordinateur un croquis. Et il y a ceux qui ont une idée précise en tête, du coup le vitrailliste essaye de retravailler le dessin avec son oeil avisé d’artiste.

Patience, précision et créativité

La patience, la précision et la créativité, ce sont les 3 qualités qu’il faut pour être un bon vitrailliste, selon Marc. Effectivement, quand il nous dit qu’il a déjà passé 3 semaines non stop sur un même vitrail, on se doute qu’il faut être sacrément armé de patience. En plus, l’artiste doit être incollable sur tous les styles. Quand ce n’est pas un couple de soixantenaires qui demande un vitrail art nouveau pour la porte de leur cuisine, c’est un couple de trentenaires qui franchit les portes de son atelier pour lui commander des vitraux de style années 30, un style plus géométrique, ou alors un style plus contemporain, pour leurs fenêtre sur cour.

Comment ça se fabrique un vitrail ?

Mais alors, comment ça se fabrique un vitrail ? C’est un travail souvent long, constitué d’une multitude de petites étapes plus délicates les unes que les autres.

Première étape : Marc dessine d’abord sur son ordinateur la maquette de son vitrail, il reproduit ensuite le dessin à main levée sur un papier Canson à taille réelle (d’où son plan de travail gigantesque). Sur chaque morceau de dessin, il va inscrire la référence du verre et de la couleur.

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La deuxième étape consiste à reproduire à l’identique le dessin du vitrail sur un papier calque (on ne savait pas qu’il existait des feuilles de papier calque aussi grandes !). Le vitrailliste va alors pouvoir découper au ciseau chaque petite pièce du papier Canson, pour pouvoir les reposer sur le calque, comme un puzzle.

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Et c’est lors de la troisième étape que le verre entre en scène, car Marc va découper le verre en fonction de chaque calibre. Tel type de verre pour les feuilles, tel type de verre pour le visage, tel type de verre pour les cheveux etc… Pour Marc, c’est la découpe du verre qui est le plus difficile : “il faut appuyer assez fort, mais pas trop, pour entendre le verre chanter, le verre ne doit pas crier”. Toute la journée, Marc fait donc “chanter” le verre pour provoquer une vibration qui déstructurera la matière et coupera la pièce de façon nette et précise. Quand Marc découpe son verre, il a l’air serein comme jamais. Il va donc transformer les pièces de papier Canson en pièces de verre pour ensuite les assembler.

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C’est la dernière étape. Il replace les morceaux de verre sur le calque pour vérifier que rien ne manque, et c’est parti pour le montage. C’est avec le plomb qu’il va souder que Marc assemble ses pièces : un verre, un plomb, un verre, un plomb, un verre, un plomb… Jusqu’à ce que toutes ces petites pièces de verre créent un vitrail.

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Et les jeunes dans tout ça ?

En regardant Marc travailler, on se demande si chez lui tout est fait en vitrail, de ses fenêtres à la moindre lampe. Il nous montre alors une photo de son appartement, très moderne, où il a juste déposé des morceaux de vitrail sur un de ses meubles. On réalise alors que, même dans un appartement ultra-contemporain, le vitrail, ça passe plutôt bien, voire très bien. C’est d’ailleurs le message qu’il veut faire passer : “avec le vitrail, on peut faire pleins de choses, il suffit de s’adapter, de choisir le bon graphisme et le bon style. Grâce à mon travail, je veux montrer que le vitrail aussi peut évoluer avec notre temps”. Une fois, un jeune belge a toqué à sa porte, il voulait travailler le verre. Quelques mois plus tard, avec l’aide de Marc, le jeune homme a fait une exposition de jeux vidéos… en vitraux… Plutôt insolite ! Comme quoi, Marc a raison, ce support peut devenir plus contemporain et peut aussi intéresser les nouvelles générations.

Pauline Hayoun