Existe-t-il mission plus compliquée que d’ouvrir un café/restaurant, le faire connaître et le faire perdurer sur le long-terme ? Depuis les débuts de la restauration, beaucoup s’y sont essayés… et beaucoup s’y sont cassés les dents. Mettre sur pied un endroit qui saura résister au temps qui passe est un véritable challenge auquel peu d’établissements sont parvenus. Dans les rues de Paris, il existe quelques petits chanceux qui régalent bon nombre de gourmands depuis bien longtemps, avant que la tour Eiffel ne surplombe la capitale…
Un établissement qui tient bon depuis 4 siècles
On connaissait la Tour d’Argent, À la Petite Chaise ou la Bouteille d’Or, dont les grands débuts remontent aux XVIe et XVIIe siècles. Mais un autre établissement peut se vanter d’avoir déjà été là, à l’époque où Louis XIV était encore roi de France. Il suffit pour cela de se rendre dans le 6ème arrondissement après avoir traversé le Quartier Latin, de marcher sur le boulevard Saint-Germain jusqu’au métro Odéon et la Cour du commerce Saint-André. En optant pour la rue de l’Ancienne Comédie, il ne faudra que quelques pas pour tomber nez à nez sur une enseigne historique de Paris : Le Procope. C’est en 1670 qu’arrive en France un Italien originaire de Sicile du nom de Francesco Procopio dei Coltelli. Travaillant comme garçon chez un cafetier arménien, du nom de Pascal, qui possédait un café rue de Tournon, il se met à son compte deux ans plus tard et rachète à Grégoire son établissement, qu’il fait luxueusement décorer et ouvre en 1689 : le Procope est né. Très vite, l’établissement devient l’un des cafés littéraires les plus courus de Paris et concurrence même le café de la place du Palais-Royal.
Les clients les plus prestigieux de l’histoire de Paris… mais pas que !
Café d’artistes et d’intellectuels, Le Procope accueille de prestigieux clients au XVIIIe siècle, comme Voltaire, Diderot, Rousseau ou encore d’Alembert, qui y ont leurs petites habitudes. On dit d’ailleurs que c’est au sein du Procope que l’idée de l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vit le jour suite à une conversation entre d’Alembert et Diderot, qui en écrivit certains des articles. Autre client prestigieux du café-restaurant parisien, à tel point qu’une plaque commémorative fait partie de la décoration : Benjamin Franklin. L’un des Pères Fondateurs des États-Unis aurait profité de ces moments pour préparer le projet d’alliance de Louis XVI avec la nouvelle République et même rédiger des éléments de la future Constitution des États-Unis. À la mort de Franklin en 1790, un service funéraire fut ainsi improvisé au café devant son portrait. Témoin privilégié de l’Histoire de Paris, Le Procope devient également à la fin du XVIIIe siècle le centre actif de la Révolution française. C’est ici que l’on porta pour la première fois le bonnet phrygien, que Danton venait en voisin, que Marat y lançait, via un câble raccordé à son imprimerie située juste à côté, l’édition de ses premières gazettes ou que le club des Cordeliers se réunissait autour de Robespierre. C’est aussi depuis l’établissement, devenu entre-temps la propriété d’un dénommé Zoppi, que part le mot d’ordre pour l’attaque du 10 août 1792 sur le palais des Tuileries.
Une véritable caverne aux trésors !
Ayant récupéré son nom de Café Procope au XIXe siècle, le café-restaurant continue d’accueillir des clients réputés, comme Alfred de Musset, George Sand, Théophile Gautier ou Roger de Beauvoir. C’est aussi au sein du Procope qu’est tenue la première assemblée du Stade Français le 13 décembre 1883, célèbre club de rugby francilien. Si le Procope originel ferme ses portes en 1890, il faut attendre 1957 pour que le nouveau Procope, plus grand et plus moderne, prenne le relais. Un établissement qui continue de mettre en avant l’histoire des lieux et la culture, avec de nombreux événements ou remises de prix. Bien plus qu’un simple restaurant, l’endroit fait aussi office de musée, avec de véritables pièces de collection. Lors de votre prochaine visite, vous pourrez ainsi admirer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 recouvrant les murs de l’une de salles, le papier peint de 1830 estampillé “Liberté, Égalité”, la bicorne de Napoléon trônant dans l’entrée ou encore la table de Voltaire, qu’il utilisa comme bureau pendant des années et qui servit d’autel votif lors du passage de ses cendres vers le Panthéon en 1794. Outre ces objets historiques, le Procope vaut le coup d’œil pour ses murs rouge pompéien, ses lustres en cristal et les portraits ovales de ses illustres clients. Sans oublier son toit et ses balcons en fer forgé de la devanture, inscrits aux monuments historiques.
L’endroit parfait pour se rassasier de la cuisine française traditionnelle !
Mais si l’on vient au Procope pour en prendre plein les yeux, qu’en est-il de notre estomac ? Si l’on est friands de la cuisine française traditionnelle bourgeoise, alors le Procope est un endroit à ne pas manquer. Au menu, on retrouve différentes spécialités telles que le Coq au vin et la Tête de veau, la Joue de Boeuf braisée, la tarte au café maison ou encore le traditionnel Tiramisù façon Procopio. Que l’on préfère le poisson, avec une sole meunière des côtes françaises, ou la viande, avec un vol-au-vent aux morilles, une chose est sûre : le régal est le maître-mot. Forcément, difficile de ne pas terminer ce voyage sur les terres d’illustres auteurs et penseurs par un délicieux dessert. Île flottante, baba au rhum ambré, profiteroles ou crêpes flambées, sans oublier le service de glaces artisanales… on a l’eau à la bouche rien que d’y penser, pas vous ?
Le Procope
13 rue de l’Ancienne Comédie
75006 Paris
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