Sous la protection de son imposante tour, qui fascine autant qu’elle irrite, le quartier Montparnasse fait partie de ces quartiers historiques de Paris. Repère de grands artistes par le passé, ses nombreuses rues sont encore pleines de galeries d’arts ou d’ateliers. Mais ce n’est pas seulement pour l’atmosphère du quartier que ces artistes aimaient Montparnasse, c’est également pour un aspect propre à la capitale : la gastronomie. On l’oublie trop souvent, mais Montparnasse et le XIVe arrondissement en général sont un formidable point de chute pour quiconque souhaite se régaler devant une belle table dans un cadre chic, bohème ou moderne. Parmi les nombreuses institutions se trouve par exemple l’une des brasseries les plus emblématiques de Paris…
La modeste brasserie devenue le repère des plus grands
Situé à l’angle du boulevard Montparnasse et de la rue Delambre, Le Dôme voit le jour en 1898 par l’auvergnat Paul Chambon. S’il ne s’agit à l’origine que d’un modeste bar-tabac de quartier, l’établissement devient dès le début du XXe siècle le repère d’une clientèle d’artistes scandinaves, allemands et américains, et s’impose comme un lieu de rassemblement intellectuel. Fréquenté par les peintres, sculpteurs, écrivains, poètes, mannequins, amateurs d’art et marchands célèbres ou sur le point de le devenir, Le Dôme devient alors un point focal pour les artistes résidant sur la rive gauche de Paris. Plus tard, il finit même par devenir le lieu de rassemblement de la colonie littéraire américaine. Depuis ses débuts, l’établissement peut se targuer d’avoir reçu le gotha des arts et des lettre, qu’il s’agisse d’Apollinaire, Hemingway, Bunuel, Man Ray, Picasso, Kandinsky ou encore Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Dans son œuvre Paris est une fête, Hemingway décrit d’ailleurs Le Dôme en ces termes : “Il y avait des modèles qui avaient posé, et des peintres qui avaient travaillé jusqu’à ce que la lumière vint à leur manquer ; il y avait des écrivains qui avaient achevé leur journée de travail, pour le meilleur ou pour le pire, et il y avait aussi des buveurs et des phénomènes, dont quelques-uns m’étaient connus et dont certains étaient de simples figurants.” Si la Grande Guerre éclate et met fin à l’ambiance festive de Montparnasse, il ne s’agit que d’une pause pour Le Dôme, qui retrouvera ses habitudes, et ses habitués, après le conflit.
Modernité et Années Folles font aussi un savoureux mélange
Les Années Folles font même office de renaissance pour l’établissement, à une période où les bâtiments Art Déco poussent comme des arbres dans la capitale. Parfait symbole des Années Folles, dont les boiseries, vitraux, grands abat-jour et banquettes cuir fauve ou vert sont encore aujourd’hui les parfaits témoignages, le Dôme est fréquenté par de nombreux américains et allemands fortunés. L’établissement accueille également des événements prestigieux, dont le plus célèbre est assurément la réception du 19 septembre 1921 en l’honneur de Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks et Mary Pickford. Aujourd’hui, Hemingway ou Picasso ne sont plus les fidèles clients des lieux, mais l’établissement a su conserver un charme unique. Depuis 2018, l’intérieur porte la touche du designer Axel Huynh, avec la conservation de l’ambiance Années Folles. L’espace brasserie relooké par Guillaume Demont est un véritable dépaysement, dans l’esprit d’un jardin imaginaire sur le thème de la feuille de vigne déclinée sous de nombreuses variantes. Celle-ci est le fil évocateur de l’esprit des fêtes qui y règne, où la nature reprend ses droits, avec la feuille de vigne végétale venant s’entremêler autour de la base métallique. De cette inspiration Années Folles sont par exemple nées ces somptueuses fresques zénithales réhaussées de feuille d’or, transcendées par des installations lumineuses évoquant la mer et ses bancs de poissons scintillants nageant sous les rayons du soleil. Comme un clin d’œil aux artistes du Surréalisme, de l’Expressionisme et du Cubisme tels que Brassai, Modigliani ou Picasso, clients fidèles de la maison.
Le meilleur de la cuisine de la mer sous la vision d’un chef étoilé
D’une adresse de quartier où un artiste pauvre pouvait s’offrir une saucisse de Toulouse et une assiette de purée pour l’équivalent d’un euro, le Dôme est aujourd’hui un restaurant chic où les poissons et les fruits de mer sont particulièrement à l’honneur, pas spécialement sur les fresques. Les produits sont hauts de gamme qu’il s’agisse de la sole, du rouget ou de la célèbre bouillabaisse, ou à l’image de la carte des vins, où le choix entre une centaine de références a de quoi faire tourner la tête. Pour allier à l’excellence de la cuisine de la mer, l’établissement s’est tourné vers le chef étoilé japonais Yoshihiko Miura, l’un des rares cuisiniers à posséder la licence Fugu, ce fameux poisson venimeux et mortel qui s’avère être excellent en sashimi, si l’on maîtrise à la perfection sa découpe. Tous les jours sont livrés sont donc livrés poissons, crustacés et coquillages provenant de producteurs-pêcheurs français : rien de plus normal pour un établissement où la qualité et la fraîcheur sont de rigueur. Ensuite, les poissons sont travaillés sur place selon l’inspiration quotidienne du chef avec cet esprit de fusion : une cuisine française avec un clin d’œil nippon. Poulpe pochée et mayonnaise moutardée, ceviche de dorade, œufs de poisson volant et tosazu, poêlée de chipirons, tomates à la provençale ou encore fricassée de cèpes à l’ail sans oublier les poissons les plus savoureux, comme l’omble chevalier du lac Léman proposé avec un royal beurre blanc, le Saint-Pierre de Méditerranée à la plancha ou le tronçon de turbot flanqué de cocos de Paimpol… inutile de dire que le régal sera au rendez-vous. En conclusion, la tentation du monumental millefeuille avec sa crème vanille au rhum est on ne peut plus légitime.
Le Dôme
108 Boulevard Montparnasse
75014 Paris
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Image à la une : Le Dôme © Adobe Stock