Cette demeure fastueuse aux portes de Bordeaux a inspiré la Maison-Blanche de Washington et a même servi d’hôpital militaire

Maison carrée d’Arlac © Ville de Mérignac

Fontaines, églises, châteaux, parcs… il suffit de quelques heures à la découverte de Bordeaux pour mieux comprendre les mots de Stendhal dans son œuvre Voyage dans le midi : “Bordeaux est sans contredit la plus belle ville de France”. Et pour prolonger cette plaisante virée en terres girondines, il existe d’autres villages pleins de charmes aux alentours de la cité souvent surnommée “le port de la Lune”. Parmi eux, une ville dotée d’un fascinant patrimoine architectural, à l’image de cette folie néoclassique vieille de près de 250 ans.

Des soirées extravagantes aux affres de la guerre

Ce monument emblématique de la ville de Mérignac est construit entre 1782 et 1790 par Samuel Charles Peixotto, un banquier portugais tombé amoureux de Bordeaux. Grand fervent des fêtes extravagantes et des jeux d’argents, le propriétaire invite de nombreuses personnes dans ce château, qui demeure l’une des toutes premières structures rotondes du Sud-Ouest, pour s’adonner à toutes sortes de passions et de débauches. Ce riche banquier d’origine portugaise est l’un des principaux acteurs de l’essor commercial que connaît le port de la ville au XVIIIe siècle. Doté d’un goût particulier pour l’art et l’architecture, ce dernier est un nom indissociable de la région, au point d’avoir également laissé son nom au château et parc de Talence. Plus discret, le château Peychotte, ou Maison Carrée d’Arlac, connaît plusieurs propriétaires avant de parvenir jusqu’entre les mains du célèbre médecin Elie Gintrac, où il cultive des vers à soie et élève des serpents pour en prélever les venins. Dans un XXe siècle marqué par les deux guerres mondiales, la Maison Carrée d’Arlac est à chaque fois mise à contribution : elle sert d’hôpital militaire pendant la Première Guerre mondiale puis est occupée de 1940 à 1944 pendant la Seconde Guerre mondiale. La seconde moitié du XXe siècle n’est guère réjouissante pour le monument qui tombe presque dans l’oubli. Laissé en déclin, le château est finalement acquis par la ville de Mérignac en 1990… pour un franc symbolique.

Une folie néoclassique classée Monument Historique depuis 1963 © Ville de Mérignac

Une admiration qui va bien au-delà des terres girondines

Un édifice qui tape même dans l’œil d’un certain Thomas Jefferson… connu pour être le 3ème Président des États-Unis. Durant un voyage à Bordeaux entre mai et juin 1787, celui qui est alors ambassadeur des États-Unis en France tombe sous le charme du Château Peychotte. Un coup de cœur qui aura de grandes conséquences… pour les États-Unis. Le président George Washington, qui a résidé dans les anciennes demeures présidentielles de New York et de Philadelphie, a choisi le site de la future capitale sur les rives du Potomac pour y construire une résidence présidentielle, avec l’aide de l’architecte français Pierre Charles L’Enfant. Finalement, Washington et Thomas Jefferson, son secrétaire d’État, décident d’organiser un concours national pour choisir le nouveau projet. Jefferson lance le concours et offre un prix de 500 dollars. Il faudra attendre juillet 1792 pour que George Washington sélectionne le projet de l’architecte irlandais James Hoban, pour construire la désormais mythique Maison-Blanche. Selon certains récits, Jefferson, reconnu pour son goût en matière d’architecture, fut tellement charmé par le château Peychotte qu’il aurait demandé aux architectes de la Maison Blanche de s’en inspirer pour leur propre création.

De Mérignac à Washington, il n'y a qu'un pas… © AFP — De Mérignac à Washington, il n’y a qu’un pas… © AFP

Un monument longtemps oublié prêt à briller de nouveau

S’il n’existe à ce jour aucun document officiel pour confirmer cette inspiration, l’admiration du troisième Président des États-Unis pour l’architecture européenne est bien documentée. De plus, il est reconnu pour avoir intégré des éléments stylistiques européens dans ses propres projets architecturaux, notamment à Monticello, sa résidence en Virginie. Bien que l’histoire n’offre pas de preuve définitive de l’influence directe du Château Peychotte sur la conception de la Maison Blanche, l’idée que Thomas Jefferson ait pu s’en inspirer reste une hypothèse séduisante. En réalité, il serait plus censé de dire que cette charmante Maison Carrée a inspiré les plans du château de Rastignac en Dordogne, qui a lui-même inspiré la Maison-Blanche de Washington. Des nuances qui n’empêchent toutefois ce monument de faire le bonheur des Mérignacais et autres curieux. D’autant plus que, après une longue période de déclin et de doutes quant à son avenir, l’ancienne folie néoclassique sait enfin de quoi demain sera fait. Après l’arrêt de travaux et une longue procédure, le château Peychotte doit prochainement devenir une Maison des arts. En attendant l’aboutissement de ce projet, il demeure toutefois possible de profiter du parc de la Maison Carrée, situé aux abords de l’édifice et ouvert jusqu’à 20h30 en été.