Ce charmant prieuré du XIIIe siècle est aujourd'hui un gîte pour les pèlerins sur le chemin de Compostelle
On dénombre en France près de 100 000 édifices religieux, soit une moyenne de presque 3 édifices religieux par commune. Au sein de cette riche “collection”, on en retrouve surtout 15 000 protégés au titre des monuments historiques. Probablement l’une des plus grandes richesses du pays, le patrimoine religieux s’exprime à travers différents édifices, de la cathédrale à la modeste église. L’un des meilleurs moyens d’admirer ces merveilles souvent méconnues reste d’emprunter les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, où l’on découvre parfois des bâtiments riches en histoire…
Un hospice bienvenu pour les pèlerins
Comme cet impressionnant ensemble de bâtiments caché au sud de Bordeaux : le prieuré de Cayac. L’histoire de ce prieuré est indissociable de celle du pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, rendu populaire par la découverte de la sépulture du disciple du Christ, saint Jacques Majeur en Galice, et la grande piété de la population au Moyen Âge. Peu importe la longueur et la difficulté du voyage, la peur de croiser des bandits ou l’hostilité de certaines régions comme les Landes, rien n’empêchait les pèlerins d’entreprendre ce trajet. Sur la route de Paris à Compostelle se trouve alors Cayac, situé sur la Via Turonensis qui relie la capitale à Compostelle par Tours, Bordeaux et Bayonne. Construit sur cette antique voie romaine, l’ensemble est initialement composé d’une église, d’un hôpital et d’un cimetière où étaient enterrés les malades provenant de l’hôpital. De l’autre côté de la voie se trouve le logement des frères hospitaliers ainsi que les dépendances (chai, cuvier, écurie, poulailler, grange et moulin à farine). Au départ, cet hospice, ou hôpital, tenu par des religieux avait un rôle d’accueil, car les hôtels et autres hébergements tels que nous les connaissons aujourd’hui n’existaient pas encore. Construite en deux temps, l’église d’une longueur de 20 m pouvait accueillir jusqu’à deux cents personnes, ce qui était considérable pour l’époque. À l’époque, toute personne pouvait y recevoir un repas ou des soins, tandis que la proximité de l’Eau Bourde, l’implantation du moulin, la présence de potagers, cultures, d’un chai et d’une écurie permettaient au site de Cayac de vivre en parfaite autonomie.
Un monument qui aura traversé les siècles et les épreuves
Une situation qui dure jusqu’au début du XIVe siècle, lorsque l’hôpital est “réaffecté” en prieuré qui, au fil du temps et des nombreux dons, devient une importante propriété foncière travaillée par des serfs. Au XVIIe siècle, l’ensemble passe aux mains de la chartreuse de Bordeaux, qui fait notamment construire l’actuel château à tourelles sur l’emplacement de l’hôpital primitif. Sans toutefois dénaturer la mission première des lieux, avec la construction d’un deuxième hôpital plus petit au côté sud de l’église. Néanmoins, les pèlerinages se font plus rares et le prieuré connaît un déclin, qui se confirme au début du XVIIIe siècle avec l’arrêt du service religieux. Au cours des décennies suivantes, l’église connaîtra bon nombre de propriétaires et de réaffectations, dont certains assez étonnantes, comme une verrerie industrielle qui endommagera sérieusement le bâtiment ou un local pour les Témoins de Jéhovah, ce qui a de quoi surprendre pour un ancien hôpital où étaient soignés les malades au Moyen Âge. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée italienne ira même jusqu’à utiliser occasionnellement l’église pour y réparer ses véhicules. Il faudra finalement attendre 1979 pour que la municipalité de Gradignan acquiert l’église, avant de faire de même en 1988 pour le prieuré, sauvant ainsi ce site historique d’une lente dégradation.
Étape sur la Nationale 10 avant le retour aux sources
D’autant que les précédentes années n’ont pas forcément été de tout repos pour le prieuré. À la sortie de la ville de Gradignan, le parcours historique de la Nationale 10, itinéraire de prédilection pour les immigrés portugais en France, connaît un invraisemblable tronçon puisqu’elle a longtemps traversé cet ancien prieuré. Au XXe siècle, le prieuré de Cayac, qui n’est plus entretenu depuis un moment, tombe en ruines et son état ne s’améliore pas avec l’essor de la circulation, notamment le passage des poids-lourds. Le site historique est même devenu un lieu dangereux pour les usagers en provenance de Bordeaux qui, après avoir franchi le petit pont sur la rivière de l’Eau Bourde, arrivent sur une courbe assez prononcée où il faut circuler entre les bâtiments du prieuré distants de cinq mètres seulement. Idem pour les véhicules arrivant de Bayonne et de la forêt landaise, tout aussi désorientés après avoir parcouru une centaine de kilomètres sur une route parfaitement rectiligne. Une configuration qui conduit logiquement à des accidents parfois spectaculaires, comme ceux de poids-lourds ou de cars renversés au beau milieu du prieuré. Autant de drames qui pousseront finalement les pouvoirs publics à dévier la N10 en 1981, qui évite dès lors le prieuré en le contournant par l’est. Vient ensuite une intense période restauration et de fouilles pour le monument : aujourd’hui en parfait état et à l’écart de la circulation, le lieu a retrouvé sa fonction initiale puisque c’est un point d’accueil pour les pèlerins à destination de l’Espagne. La tradition hospitalière de Cayac est ainsi rétablie grâce à une structure d’accueil permettant de recevoir les nouveaux pèlerins. De plus, le site accueille des expositions temporaires organisées dans l’ancienne église, un musée consacré au peintre bordelais Georges de Sonneville, tandis que les promeneurs peuvent profiter des rives de l’Eau Bourde à proximité.
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Image à la une : Prieuré de Cayac © Ville de Gradignan