
Lorsqu’il s’agit d’évoquer les principaux châteaux d’époque Renaissance en France, on se dirige principalement aux portes de Paris, à Fontainebleau, Chantilly ou Saint-Germain-en-Laye, ou l’on prend la direction de la Loire, avec les emblématiques châteaux de Chambord, Chenonceaux, Blois ou Amboise. Bien entendu, il ne s’agit là que d’une liste infime en comparaison du nombre réel de châteaux construits à cette période en France. Il en est un par exemple que l’on n’associe pas forcément à la période Renaissance, de par son style architectural, mais qui n’en demeure pas moins emblématique, entre légende et Histoire…
Un emplacement de choix pour le royaume de France
Par un temps dégagé et un beau ciel bleu, il est possible d’admirer quelques merveilles depuis certains points de vue de Marseille. Si les hauteurs de la Basilique Notre-Dame de la Garde offrent une vue imprenable sur la cité phocéenne, le monument qui nous intéresse ici se situe un peu plus loin… Pour y accéder, ce n’est pas une route qu’il faut, mais bel et bien un bateau. Connue depuis l’Antiquité, la petite île d’If fait partie de l’archipel du Frioul, situé au large de Marseille. Jusqu’au XVIe siècle, If est un îlot sauvage, refuge occasionnel pour les pirates et contrebandiers ou les pêcheurs surpris par les tempêtes. Conscient de l’importance stratégique de la ville de Marseille, à savoir un port prospère ouvert sur la mer Méditerranée, François Ier décide de renforcer les défenses de la cité en bâtissant une forteresse imprenable sur cet îlot battu par le Mistral. Une construction massive et puissamment armée qui doit assurer une triple fonction : empêcher une flotte ennemie d’envahir la ville par la mer, comme ce fut le cas par le passé, protéger les arsenaux royaux et renforcer la mainmise royale sur une ville aussi importante que Marseille, qui n’est rattachée au royaume de France que depuis 1480. Malgré une certaine défiance des Marseillais au début, la construction de la forteresse débute en 1528 et se termine en 1531 : ainsi est né le château d’If !
Une prison d’Alcatraz avant l’heure
Construit avec des inspirations médiévales, le château d’If possède un donjon, 3 tours, de hautes murailles, un fossé et un pont-levis, et est aménagé pour pouvoir accueillir les renforts militaires et l’artillerie lourde. Un véritable colosse toutefois décrié, les Marseillais n’appréciant pas forcément l’autorité et la présence de la royauté, mais qui va très vite démontrer son utilité. En 1536,l’empereur romain et roi d’Espagne Charles Quint tente de prendre Marseille. Le château d’If remplit parfaitement sa mission et l’attaque maritime est très vite repoussée. Puisque la forteresse empêche quiconque d’entrer, on se dit également qu’elle empêchera quiconque d’en sortir, et c’est ainsi que la forteresse est transformée en prison. Dès 1540, les premiers prisonniers arrivent sur l’île, tandis que la prison accueillera pendant près de 400 ans tous les condamnés, voleurs, bandits, meurtriers et personnes bannies de Marseille. La répartition des prisonniers dans la forteresse se fait selon le statut, les plus pauvres étant placés dans les cellules sans lumière et insalubres du rez-de-chaussée tandis que les plus aisés résident dans des cellules plus spacieuses, avec fenêtre et cheminée. Entouré par les flots, le château d’If s’impose surtout comme une prison inviolable. Pour espérer s’évader, il fallait d’abord briser ses chaînes, forcer des portes, franchir des murailles, puis plonger dans une mer capricieuse et parvenir à nager 1,5 kilomètre au milieu des courants… le tout en échappant à la vigilance de la garnison. Une mission assurément impossible et une sorte d’Alcatraz avant l’heure !

Des prisonniers réels et fictifs indissociables du lieu
Si aucune évasion spectaculaire n’est à recenser, la forteresse d’If peut toutefois reconnaître qu’elle a accueilli des prisonniers assez célèbres. Jean-Baptiste Chataud, commandant du navire Grand-Saint-Antoine qui apportera la Grande Peste de 1720 à Marseille, y fut un temps incarcéré, de même que Louis Auguste Blanqui, célèbre anarchiste auteur du journal Ni Dieu ni Maître. Mais le prisonnier le plus célèbre est celui d’une fiction emblématique du patrimoine français : Edmond Dantès, le héros vengeur du roman Le Comte de Monte-Cristo. C’est en effet au Château d’If, par la plume d’Alexandre Dumas, que le héros est emprisonné pendant quatorze longues années, tout en établissant son plan de vengeance. Une tradition raconte aussi que l’homme au masque de fer, ce prisonnier inconnu et mystérieux dont l’identité et les secrets auraient pu faire vaciller le trône de Louis XIV, aurait séjourné dans la prison au large de Marseille. Ce qui est certain en revanche, c’est que la prison a accueilli… un rhinocéros. En 1516, le roi du Portugal envoie en effet un tel animal comme présent pour le pape Léon X. En route vers Rome, l’animal est débarqué sur l’île d’If pour se dégourdir les pattes. Néanmoins, le pape ne profitera jamais de ce cadeau, puisqu’une tempête au large de Gênes coulera le navire le transportant. Quant au château d’If, les derniers prisonniers quittent l’îlot en 1914, avant que le site ne soit envahi par l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, le site est fort heureusement consacré à la visite : après avoir arpenté les salles et murailles, le clou du spectacle se trouve sur le chemin de ronde, avec une vue de choix sur toute la ville de Marseille tandis qu’au sud se dévoilent les premières calanques.

Château d’If
Embarcadère Frioul If
1 Quai de la Fraternité
13001 Marseille
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Image à la une : Château d’If © Adobe Stock