
Si l’on pense souvent à Chenonceaux, Amboise ou encore Chambord en évoquant les célèbres châteaux de la Loire, d’autres châteaux méconnus ont bien d’autres à raconter, notamment quand celles-ci nous renvoient jusqu’au plus profond du Moyen-Âge.
Un château prisé des rois
Comme de nombreux châteaux de la région, l’histoire du château de Montreuil-Bellay comporte un personnage emblématique du Moyen Âge : Foulque Nerra, comte d’Anjou qui a marqué son époque par sa violence et les actions entreprises pour se racheter de ses crimes. Reconnu comme “l’un des batailleurs les plus agités du Moyen Âge”, ce dernier s’intéresse à cette construction médiévale appartenant au diocèse de Poitiers pour son emplacement. En effet, le site se trouve au croisement de deux chemins importants de la région : un premier chemin reliant Angers à Poitiers et un second reliant Le Mans et Saumur. Il faut alors peu de temps pour que Foulque Nerra, appartenant au cercle étroit des fidèles au Roi de France Hugues Capet, ne s’empare du lieu et fasse bâtir un premier donjon sur les fondations d’un oppidum romain. Une forteresse qui ne tardera pas à gagner sa réputation de place-forte imprenable sur le front des luttes entre le trône d’Angleterre et la couronne de France. Il faut par exemple plusieurs assauts et un siège de trois ans, forcément nécessaire face à 650 mètres de remparts et 13 tours, pour permettre à Geoffroy Plantagenêt de réduire la résistance que lui oppose Giraud II Berlay. Tandis que la descendance Berlay prend parti tantôt pour l’Angleterre, tantôt pour le Roi de France, c’est le Roi Philippe Auguste qui vient soumettre définitivement en 1208 la baronnie de Montreuil Bellay au Royaume de France, en rebâtissant pour l’occasion un donjon de pierre. Symbole d’une relation forte entre le château de Montreuil-Bellay et la couronne de France, puisqu’ils seront plusieurs rois à résider au château, de Philippe-Auguste à Louis XIII et Anne d’Autriche, en passant par Louis IX, Charles VII, Louis XI, Charles VIII ou encore le roi de Navarre futur Henri IV.

Entre puissance médiévale et raffinement de la Renaissance
Haut-lieu de la fauconnerie et théâtre de somptueuses fêtes au XIIe siècle, le château sait aussi se transformer en abri pour les populations affamées lorsque la Guerre de Cent Ans éclate. Ou en hôpital, lors de la terrible Guerre de 14-18, où près de 1200 soldats sont soignés dans cet hôpital improvisé ouvert par le maire de l’époque, George de Grandmaison. Mais le château connaît aussi des heures plus lumineuses, notamment lorsque vient la Renaissance, quand la forteresse se double d’un château de plaisance avec fenêtres à meneaux et sculptures, imitant les palais italiens. Sous la houlette de la famille d’Harcourt, les influences et les artistes de la Renaissance italienne se mêlent pour donner vie à une élégante demeure plus confortable, toujours habitée et très élancée, à l’image de la tour de l’escalier d’honneur qui culmine à plus de 35 mètres. Un charme que l’on ressent encore aujourd’hui, en arpentant le chemin de ronde dominant l’imposant système défensif (tours, barbacane, échauguettes…). Quant à l’intérieur de l’enceinte, c’est la sérénité qui semble guider nos pas le long des murailles tapissées de roses ou, depuis l’esplanade, en admirant un panorama embrassant la vallée du Thouet, entre deux portes fortifiées de la vieille ville. Outre les jardins emplis de romantisme, la visite du château est aussi l’occasion de pénétrer dans les salons et autres pièces superbement meublées, où chaque portrait de famille ou meuble évoque un épisode historique ou une anecdote familiale. C’est ici par exemple que la première confrérie vineuse, les Sacavins, fût créée par le Baron de Grandmaison sous les voûtes gothiques des caves du château. Ce qui explique la tradition historique viticole encore perpétuée de nos jours, que l’on peut déguster à l’issue de la visite.

Une célèbre frondeuse comme résidente
Des caves voûtées à la cuisine médiévale, conçue pour nourrir 400 soldats, du grand salon, écrin du coffre de mariage de la reine Margot, au petit salon de musique, riche d’un splendide bureau de l’ébéniste Boulle, les salles du château renferment des trésors… et de sacrées histoires. Au fond de la salle à manger se trouve une chambre où séjourna un illustre personnage : Anne Geneviève de Bourbon Condé. Lorsque la famille d’Harcourt s’éteint sans laisser d’héritiers au début du XVIIe siècle, le château revient à un cousin éloigné, Henri II d’Orléans, Duc de Longueville, dont Anne Geneviève est la seconde épouse. Cette dernière est notamment connue pour être l’une des instigatrices de la fronde contre le cardinal Mazarin et la reine Anne d’Autriche qui dirige le pays, alors que Louis XIV n’est encore qu’un enfant. Mais cette fronde est un échec et Louis XIV, en guise de punition, l’assigne à résidence dans le château de Montreuil-Bellay. Le site devient alors une véritable prison dorée, où, pendant deux ans, elle tient une petite cour, aux côtés de sa dame de compagnie, son aumônier et, surtout, son amant, l’écrivain La Rochefoucauld. Dans ce qui fut sa chambre, un portrait de la duchesse, un lit à baldaquin et un grand buffet en bois sculpté datant de son époque sont autant de passionnants témoignages de ce chapitre majeur de l’histoire du château de Montreuil-Bellay.

Château de Montreuil-Bellay
Place des Ormeaux
49260 Montreuil-Bellay
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Image à la une : Château de Montreuil-Bellay © Adobe Stock