Cet étonnant château a été bâti grâce aux pierres d’un monument disparu de Paris ! Devinerez-vous lequel ?
Destination de rêve très prisée durant la période estivale, la Corse est aussi une destination qui se découvre au printemps, lorsque le maquis explose de couleurs et d’odeurs, aidé par une météo idéale. Bien plus calme qu’à l’été, l’île de Beauté dévoile alors tous ses charmes et se transforme en un véritable condensé de paysages aussi beaux que variés. S’il faudra être téméraire pour se baigner, le simple fait de profiter de plages quasiment désertes est une première grande satisfaction, de même que de profiter de cet immense terrain de jeu, que l’on préfère la randonnée, le VTT ou les activités aquatiques. Bien entendu, la Corse est aussi une terre de culture et d’histoire et c’est également dans ce sens que l’on peut s’intéresser à l’un des monuments les plus emblématiques de l’île : le château de la Punta.
Le Palais des Tuileries de Paris n’a pas complètement disparu
Ce château est avant tout l’histoire d’une rivalité entre deux familles notables de l’île : les Bonaparte et Pozzo di Borgo. Alliées un temps, leurs chemins s’éloignent définitivement avec la Révolution puis l’avènement de Napoléon Ier. L’inimitié profonde entre l’Empereur et Charles-André Pozzo di Borgo n’est pas un mystère, poussant même ce dernier à émigrer en Angleterre pendant la période révolutionnaire avant d’entrer au service de la diplomatie russe sous le règne de Napoléon. Devenu Gouverneur civil de la Corse, député Corse à l’Assemblée législative et Président du conseil d’État de Corse, Charles-André Pozzo di Borgo meurt à Londres sans descendance, léguant ainsi sa fortune à son neveu. En 1871, le Palais des Tuileries, ancienne résidence royale puis impériale, pour Napoléon Ier comme pour Napoléon III, est incendié par les partisans de la Commune. Quelques années plus tard, les ruines sont vendues, ce qui explique que l’on trouve encore aujourd’hui quelques vestiges, à Paris mais aussi en province et même à l’étranger. Afin de satisfaire la dernière volonté de leur oncle le duc Charles-Jérôme Pozzo di Borgo, qui souhaitait construire une demeure familiale sur les hauteurs d’Ajaccio, le duc Jérôme se porte acquéreur de nombreuses pierres du palais parisien disparu. Les pierres, démontées et relevées par l’architecte Albert-Franklin Vincent, sont alors mises en caisse puis acheminées par voie ferrée jusqu’à Marseille, avant d’être convoyées par bateau pour Ajaccio.
Les grands moyens pour bâtir une demeure parfaite
Pour édifier ce château, le projet est confié à l’architecte Albert-Franklin Vincent, à qui l’on doit notamment un hôtel particulier néo-Louis XIII en brique et pierre à Paris, dans la plaine Monceau. Situé à 600 mètres d’altitude, le château est inspiré du pavillon Bullant de l’ex-palais des Tuileries, dont il reprend une partie des façades tout en intégrant d’autres parties provenant des divers pavillons qui composaient le palais. Le décor intérieur, du moins ce qu’il en reste, témoigne du goût éclectique propre au XIXe siècle, à l’image du vestibule et son sol en mosaïque de marbres polychromes où cohabitait du mobilier néo-gothique et néo-renaissance. Autre pièce d’envergure, le grand escalier en pierre qui dessert salons, salle à manger, bibliothèque et pas moins de 16 chambres réparties sur deux niveaux. Si le palais des Tuileries sert de base, le château de la Punta s’inspire également d’autres lieux de renom. Dans le grand salon de style Renaissance, le plafond à caissons s’inspire par exemple du château de la Palice, la cheminée en marbre et en pierre imite celle du château de Villeroy tandis que les lambris et les portes feraient quant à eux référence aux boiseries d’Ecouen. À l’extérieur, une sculpture nommée Les Quatre saisons la provient de l’escalier d’honneur de l’hôtel de Ville de Paris, incendié comme le palais des Tuileries lors de la Commune, alors que la grille du parc est récupérée du château de Saint-Cloud, détruit lors de la guerre franco-allemande de 1870.
Un joyau méconnu prêt à (enfin) briller ?
Seul hic : l’exposition au vent et son emplacement jugé inhabitable du fait de son isolement rendent très vite le château inhabitable. À tel point qu’il ne sert plus que de musée familial, avant de retrouver une fréquentation durant les années 1970, lorsque la Corse devient une destination touristique prisée. Entretemps, l’air marin chargé en sel a commencé à ronger la pierre. Mais les déboires sont loin d’être finis pour le château qui, après avoir été classé aux Monuments Historiques en 1977, est victime l’année suivante d’un incendie criminel. Fermé au public depuis, qui peut toutefois l’apercevoir depuis le bord de la route, le château de la Punta pourrait prochainement rouvrir ses portes aux curieux. Après plusieurs phases de restauration, dont une actuellement en cours, cette maison de villégiature des ducs Pozzo-di-Borgo pourrait devenir à terme un musée, une résidence d’artiste, ou un site dédié à l’organisation d’événements culturels, artistiques et musicaux. Surtout, le château serait un atout de plus à ajouter à la collection déjà impressionnante de l’Île de Beauté.
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Image à la une : Château de la Punta © Mairie d’Alata