Ce château du XVIIe siècle, “berceau de la Révolution Française”, fut très apprécié des Présidents de la République

C’est au milieu de plusieurs massifs des Alpes, à une vingtaine de minutes de Grenoble, que se trouve un domaine méconnu mais ô combien important dans l’histoire de France. Bâti par un duc compagnon d’armes d’un roi de France, le château accueillit des personnages haut placés, de La Fayette au général de Gaulle, et fut surtout le point de départ d’un événement emblématique pour les livres d’histoire…

Théâtre d’une réunion entrée dans l’histoire

Construit entre 1600 et 1619, le château de Vizille est étroitement lié à l’histoire des six ducs successifs de Lesdiguières, qui en furent tour à tour le propriétaire. Aménagé par François de Bonne, premier duc de Lesdiguières, compagnon d’armes d’Henri IV et dernier connétable de France, au prix d’importants travaux, le domaine se pare notamment d’un parc à la française avec un grand canal, long de 800 m, face au château. Une construction qui s’accompagne également d’une étonnante légende. On raconte en effet que le mur d’enceinte du parc aurait été construit en une nuit par le diable et ses sbires, dans le cadre d’un pacte avec François de Bonne. Ce dernier devait partir à cheval en ligne droite à minuit et, si le mur était achevé avant qu’il atteigne le bout du parc, le diable emporterait son âme. Le duc accepta et arriva au bout du parc, mais alors que les démons allaient clore le mur, il fit franchir à son cheval les blocs de pierre d’un bond. Le duc put ainsi conserver son âme, non sans mal : la construction fut si rapide qu’une partie de la queue du cheval resta dans le mur. Après avoir appartenu aux ducs de Lesdiguières puis à ceux de Villeroy, le château de Vizille est acquis en 1780 par Claude Perier, un banquier et industriel qui en profite pour y installer une manufacture d’impression sur tissu. Partisan des idées nouvelles, ce dernier va, sans le savoir, faire de cet édifice un lieu majeur de l’Histoire de France, en acceptant de recevoir le 21 juillet 1788 dans la salle du jeu de paume du vieux château, la réunion des états généraux du Dauphiné. Un événement depuis reconnu comme le prélude à la Révolution Française, immortalisé par le peintre Alexandre Debelle dans son œuvre L’Assemblée de Vizille.

Musée de la Révolution française © Denis Vincon

Collection impressionnante à l’intérieur et richesse exceptionnelle à l’extérieur

Une œuvre à découvrir dans l’escalier des droits de l’Homme du musée de la Révolution française à Vizille, où une salle au centenaire de cet événement se trouve également. Dans cet écrin prestigieux de la région Auvergne-Rhône-Alpes se trouve en effet le musée de la Révolution Française, où reposent œuvres d’art, qui reflètent au mieux l’esprit et l’ambiance de l’époque, et objets d’histoire de l’époque révolutionnaire et du XIXe siècle. Un lieu qui offre un nouveau regard sur cette période charnière de l’histoire de France, à partir de la production artistique ou artisanale qu’elle a suscité à l’époque et depuis. Un patrimoine culturel prestigieux qui côtoie un cadre naturel propice à la détente, c’est également ça le château de Vizille. Labellisé “Jardin remarquable”, le parc paysager offre une multitude d’ambiances, grâce aux nombreuses essences d’arbres répertoriées (cèdre du Liban et de l’Atlas, chêne, érable, frêne, merisier, orme, platane…) mais aussi à son parc animalier, espace privilégié de rencontre avec la nature et la faune sauvage. Celui-ci s’étend sur 40 hectares et abrite 200 cervidés (cerfs d’Europe, cerfs Sika d’Asie, daims et biche) qui vivent en semi-liberté et qu’il est possible d’observer du haut de la tour aménagée à cet effet. Quelques enclos permettent aussi d’approcher chèvres, moutons, poules, trois paons bleus, au fond du jardin. Arpenter le parc, c’est également admirer cette immense pièce d’eau ornementale, animée de cygnes, canards et de hérons, avant d’être éblouis par les jardins à la Française et la magnifique roseraie.

Un terrain de repos idéal pour de nombreuses espèces © Le Dauphiné Libéré / Marc Greiner

Avant le fort de Brégançon, il y avait le château de Vizille

Classé monument historique depuis 1862, le domaine de Vizille s’est affirmé comme un site historique majeur en Isère, et bien entendu en France. Au-delà du chapitre révolutionnaire, le château fut également la propriété jusqu’en 1895 de l’influente famille Casimir-Perier, connue pour son engagement politique au sein de la bourgeoisie libérale, avant d’être acquis par l’État en 1924. Désireux de préserver du démembrement ce qui était devenu un haut lieu d’histoire et de tradition républicaine, l’État mettra cette ancienne résidence seigneuriale à disposition des Présidents de la République. Après avoir reçu les visites prestigieuses de La Fayette, Casimir Perier, Adolphe Thiers, Sadi Carnot ou Jean Jaurès, le château de Vizille sera la résidence de séjour de cinq chefs d’État de 1925 à 1960 : Gaston Doumergue, Albert Lebrun, Vincent Auriol, René Coty et le général de Gaulle. Ce dernier y fit en réalité un passage express dans la nuit du 6 au 7 octobre 1960, pour ce qui demeure la dernière visite d’un président dans les lieux, puisqu’il préféra par la suite séjourner au Fort de Brégançon dans le Var. Aujourd’hui, ce ne sont plus les présidents qui viennent s’émerveiller devant les nombreuses richesses de ce lieu, mais des curieux qui peuvent profiter d’une riche programmation. Parcours d’orientation en guise de jeu de piste guident les visiteurs sur l’histoire et le patrimoine du domaine de Vizille, balade dans le parc sur un poney, écoute du brame du cerf, découverte de la roseraie, observation d’une mare ou encore dégustation du miel directement produit dans le domaine, Vizille a décidément tout pour plaire !