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Les mille vies du 54 boulevard Raspail

Par Jérémy

Ils n’en ont sûrement pas conscience mais lorsque les étudiants de l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales) arrivent dans l’école, ils foulent plusieurs siècles d’histoire. Bien avant l’école, le bâtiment du 54 boulevard Raspail, au croisement de la rue du Cherche-Midi a traversé bien des épreuves.

La religion au service de jeunes filles égarées

C’est dans cette rue du 6e et du 15 arrondissements que s’installe le Couvent de la congrégation des filles du Bon-Pasteur du Cherche-Midi en 1688. L’établissement est fondé par Marie-Madeleine de Ciz, une protestante tout juste convertie au catholicisme. La vocation de ces lieux est d’accueillir « des filles libertines, touchées de repentir et désireuses de se donner entièrement à Dieu ».

Après la construction d’une chapelle, l’établissement profite des dons de plusieurs personnes, dont le monarque Louis XIV, et d’un revenu de 10 000 livres. L’argent permet ainsi d’agrandir les bâtiments et de loger jusqu’à 200 jeunes filles. La maison du Bon-Pasteur accueille, d’un côté, les sœurs qui se consacrent à la conversion des pénitentes, de l’autre, il y a ces jeunes filles, qui suivent de leur plein gré l’exemple des religieuses.

Malgré la prospérité, cette communauté religieuse ne survit pas aux troubles révolutionnaires et est supprimée en 1790. Lors de la Révolution française, le ministre de la Guerre utilise les lieux pour en faire des magasins d’habillement puis un entrepôt de subsistances pour les troupes de la garnison de Paris jusqu’en 1847, année de la démolition du bâtiment.

Une prison bien remplie pendant 100 ans

En plein milieu du 19e siècle, l’atmosphère religieuse est un lointain souvenir lorsqu’est construite, en 1847, la fameuse prison du Cherche-Midi. Située au 38 rue du Cherche Midi, la prison repose sur l’exact emplacement de l’ancien couvent.

Prison du Cherche-Midi
La prison du Cherche-Midi en 1910

Cette prison est destinée à remplacer la prison de l’Abbaye, détruite lors du percement du boulevard Saint-Germain en 1854. Inspirée des prisons américaines, celle-ci se distingue par un système de détention spécifique, avec un travail collectif tous les jours et des cellules individuelles. Elle peut aussi accueillir 200 détenus et compte parmi ses plus célèbres locataires Honoré d’Estienne d’Orves ou un certain Alfred Dreyfus.

Évacuée en juin 1940, la prison est utilisée par les forces allemandes pour incarcérer des résistants et des opposants politiques. Après la Libération de Paris, elle abrite à son tour des prisonniers de guerre allemands. La prison passe ensuite sous le contrôle du ministère de la Justice en 1947 et sert de simple maison d’arrêt jusqu’à mars 1950.

Place aux musées et aux écoles

Bien qu’insalubre, il faut attendre 1966 pour que le bâtiment soit démoli. Nouveaux chantiers et nouvel édifice avec la construction de la Maison des sciences de l’homme en 1970. Six ans plus tard, les locaux sont aussi occupés par l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Fondation Maison des sciences de l'homme

Deux plaques commémoratives ont été réalisées en mémoire des victimes et se trouvent dans la jardin de la Maison des Sciences de l’Homme. La première rend hommage aux étudiants incarcérés alors que la seconde rappelle l’histoire de la prison et de ses célèbres occupants. À noter qu’un autre monument commémoratif en hommage aux victimes se trouve sur l’esplanade du Souvenir à Créteil. En plus du nom des victimes, le mémorial intègre aussi les anciennes portes de la prison du Cherche-Midi.

Vestiges de la prison devant la fondation
L’hommage du Musée des sciences de l’homme au passé des lieux

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