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L'Hôtel de Lamballe, asile pour aliénés célèbres

Par Cyrielle

Construite au début du XVIIe siècle, cette immense bâtisse située entre la Maison de la Radio et le parc de Passy accueille, depuis 1946, l’ambassade de Turquie à Paris. Cent ans plus tôt, elle était l’une des cliniques psychiatriques les plus réputées et huppées de Paris, accueillant célébrités, artistes et femmes du monde. On vous raconte l’histoire de l’imposant Hôtel de Lamballe.

Un asile d’aliénés installé en dehors de Paris

C’est en 1846 que le docteur Esprit Blanche, psychiatre renommé qui consacre son travail aux maladies mentales, s’installe dans cette immense demeure. L’ancien hôtel de la princesse de Lamballe est situé à l’extérieur des limites de Paris, dans le tranquille village de Passy. Il possède une grande bâtisse centrale, plusieurs dépendances et un vaste parc, richement agrémenté. Le lieu lui semble parfait pour accueillir sa nouvelle maison de santé, plus grande et plus prestigieuse que son ancienne clinique installée sur les hauteurs de Montmartre. Les asiles privés sont, à l’époque, le privilège de quelques uns et majoritairement destinés aux classes riches.

L'hôtel de Lamballe en 1920
Façade sur cour de l’Hôtel de Lamballe, 5 mai 1920.
© Charles Lansiaux / DHAAP / Roger-Viollet

Le médecin, que l’on appelle alors un aliéniste, est déjà connu dans Paris pour être un progressiste dans son domaine, ouvert sur des pratiques innovantes et à l’écoute de ses patients. Pourtant, nous sommes au milieu du XIXe siècle et la psychiatrie n’est pas un domaine médical particulièrement avancé. Comme dans tous les asiles de France, privés ou hospitaliers, les soins sont donc très rudimentaires. On pratique les saignées, on soumet les malades à des expériences de mort imminente, on les enferme, on use de camisoles de force et de tourniquets pour remettre leur esprit en place… Esprit Blanche meurt seulement quelques années après son installation à Passy et c’est son fils qui prend le relais dès 1852. Ce sont donc Émile Blanche et son successeur le docteur Meuriot qui donneront à la clinique son prestige et sa réputation. Le docteur Blanche s’attache en effet à améliorer le fonctionnement de la maison de santé qu’avait créée son père.

L'hôtel de Lamballe
L’Hôtel de Lamballe  au début du XXe siècle © Albert Harlingue / Roger-Viollet

Une maison de santé mondaine et réputée

À la clinique du Docteur Blanche, tout est militairement programmé, les aliénistes de l’asile sont inflexibles et la moindre incartade est fermement punie par des douches froides ou des mesures de confinement. Pourtant, le lieu a deux avantages sur les autres : il est ouvert sur le monde et propose une hôtellerie de haute qualité. En effet, les malades peuvent recevoir des invités à leur table, se balader dans les vastes jardins de la propriété et sont même parfois autorisés à sortir de la maison de santé. Le lieu attire donc particulièrement les mondains et les artistes. Le compositeur Charles Gounod (1857), la comtesse de Castiglione, maîtresse de Napoléon III, le poète Gérard de Nerval (en 1853 et 1854) feront ainsi partie des nombreuses “célébrités” de l’époque a y séjourné. Guy de Maupassant y décédera le 6 juillet 1893, des suite de la syphilis.

Article sur la mort de Maupassant
Extrait d’un article du 7 juillet 1893 rapportant le décès de Guy de Maupassant à la clinique du Docteur Blanche © Le Journal, Gallica / BNF

Le taux de guérison de la clinique du Docteur Blanche n’a jamais été meilleur que celui des autres (autour de 5% à peine), mais sa capacité a accueillir les malades avec un certain respect dans un cadre raffiné lui permettra d’attirer plus de personnalités que n’importe quelle autre maison de santé parisienne pendant près de cinquante ans.

Hôtel de Lamballe – 17 rue d’Ankara, 75016
Métro : Passy (ligne 6)