Depuis toujours ou presque, les bijoux les plus prestigieux sont l’objet de toutes les convoitises, mais aussi de controverses. Ce qui donne souvent naissance à des récits judiciaires riches en rebondissements et conséquences. Ce qui nous donne l’occasion d’évoquer l’une des controverses les plus célèbres de la joaillerie, qui a commencé à Paris avant d’atteindre les plus hautes sphères de la cour royale. Une affaire qui entacha sérieusement la réputation d’une Reine, à l’aube d’une certaine Révolution Française…
Un cadeau prestigieux pour la Reine comme point de départ
En 1772, deux bijoutiers parisiens du nom de Boehmer et Bassenge commencent à travailler sur un magnifique collier de diamants, alors inégalé en splendeur et grandeur. Sans que cela soit confirmé, il y a de fortes chances que les bijoutiers prévoyaient de le vendre au roi Louis XV, connu pour couvrir de cadeaux somptueux Madame Du Barry, sa principale maîtresse royale. Un client certes prestigieux mais qui aurait tout à fait pu être séduit par l’incroyable prestige de ce collier, contenant 647 diamants et pesant 2 800 carats. Mais le cours de l’Histoire va être défavorable aux bijoutiers et au collier : le royal mécène qu’est Louis XV meurt peu de temps après que le collier soit terminé, en 1774, et Madame du Barry est exilée de la cour par le successeur du roi défunt, Louis XVI. Une décision ordonnée à la demande de l’épouse du nouveau roi, la reine Marie-Antoinette. Ainsi, sans acheteur ni destinataire potentiel pour récupérer le cadeau, les bijoutiers se retrouvèrent avec un bijou royal estimé à près de 2 millions de livres sur les bras. En toute logique, ces derniers se tournent alors vers celle plus susceptible de recevoir un tel cadeau : la reine Marie-Antoinette. Connue pour ses goûts de luxe en matière de mode, la souveraine le refusa pourtant, notamment à cause d’un montant trop important. Même lorsque le bijoutier Boehmer, dans une tentative désespérée, se mit à sangloter, hurler avant de menacer de se suicider si la reine ne lui commandait pas le collier.
Chantage, sosie, fausses lettres… les dessous d’une grande escroquerie
Un triste spectacle qui eut pour résultat… un nouveau refus. Marie-Antoinette déclara même que la couronne française avait “plus besoin de soixante-quatorze navires de guerre que de colliers”. Elle conseilla alors à Boehmer de briser le collier et de vendre les pierres séparément avant de le congédier. Une histoire qui aurait donc pu prendre fin sur ce conseil avisé. Pourtant, ce fameux collier va revenir sur le devant de la scène, avec des conséquences majeures pour Marie-Antoinette et la couronne. Véritable descendante d’un fils naturel d’Henri II de Valois, Madame de la Motte réalise qu’elle peut tirer parti de ces péripéties et engage alors une prostituée dont la ressemblance avec la Reine est troublante. Elle se tourne également vers le cardinal de Rohan, grand aumônier de France et, surtout, ancien ambassadeur en Autriche relevé de ses fonctions par… Marie-Antoinette. Désireux de retrouver les faveurs du roi et de la reine, ce dernier tombe dans le piège de Madame de la Motte, qui lui promet un retour en grâce. Il accepte de rencontrer la Reine, du moins celle qu’il croit être la Reine, dans un bosquet à la nuit tombée. Suite à ce rendez-vous, Madame de la Motte envoie au cardinal de Rohan de fausses lettres au nom de Marie-Antoinette de France, en lui demandant d’acheter le collier en son nom, après quoi elle le remboursera en plusieurs versements. Un détail de taille dans l’histoire puisque, à l’époque, les membres de la famille royale ne signaient leur correspondance officielle que de leur nom de baptême. Pas méfiant malgré son expérience d’ambassadeur, le cardinal accepte, forcément heureux de la confiance renouvelée de la reine à son égard.
Marie-Antoinette innocente et pourtant coupable aux yeux de beaucoup
Le cardinal apporte alors le bijou à Madame de la Motte, qui feint de le transmettre à Marie-Antoinette. Aidé de complices, elle démantèle le collier pour revendre les pierres précieuses. Lorsque la Chandeleur arriva, Rohan, impatient de voir la reine porter le collier qu’il s’était donné beaucoup de mal à lui procurer, fut consterné de voir qu’elle ne l’avait pas porté. Ni à ce moment-là, ni lors des semaines et mois qui suivirent. Une situation qui perturba également Boehmer, qui ne reçut jamais le premier paiement de 400 000 livres. Désespéré, il envoie alors une note à la reine le 12 juillet 1785, lui demandant si le collier lui convenait. Irritée devant cette lettre, surtout après la dernière entrevue entre eux deux, la reine prit la lettre… et la brûla. Quelques semaines plus tard, après avoir appris que la lettre avait été brûlée, le bijoutier entra dans une colère noire, tout en révélant qu’il avait traité avec la reine par l’intermédiaire de Rohan comme pouvaient le prouver les lettres portant la fausse signature de Marie-Antoinette. Très vite, le cardinal de Rohan fut convoqué à Versailles par le roi en personne. Si cet entretien permit de mettre en lumière les agissements de Madame de la Motte, le roi fit tout de même arrêter Rohan qui fut conduit à la Bastille. Jugé devant le Parlement de Paris en mai 1786, ce dernier est, contre toute attente, blanchi. Au même titre que ses complices, Madame de La Motte est arrêtée et est même marquée au fer rouge du V de voleuse. Bien qu’innocente, la reine subit de plein fouet cette affaire, elle que l’on décriait déjà comme une étrangère aux mœurs légères, et dépensière. Encore plus impopulaire vis-à-vis de la population, au point d’être huée lors des rares apparitions en public, Marie-Antoinette devient le symbole du dysfonctionnement de la monarchie des Bourbons et le bouc émissaire de tous les maux de la France. Surtout, elle est désormais une cible populaire pour les Jacobins, qui veilleront à ce qu’elle soit guillotinée en 1793. Non content d’avoir inspiré plusieurs films et même un roman d’Alexandre Dumas, ce fameux “collier de la Reine” aura donc causé bien plus de problèmes que d’émerveillement !
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Image à la une : Marie-Antoinette © RMN-Grand Palais /G. Blot