Un trésor de l’époque gallo-romaine découvert par hasard au XIX siècle en plein cœur de Paris !

Dans leur projet de redonner un nouveau souffle à Paris au XIXe siècle, le baron Haussmann et Napoléon III avaient notamment pour but d’offrir des espaces verts et de balade aux Parisiens. Mission réussie, tant les parcs et jardins pour venir se détendre ou marcher sont aujourd’hui nombreux dans les différents arrondissements. Parmi les quartiers les plus anciens de la capitale, le 5ème arrondissement dispose de nombreux espaces adéquats, dont un qui fut d’ailleurs redécouvert par hasard au XIXe siècle…

Un endroit qui a toujours fait partie de Paris

Qui ne s’est jamais baladé dans le 5ᵉ arrondissement pour découvrir cet impressionnant amphithéâtre gallo-romain situé juste derrière le Jardin des Plantes ? Un endroit dont la fondation remonte au 1er siècle, connu sous le nom d’Arènes de Lutèce. Comme il y en avait des milliers à l’époque de la Gaule, cet amphithéâtre accueillait des performances théâtrales et des combats de gladiateurs. La capacité totale du lieu est estimée à 17 000 spectateurs. Lorsque l’on sait que Lutèce possédait à l’époque près de 20 000 habitants, c’est donc la quasi-totalité de la population de la ville qui se pressait dans les arènes. Les arènes furent vraisemblablement utilisées à Paris de leur construction jusqu’à la première destruction de Lutèce au 3e siècle. Bien que réparées au 6ᵉ siècle par les Mérovingiens pour accueillir des spectacles, il faut attendre le Moyen-Âge pour que deux auteurs rendent véritablement compte de ruines de cirque ou d’arènes dans le quartier Saint-Victor. Malheureusement, les arènes sont ensevelies et leur emplacement exact reste ignoré. Le site sera peu à peu effacé, notamment par les terres de remblai lors du creusement des fossés de l’enceinte de Philippe Auguste à partir de la fin du XIIe siècle.

Rédecouverte Arènes de Lutèce © Paris ZigZag

Un véritable trésor de l’Histoire sauvé par Victor Hugo

Oubliées des Parisiens, les Arènes de Lutèce sont une première fois redécouvertes en 1869, suite au percement de la rue Monge dans le cadre des grands travaux d’aménagement du plan Haussmann. Mais dans les années 1880, la Compagnie générale des omnibus, souhaitant construire un dépôt de tramway à cet emplacement, permet malgré elle de redécouvrir la totalité des ruines des arènes. C’est lorsque la société commence à dégager et à massacrer les vestiges qu’un célèbre écrivain va sortir sa plus belle plume pour dénoncer ce qu’il considère comme un crime : Victor Hugo. Tel un gladiateur, ce dernier monte donc au créneau pour défendre ces arènes. D’autres voix s’élèvent à ses côtés pour la préservation des vestiges et la Société des amis des Arènes est ainsi créée pour défendre le site et sa valeur historique. Un comité formé par des sénateurs, des académiciens, des députés, des archéologues, résolus à lutter contre la destruction imminente se constitue et nomme Victor Hugo président d’honneur. L’auteur des Misérables ou de Notre-Dame de Paris écrit notamment en 1883 au Président du conseil municipal de Paris : “Monsieur le président, Il n’est pas possible que Paris, la ville de l’avenir, renonce à la preuve vivante qu’elle a été la ville du passé. Le passé amène l’avenir. Les arènes sont l’antique marque de la grande ville. Elles sont un monument unique. Le conseil municipal qui les détruirait se détruirait en quelque sorte lui-même. Conservez les arènes de Lutèce. Conservez-les à tout prix. Vous ferez une action utile, et, ce qui vaut mieux, vous donnerez un grand exemple.“

Un monument qui a eu d’étonnantes fonctions…

La ville renonce finalement à percer la nouvelle rue, vote l’acquisition du terrain et conserve les derniers vestiges mis au jour, qui sont classés à la liste des monuments historiques depuis 1884. Des fouilles sont entreprises jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, mais la construction des immeubles rue Monge empêche de les compléter à 100%. La mise en valeur d’une première partie du site intervient en 1892, sous la direction de l’architecte M. du Seigneur : le square des Arènes est né. Durant le XXe siècle, le site devient un lieu de spectacle, où l’on organise notamment des compétitions de basketball, comme la finale du championnat de France de basketball du 9 mai 1926 en présence du président de la République Gaston Doumergue. Le 18 avril 1927, l’équipe de France dispute même son premier match officiel dans l’hexagone devant 4 000 spectateurs, puis y joue régulièrement jusqu’au 8 mai 1951. Des démonstrations de corrida, la fête de la Bretagne et même un pardon de la Saint-Yves sont également organisés dans les arènes.

Basket-ball Arènes de Lutèce © Roger Viollet

Avant de devenir un lieu de balade idéal !

Aujourd’hui, les arènes de Lutèce sont un agréable jardin où les Parisiens viennent prendre le soleil, lire un bon livre ou se détendre, à l’endroit exact où gladiateurs et fauves combattaient il y a 2000 ans de cela. Seuls témoignages de la période gallo-romaine encore visibles à Paris, au même titre que les Thermes de Cluny, les Arènes de Lutèce sont surtout l’occasion d’avoir un autre regard sur Paris, de cette ville qui a connu les grands chapitres de l’Histoire et qui a su évoluer au fil du temps… en continuant de déchaîner les passions !