On connaît Paris et ses Grands Boulevards, ses luxueux palaces et ses hôtels particuliers… Mais on connaît moins les “apaches“, ces bandes de jeunes délinquants qui tourmentaient les beaux quartiers et intimidaient la classe bourgeoise. Cette jeunesse désabusée était prête à tous les stratagèmes pour échapper à sa condition, malgré une pauvreté ambiante.
Histoire d’une injustice
Au début des années 1880, les premières bandes parisiennes apparaissent et sont une réponse à la gentrification du centre-ville, provoquée par les travaux du baron Haussmann qui rejettent les classes populaires vers les extrémités de Paris. Les habitants les plus pauvres se retrouvent sans le sou, contraints de résider dans des bidonvilles où émerge une jeunesse mal éduquée, rustre et violente qui souhaite prendre sa revanche sur la vie et s’extraire de la misère. Progressivement, des gangs se forment et finissent par occuper le centre de la capitale, pour la plupart composés de jeunes hommes entre 15 et 20 ans qui cherchent un équilibre entre rixes, vols à main armée et guérillas.
Le rôle de la presse
Ce sont les grands journaux de l’époque (Le Petit Parisien, Le Petit Journal, Le Matin…) qui s’accaparent le sujet des gangs et narrent leurs péripéties : les apaches, en particulier, défraient la chronique au début des années 1900. Ce nom est monté de toutes pièces par la presse qui cherche à accentuer les méfaits du gang et scandaliser l’opinion publique pour vendre ses tirages. Le terme s’inspire des tribus amérindiennes du même nom qui ont été popularisées par les romans de l’écrivain James Fenimore Cooper et les spectacles de Buffalo Bill en Europe, communément appelés Wild West Shows. L’image des apaches devient stéréotypée et la presse s’attarde moins sur la délinquance juvénile que sur les bagarres de rue.
Une culture propre
Si les apaches fascinent tant, c’est en partie grâce à leurs mÅ“urs codifiées : pantalons larges, espadrilles, vestons, foulards et casquettes à trois ponts, les jeunes hommes sont facilement reconnaissables et renvoient cette image persistante de voyous des rues. Ils fument, boivent de l’alcool, se tatouent et s’adonnent au jeu lorsqu’ils ne sont pas poursuivis par la police ou la “renifle” : spécialistes de l’argot, les apaches emploient un vocabulaire précis pour décrire leurs méfaits, tel que “dégringoler un pante” pour détrousser (voire tuer) un bourgeois. Chaque bande possède un surnom, des “moucherons” aux “loups de la butte” en passant par les “chevaliers du sac” tandis que près de 80 000 délinquants gravitent dans la capitale au début du XXe siècle.
L’importance des femmes
Que seraient les apaches sans les femmes ? La gent féminine incarne de nombreux fantasmes pour ces jeunes hommes en quête d’affirmation et pour qui la virilité est le seul moyen d’outrepasser leur condition face aux adultes et aux forces de l’ordre. La femme ou “marmite” devient un objet sexualisé que l’on incite souvent à la prostitution : lorsque ce n’est pas le cas, on danse avec elle dans des bals musettes sur des rythmiques sensuelles inspirées de la java. Une jeune prostituée du nom d’Amélie Elie surnommée “Casque d’or” du fait de sa chevelure blonde se retrouve au cÅ“ur d’une guerre entre apaches en 1902. Joseph Pleigneur dit Manda et François Leca se disputent le cÅ“ur de la jeune femme au cours de rixes et agressions incessantes avant d’être arrêtés et envoyés au bagne en Guyane. La Première Guerre mondiale met un terme aux agissements des apaches et autres délinquants qui disparaissent dans un déchaînement de violence, marquant la fin de la Belle Epoque.
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Image à la une : Loups de la butte © Gang de Paris
Sources : France Culture, Gang de Paris, Ouest-France, TF1
Julien Mazzerbo