
Rien ne prédestinait Louis-Antoine de Bougainville à de telles aventures ! Et pourtant, ce Parisien né dans une famille bourgeoise va pourtant être le capitaine du premier tour du monde français officiel en 1766. Son journal de bord et les découvertes de ses équipes de scientifiques auront un impact capital sur les connaissances de l’époque.
La course aux découvertes
5 décembre 1766. Le port de Brest est en ébullition. Matelots et dockers s’affairent autour d’une immense frégate baptisée La Boudeuse. On embarque des vivres pour 330 hommes d’équipage, du vin et des animaux à abattre si le besoin s’en fait ressentir… Un voyage historique et inédit se prépare. Et c’est peu dire ! Le capitaine du vaisseau, un certain Louis-Antoine de Bougainville, s’apprête à partir pour le premier tour du monde français officiel.
Pourtant, à l’origine, ce périple n’avait pas cette ambition. À l’époque, la puissance d’une nation se mesure à ses colonies, ses découvertes et ses routes commerciales. Et la France de Louis XV se trouve en bien mauvaise posture ! Elle perd en 1763 le Canada à l’issue de la guerre de Sept ans, où Louis-Antoine de Bougainville est premier aide de camp du commandant des troupes canadiennes. Pour compenser cette perte, ce soldat promu capitaine propose de fonder une colonie aux îles Malouines, situées au large de l’Argentine. Très vite, cet objectif est contrarié par la couronne d’Espagne qui revendique ces terres. N’ayant pas les moyens de les défendre et pour éviter qu’elles n’arrivent aux mains des Britanniques, leurs concurrents directs, la France restitue finalement ces îles aux Espagnols dans une transmission pacifique. Pour que ce long voyage jusqu’aux Malouines ne soit pas vain, une autorisation est donnée à Bougainville pour continuer sa route. Les Français allaient, eux aussi, rentrer dans cette course à la découverte ! La Boudeuse, voguant aux côtés de la flûte L’étoile, inaugure donc le premier voyage d’exploration scientifique et le premier tour du monde français officiel.

Bougainville embarque avec lui le médecin botaniste Philibert Commerson, qui découvre notamment la fleur que nous appelons bougainvillier et réalise un herbier rare constitué de milliers d’espèces. L’astronome Pierre-Antoine Veron fait également partie du voyage et va, quant à lui, calculer pour la première fois la largeur du Pacifique. Le travail des scientifiques permet d’enrichir et de corriger les cartes existantes du détroit de Magellan en réalisant un relevé des côtes et de la profondeur des eaux. Pour les français, le Pacifique est une zone inexplorée, entourée de nombreux mythes. Bougainville et ses hommes n’ont aucune idée de ce qu’ils vont trouver sur leur route. Jusqu’à ce que…
L’arrivée au jardin d’Eden
Après 16 longs mois de voyage et 20 000 kilomètres parcourus, les marins aperçoivent une terre au milieu de cet océan infini. Bougainville et ses hommes arrivent à Tahiti. Aucun doute, les voilà au paradis ! Malheureusement pour lui, l’île a déjà été découverte par les Anglais dix mois plus tôt.
Les Tahitiens offrent toutefois aux voyageurs un accueil chaleureux et leur permettent de rester 13 jours sur l’île. Louis-Antoine de Bougainville rapportera une description précise et émerveillée, faite avec le regard d’un européen du siècle des Lumières, de cette société qui tire de la nature tout ce dont elle a besoin. Il remarquera notamment des catégories sociales strictes, assez éloignées de l’image du “bon sauvage”, particulièrement populaire au XVIIIème siècle. Après ce court séjour, La Boudeuse reprend le large le 15 avril 1768 pour partir en direction de l’océan Indien. En juin de la même année, Bougainville fait notamment la découverte de l’île à qui il donnera son nom.

L’arrivée à Saint-Malo se déroule le 16 mars 1769. Deux ans plus tard, Louis-Antoine de Bougainville publie son journal de bord Voyage autour du monde, qui connaît un grand succès et se lit dans toutes les cours d’Europe. Il donne ainsi naissance au mythe de Tahiti, comme “l’archétype de l’île paradisiaque”.
Louis-Antoine de Bougainville : une vie d’aventure
Louis-Antoine de Bougainville est né le 12 novembre 1729 à Paris. Dès son plus jeune âge, son père n’a qu’une ambition pour lui : qu’il suive sa voie et qu’il fasse du droit. Louis-Antoine fait donc des études dans ce sens et montre rapidement de grandes aptitudes pour les mathématiques et les sciences. À la mort de son père, il abandonne sa carrière d’avocat pour prendre les armes et partir voyager. Grâce aux relations de son oncle, un proche de Madame de Pompadour, il se voit nommé par le roi lui-même, capitaine de Dragon.
Après son tour du monde, Bougainville prend part notamment à la guerre d’Indépendance américaine avant que sonne les heures difficiles de la Révolution. Napoléon Bonaparte, qui l’estime beaucoup, fait de lui un sénateur en 1799, un grand officier de la Légion d’honneur en 1804 et un comte d’Empire en 1808.
Tableau de Une : Louis-Antoine, comte de Bougainville (1729-1811) par Joseph Ducreux (1790)
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