
Résistance, Combat, FTP-MOI, Sussex… Sous l’Occupation, les différents réseaux clandestins ont investi plusieurs lieux stratégiques de la capitale pour mener à bien leurs actes de résistance. Parmi les appartements, caves et squares, les cafés demeurent des lieux privilégiés pour organiser des réunions, épier les officiers allemands, cacher des radios ou recevoir du courrier. À l’exception de quelques plaques commémoratives, ces établissements parisiens dont les enseignes ont disparu gardent avec eux les secrets des anciennes armées de l’ombre.
Café Hélice

Désormais baptisé « café Max », cet établissement situé sur l’avenue de la Motte-Picquet était tenu sous l’Occupation par un certain Eugène Germain, ancien pilote rescapé de la Première Guerre mondiale. Dès 1941, ce dernier organisait des soirées dansantes chaque jeudi soir, où se rendaient de nombreux nazis. Ceux-ci ne savaient pas alors qu’il faisait partie d’un réseau de résistance française. Alors que les langues se délitaient sous le coup de l’ivresse, Germain en profitait pour épier l’ennemi et poursuivait la soirée après le couvre-feu avec ses camarades résistants. Depuis le café, il était ainsi en contact direct avec les services du général de Gaulle installés à Londres, ce qui lui permettait de divulguer les informations récoltées le soir même.
7 avenue de la Motte-Picquet, 75007 Paris
Café Dupont

Parmi les nombreux lieux de rendez-vous du groupe FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée), on compte un café désormais connu sous le nom de « café des Arts et Métiers ». C’est notamment dans sa salle que Missak Manouchian, Joseph Boczov et Marcel Rayman ont organisé les premières réunions du groupe Manouchian-Boczov-Rayman en 1942. Ce dernier rassemblera 23 résistants communistes, surnommés « l’armée du crime » par les nazis, qui les exécuteront tous deux ans plus tard.
51 rue de Turbigo, 75003 Paris
Café Lacan

Dans la rue de Vanves – actuelle rue Raymond Losserand – se trouvait autrefois un café tenu par un certain Joseph Lacan. Celui-ci a laissé s’organiser plusieurs réunions clandestines dans son établissement. C’est notamment à cette adresse qu’Albert Bayet, résistant et président de la Fondation nationale de la presse clandestine, corrigeait les épreuves du journal Franc-Tireur de 1941 à 1944. C’est aussi dans le café Lacan que se réunissaient les membres du mouvement Honneur de la Police, organisé au sein de la Préfecture de police de Paris. En plus des activités de sabotage et de renseignement, celui-ci a permis la diffusion de nombreux journaux clandestins, imprimés chez deux imprimeurs installés à Montrouge et dans le 14e arrondissement de Paris.
37 rue Raymond Losserand, 75014 Paris
Café de l’Électricité

Situé à deux pas d’un bureau de la Gestapo, ce café tenu par Margot Khill s’est progressivement transformé en lieu de réunion des membres du plan Sussex, rassemblés pour mener une opération d’infiltration dans les régions occupées. Formé en 1943, le groupe compte notamment la résistante Jeannette Guyot dans ses équipes. C’est d’ailleurs au café de l’Électricité que celle-ci a pu cacher un opérateur radio lui permettant de transmettre des informations. La propriétaire Margot Khill racontera plus tard à la BBC : « Je savais quel type de travail elle était venue faire et quand elle m’a demandé si j’étais prête à l’aider, j’ai répondu oui sans hésitation. Le café était situé près du bureau de la Gestapo, mais je savais ce que je faisais, je n’avais pas peur ».
5 rue du Faubourg-Montmartre, 75009 Paris
Café La Frégate

Situé près du quai Voltaire, dans le 7e arrondissement, le café La Frégate existe encore de nos jours. Au mois de septembre 1941, celui-ci a été le lieu de rencontre des écrivains résistants Jacques Decour et Jean Guéhenno afin de concevoir la parution des Lettres françaises. Initiée par la suite avec Jean Paulhan, cette publication découle du Front national – un mouvement de résistance communiste dont le nom peut aujourd’hui porter à confusion ! Entre ses pages, on trouve des écrits de plusieurs auteurs engagés comme Louis Aragon, François Mauriac ou Raymond Queneau.
1 rue du Bac, 75007 Paris
Café Laffond

À partir du mois d’octobre 1943, le café-tabac Laffond situé près du pont de l’Alma était la boîte aux lettres officielle du résistant Maurice Chevance et son lieu de réunions. Surnommé « Bertin », celui-ci a été la première recrue et l’un des principaux membres du mouvement Combat. D’abord engagé à Marseille pour diriger l’un des groupes de résistance, il est arrêté à deux reprises par la Gestapo et parvient à s’évader plusieurs fois. C’est finalement en 1943 qu’il décide de se rendre dans la capitale afin de prendre la direction du Comité d’action militaire de la résistance, période durant laquelle il se rendra au café Laffond jusqu’à la Libération.
57 avenue Rapp, 75007 Paris
Tea-Caddy

Situé dans le quartier de la Sorbonne – connu pour avoir accueilli de nombreuses barricades –, le café anglais Tea-Caddy a accueilli les réunions du mouvement Résistance au cours de l’année 1942. Fondé par le médecin Jacques Destrée, ce réseau tient aussi un journal éponyme pendant 26 numéros publiés entre octobre 1942 et août 1944. Avec Daniel Apert, Paul Steiner ou André Lafargue, plusieurs des membres résistants se réunissent dans ce café également fréquenté par les officiers allemands afin de recueillir des informations et de les divulguer sur papier.
14 rue Saint-Julien-le-Pauvre, 75005 Paris
Café de Mme Andrée Goubillon

Situé dans une petite ruelle du 5e arrondissement, ce café était autrefois tenu par Andrée Goubillon, dont le nom est resté à la postérité pour avoir caché 42 parachutistes français engagés dans le plan Sussex entre 1943 et 1944. En hommage à cet acte de résistance, plusieurs articles ont été publiés pour rendre hommage à la propriétaire, une plaque commémorative a également été installée à l’adresse, et le café a été rebaptisé « Café des Sussex » par les Anglais de la Special Operation Executive (« Direction des opérations spéciales »).
8 rue Tournefort, 75005 Paris
Romane Fraysse
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Image à la une : Le café de l’Électricité – © Sussex