
Capitaine de bateau à Paris, un métier plutôt inattendu mais qui existe ! Les eaux parisiennes comme la Seine et les canaux représentent en tout 100000 emplois indirects, dont les fameux capitaines. Nous avons donc décidé de nous mettre dans leur peau, le temps d’une matinée : on enfile la casquette et le pull marin et c’est parti pour un petit tour…
“L’homme passe donc ses journées sur les eaux parisiennes.”
C’est donc sur le Canal Saint-Martin que nous embarquons. C’est Olivier, qui fait ce métier depuis 16 ans, qui va nous guider. Un parisien d’origine corse, qui préfère voguer sur les eaux parisiennes plutôt que sur la Méditerranée. C’est donc lui, ce grand homme aux airs timides, le responsable du navire. Dans son vrai costume de marin et avec son écharpe bleue autour du cou, il accueille les clients, navigue le bateau et entretient l’engin.
Matelot puis capitaine
Il travaille depuis 6 ans pour Paris Canal, une compagnie de bateaux de croisières parisienne. En tout, ça fait 16 ans qu’il fait ce métier. L’homme passe donc ses journées sur les eaux parisiennes. Avant de passer son permis à Paris, Olivier a été matelot pendant une année, il a donc assisté un capitaine qui l’a formé à la navigation et aux manoeuvres. Aujourd’hui, son matelot s’appelle Nicolas. C’est lui qui le seconde et qui explique aux touristes l’histoire de Paris. Car pour être matelot, il faut connaître l’Histoire de la capitale sur le bout des doigts.
Le capitaine Olivier et son second Nicolas, au départ de la croisière
“La visite peut donc commencer.”
L’heure du départ est prévu à 10h15, mais Olivier est déjà là depuis une heure et demie : il a préparé le bateau, nettoyé les bancs, essuyé le sol et s’est occupé des niveaux moteurs. Tout le monde est maintenant à bord. Avant de démarrer le moteur, le capitaine doit absolument prévenir les éclusiers de son départ. C’est eux qui donneront le feu vert et qui ouvriront les écluses du Canal Saint-Martin. Une lumière verte s’allume. La visite peut donc commencer.
Un monde à part
C’est du Port de l’Arsenal, près de la Place de la Bastille que nous partons. Ici, quand on descend les marches pour accéder au port, on atterrit dans un monde différent : les petites voies pavées sont désertes, on n’entend pas un bruit, et ce ne sont pas des voitures mais des petits bateaux qui sont garés près de nous.
Naviguer les yeux fermés
Le parcours commence par la traversée du tunnel du canal, presque 3 kilomètres dans le noir complet. Nous passons sous la Place de la Bastille et sous le boulevard Richard Lenoir. Ici, on se sent isolé, pourtant, la foule grouille au dessus de nos têtes et sous nos pieds, pas moins de 3 métros différents traversent les couloirs. Ici, la difficulté, c’est de ne pas tomber en panne, car le tunnel est tellement étroit qu’on ne peut pas s’accoster. La lumière revient enfin, on sort du tunnel pour arriver au niveau du 10ème arrondissement, entre les quais de Valmy et de Jemmapes. D’ailleurs, on aperçoit la première double-écluse…
“3 mètres, c’est la distance que nous montons à chaque fois que l’on traverse une écluse”
Le capitaine se penche et se glisse donc par la fenêtre pour attacher le bateau à quai, il enroule le noeud au ponton, on amarre et il ne reste plus qu’à attendre que l’écluse monte.
3 mètres, c’est la distance que nous montons à chaque fois que l’on traverse une écluse, il y en a 8 au total. Nous sommes enfermés entre 2 écluses, un peu comme dans un sas. Le sas fait 39 mètres et le bateau en fait 35 mètres, ce qui ne laisse pas beaucoup de place pour manoeuvrer… L’eau qui s’échappe du bassin pour rentrer dans le sas est très agitée. Malgré le froid, les touristes se précipitent sur le balcon pour admirer le spectacles. Les vagues dues à la pression de l’eau sont impressionnantes, comparées au calme plat du reste de la balade. Nous montons, nous montons, nous montons, presque sans nous en rendre compte…
En attendant, Olivier nous montre les différentes commandes du bateau. C’est un bateau à l’ancienne, il n’y a donc rien de plus simple : 2 moteurs qui activent les hélices commandés par 2 manettes, et 2 gouvernails commandés par la barre. Sur son tableau de bord, une dizaine d’autres petits boutons qui servent à allumer les feux de navigation et les lumières sur le bateau. Olivier profite aussi de ce petit instant pour lire le sport sur le journal, ce soir il y a match, et en plus, c’est Paris qui joue ! Une fois que les eaux sont au même niveau, les portes s’ouvrent, Olivier repose son journal et c’est reparti pour naviguer.
“C’est comme si Paris s’ouvrait à nous”
Durant la croisière, on croise les petites maisons abandonnées par les éclusiers, on traverse des écluses, mais aussi des ponts tournants, en quelque sorte, c’est comme si Paris s’ouvrait à nous. Sur les ponts en hauteur, les passants baissent la tête pour voir le bateau passer à moins de 5 km/h. Les feuilles d’automne tombent à notre passage, les couleurs de la saison rendent la croisière encore plus charmante, c’est d’ailleurs la saison préférée d’Olivier.
A chaque fois que l’on passe devant un établissement, la jambe à la place des mains pour naviguer, Olivier nous raconte l’histoire du lieu, comme par exemple l’hôtel du Nord, rendu célèbre par le réalisateur Marcel Carné. Au cours de sa carrière, il a pu voir les quartiers populaires que nous traversons se transformer en endroits branchés et prisés par les bobos. Quand le capitaine travaille sur le Canal Saint-Martin, il le traverse 2 fois : une fois pour l’aller et une autre pour le retour. Il nous avoue qu’il ne pourrait pas faire ça tous les jours et que, heureusement, hier il était sur la Seine et demain, il sera sur la Marne.
Les croisières ne sont pas toutes aussi calmes que celle d’aujourd’hui, parfois, des particuliers louent un bateau pour des événements. Du coup, il en a vu des vertes et des pas mûres. Comme cette fois où il a dû balader une bande de fêtards et où il a davantage joué le rôle du flic que du capitaine, et ne parlons pas d’une soirée où il a vu un homme sauter du Pont d’Iéna à la suite d’un pari stupide…Un métier pas tous les jours facile, donc. Surtout quand le moteur se met à fumer à cause de toutes les saletés présentes dans le canal et qui se coincent dans les hélices, malgré le passage régulier des bateaux nettoyeurs. Le pire, c’est le dimanche matin où le canal est rempli de sacs plastique et de bouteilles en verre.
“Un métier que les gens admirent”
A part ces quelques points négatifs, Olivier est fier d’être capitaine, un métier qui étonne beaucoup de monde et que les gens admirent. C’est une profession qui intéresse beaucoup les jeunes et dans lequel il faut être très appliqué. Avec environ 3000 euros par mois, Olivier s’en sort plutôt bien.
La balade touche à sa fin. Il laisse le bateau au quai, tout près du Parc de la Villette, éteint le moteur et serre la main aux passagers. Il va profiter de sa pause pour aller déjeuner avec Nicolas, son matelot, dans un resto typique parisien qu’il connaît bien, et à 14h tapantes, c’est reparti pour un petit tour.
Pauline Hayoun
Photos : Zoé Conte