
Quand on évoque le quartier de Bercy, au cœur du 12e arrondissement de Paris, on pense à son immense pelouse arborée, à ses jardins fleuris, à l’Accor Arena, ou encore à Cour Saint-Émilion avec ses airs de village dans la ville. Mais rares sont ceux qui savent qu’un immense château bordé d’un jardin à la française signé Le Nôtre, se tenait là autrefois. Quelques traces demeurent pourtant dans le paysage. Entre vestiges, ruines reconstituées et rails fantômes, on vous livre les secrets insoupçonnés de Bercy.
Quand le marquis de Bercy rêvait de Versailles
L’histoire de ce quartier paisible et verdoyant niché au sud de la capitale, remonte au XVIIe siècle, quand Charles-Henri de Malon, marquis de Nointel et membre du Grand Conseil de Louis XIV, décida de faire raser le vieux manoir familial pour construire une demeure à la hauteur de son rang. Un projet ambitieux qu’il confia à François Le Vau, frère du premier grand architecte de Versailles, Louis Le Vau. Le château, dont on raconte que la beauté égalait celui de Versailles, s’éleva alors le long de la Seine, dans un écrin de verdure soigneusement dessiné par Le Nôtre. Seuls le corps principal et l’aile orientale furent terminés à la mort du marquis, mais son fils Anne Louis Jules Malon reprit le flambeau.

Le domaine s’enrichit alors d’une aile ouest, d’un grand escalier, de bassins, d’orangeries, d’une chapelle et d’un mobilier somptueux mêlant styles Louis XIV, Régence et rocaille. Le parc, immense, s’étendait jusqu’à Charenton et, au XIXe siècle, s’ouvrait au public les dimanches et jours de fête. Le comte de Nicolaï, maire de Bercy de 1821 à 1830 et propriétaire des lieux, contribua à faire de ce lieu une promenade prisée. On venait ainsi y admirer les sculptures, écouter de la musique, se promener entre les terrasses et les fontaines…
Du royaume des vins au jardin de la mémoire
Mais dès le début du XIXe siècle, le site, à l’époque situé hors de Paris et donc exempt de taxes, devint un haut lieu du négoce en vin et spiritueux. L’essor de ce commerce vint peu à peu grignoter les jardins de Bercy qui cédèrent alors leur place à des entrepôts vinicoles. Les tonneaux arrivaient par la Seine, puis étaient acheminés par rail jusqu’aux chais. Le quartier vivait alors au rythme de l’animation des marchands la semaine, et de celle des guinguettes le dimanche. En 1860, la commune de Bercy fut annexée à Paris, le château fut racheté par la compagnie de chemin de fer et démoli. Les entrepôts occupaient alors 43 hectares. Mais peu à peu, l’activité déclina : les fortifications tombèrent, les trains ne suffisaient plus à alimenter les besoins, et le site s’endormit.


Dans les années 1990, la Ville décida de métamorphoser cet espace. C’est ainsi que le parc de Bercy, inauguré par étapes entre 1994 et 1997, put renaître sur ces anciennes terres vinicoles. Il conserve toutefois une mémoire forte de son passé puisque l’on peut encore observer les rails au sol, les pavés d’origine, des arbres centenaires, les arches de l’ancien marché Saint-Germain, ainsi que les anciens chais restaurés. La Maison du Jardinage, la Maison du Lac ou encore le Pavillon de Bercy sont autant de clins d’œil à cette époque qui a marqué le quartier. Dans le jardin romantique, des espèces rares, un canal, une île, une vallée et même un jardin du Philosophe prolongent l’esprit de rêverie du lieu.
Le Petit-Château de Bercy : une folie aux allures de mystère
À quelques pas de là, une autre demeure, plus discrète, a aussi marqué l’histoire du quartier : le Petit-Château de Bercy, aussi appelé folie du duc de Gesvres. Construit au début du XVIIIe siècle, puis acquis par le contrôleur général Philibert Orry, ce petit palais de plaisance abritait fêtes, réceptions… et rencontres plus intimes. Le terme “folie” désignait à l’époque ces résidences élégantes mais discrètes, pensées pour recevoir en toute liberté.

Ce sont les vestiges reconstitués de cette bâtisse que l’on peut encore voir aujourd’hui dans le parc de Bercy, présentés comme les ruines stylisées d’une chambre. Certains y lisent même les contours d’un lit ! Ce Petit-Château, bien distinct du grand domaine Malon, a longtemps été confondu avec le château principal, mais se trouvait dans une autre zone du territoire de Bercy, alors appelé Grand Bercy. Il côtoyait d’autres folies ou maisons de campagne, comme le château Pâté-Pâris, situé dans ce qui deviendra Petit Bercy.


Pour les curieux, il reste une trace du Château de Bercy : les deux pavillons des bâtiments communs du château ainsi que les écuries, toujours visibles rue du Petit-Château, à Charenton, et restaurés. Quant aux boiseries, nombre d’entre elles sont réparties entre le Musée des arts décoratifs et plusieurs hôtels parisiens. Derniers témoins de la splendeur d’un domaine qui, pendant deux siècles, rivalisa presque avec Versailles.
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Image en Une : Parc de Bercy_Paris 12e © AdobeStock_Jasckal
Mélina Hoffmann