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Connaissez-vous l’histoire tragique de ce chevalier dont la statue trône en haut de Montmartre ?

La statue du chevalier de la Barre à Montmartre © David Briard

Il faut remonter en 1766 pour comprendre ce qui est arrivé au chevalier de la Barre. Accusé d’avoir commis des actes de blasphème contre la religion chrétienne, il est pris au centre de rivalités locales, victime d’un règlement de compte… Et deviendra un symbole du combat contre l’obscurantisme religieux. Sa mémoire est aujourd’hui réhabilitée notamment grâce au philosophe Voltaire. On vous raconte donc ce récit incroyable qui a marqué à tout jamais l’histoire de la capitale !

Et pour en savoir plus sur les secrets du quartier, rendez-vous dans notre visite guidée de Montmartre.

Qui est le chevalier de la Barre ?

Né dans la petite ville d’Abbeville, près d’Amiens, le chevalier de la Barre est issu de la noblesse provinciale. Il vit chez sa tante, qui l’a recueilli après la mort de ses parents. Fervent lecteur du Dictionnaire philosophique de Voltaire, le jeune homme est pétri de la philosophie des Lumières et fréquente les milieux anti-religieux et contestataires d’Abbeville. Et cela va lui apporter quelques ennuis… Avec certains de ses amis, attirés comme lui par l’interdit et le subversif, ils vont devenir les coupables idéaux des autorités après la découverte d’un terrible acte de sacrilège à Abbeville !

La statue du chevalier de la Barre à Montmartre © Wikipédia
La statue du chevalier de la Barre à Montmartre © Wikipédia

Des blasphèmes à Abbeville

En 1766, des villageois découvrent en effet avec effroi deux crucifix blasphémés, dont l’un recouvert d’excréments, près du cimetière d’Abbeville. Face au tollé généré par cet acte qui touche en plein cÅ“ur la sensibilité religieuse de toute une communauté, les magistrats, et notamment le lieutenant de police, Mr Duval, se tournent très vite vers le petit groupe des jeunes contestataires. Duval, nourri d’un ressentiment personnel envers le chevalier de la Barre – la cousine de ce dernier avait refusé les avances de Duval – mène une enquête à charge, recueillant des témoignages plus ou moins vérifiables. Des villageois évoquent ainsi certaines frasques passées du chevalier de La Barre, considéré comme un dangereux athée, qui aurait à maintes reprises manifesté son rejet de la religion : refus d’ôter son chapeau au passage d’une procession religieuse, chansons impies et à gloire au philosophe Voltaire…

Une histoire tragique

À la suite d’une enquête rapidement menée par Duval, le tribunal d’Abbeville condamne le chevalier de la Barre à avoir la langue arrachée, à être décapité et brûlé pour « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables ». Celui-ci fait appel auprès du Parlement de Paris qui, traversé de courants politiques contradictoires et en pleine guerre contre les philosophes des Lumières et les Encyclopédistes, confirme la sentence de mort du tribunal d’Abbeville. La plupart des parlementaires, certains humanistes ou encore l’évêque d’Amiens espéraient néanmoins qu’en tout dernier recours, le roi Louis XV exerce son pouvoir de grâce pour sauver le chevalier de la Barre… Rien n’y fera ! Il est effectivement exécuté le 1er juillet 1766. Torturé le matin, il est décapité à l’épée (privilège noble) sur la place d’Abbeville et son corps brûlé, en même temps que le Dictionnaire philosophique de Voltaire. Le bourreau épargnera néanmoins au jeune homme le supplice de l’arrachage de la langue…

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Le supplice du chevalier de la Barre. bas relief de l’église d’Abbeville.

L’intervention de Voltaire

Alerté par le retentissement de cette affaire (les condamnations pour blasphèmes au XVIIIe siècle étaient un fait rare…), dans laquelle son nom est cité avec récurrence, le philosophe Voltaire prendra la plume, pour défendre la mémoire du chevalier de Barre, dans la lignée de ses combats contre l’intolérance religieuse. À la même époque, il défend aussi la famille Callas et Sirven, deux protestants victimes également de cet obscurantisme. Des lettres sont rédigées par le philosophes dans lesquelles il dénonce l’irrégularité du procès – le délit de blasphème n’est normalement plus condamné à mort depuis 1666 –, la disproportion entre le délit et le châtiment exécuté et les nombreuses zones d’ombres qui pèsent sur l’enquête. La personnalité trouble du lieutenant Duval et les potentiels conflits d’intérêts sont pointés du doigt. Il faudra tout de même attendre la Révolution française pour que le chevalier de la Barre soit réhabilité. Dans de nombreuses villes de France, des rues portent son nom et des statues le représentent, comme celle installée au pied du Sacré-Cœur de Montmartre, dans la rue qui porte son nom.

Portrait de Voltaire (Francois Marie Arouet dit, 1694-1778) tenant l’annee litteraire. Peinture de Jacques-Augustin-Catherine Pajou (1766-1828), 18eme siecle. Paris, Comedie Francaise

Crédit photo de une : La statue du chevalier de la Barre à Montmartre © David Briard

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