
Les nuits parisiennes auraient pu ne jamais exister ! À la fin du XIXᵉ siècle, c’est un projet totalement fou qui a bien failli voir le jour : construire une tour-phare monumentale de 360 mètres de haut, en plein cœur de la capitale, pour éclairer tout Paris. Une ambition démesurée qui a failli prendre la place de la tour Eiffel !
Une tour pour illuminer Paris tout entier
En 1885, à l’approche de l’Exposition Universelle de 1889, les plus grands architectes de France rivalisent d’audace pour imaginer un monument spectaculaire capable de marquer les esprits. Parmi les projets présentés, deux retiennent l’attention : une tour de fer proposée par Gustave Eiffel… et une gigantesque colonne de pierre pensée comme un phare, baptisée la “Colonne-Soleil“.

Imaginée par l’architecte Jules Bourdais, à qui l’on doit déjà le Palais du Trocadéro, et par l’ingénieur Amédée Sébillot, de retour d’un voyage d’étude aux États-Unis, cette tour était pensée pour être bien plus qu’un simple monument. Haute de 360 mètres, soit plus que la future tour Eiffel, elle devait symboliser les progrès technologiques des l’époque en présentant un système d’éclairage révolutionnaire. À son sommet : une couronne de 12 mètres de diamètre équipée de 100 lampes à arc, capables de projeter une lumière blanche dans un rayon de 5 kilomètres. Des réflecteurs éparpillés dans la ville devaient même envoyer la lumière à l’intérieur des habitations ! De quoi transformer les rues de Paris, de Neuilly à Boulogne, en un jour perpétuel.
La Colonne-Soleil : vrai projet ou utopie ?
Derrière ce duel architectural se cache une véritable lutte de style et d’époque. D’un côté, la pierre, l’académisme et l’héritage des Beaux-Arts, portés par Bourdais. De l’autre, le fer, l’audace technique et la modernité, défendus par Eiffel. Le concours lancé en 1886 semble d’emblée correspondre au projet de Gustave Eiffel : plus léger, plus réaliste en termes de coûts, plus simple à ériger.

Car si la Colonne-Soleil séduit par sa démesure, elle s’avère vite irréalisable. En effet, son poids colossal n’a pas été anticipé, et sa conception technique reste floue. De son côté, Gustave Eiffel joue finement : il propose des expériences scientifiques au sommet de sa tour, et n’hésite pas à reprendre à son compte l’idée d’un phare, plus modeste et moins intrusif toutefois que celui de son concurrent, pour éclairer Paris.
Paris sans phare
L’objectif affiché de la Colonne-Soleil était clair : faire disparaître la nuit. Une ambition qui, aujourd’hui, paraît vertigineuse. Grâce aux lampes à arc, récemment apparues dans les villes américaines sous forme de “Moonlight Towers”, le rêve semblait possible. Mais à cette échelle, les calculs s’emballent : pour obtenir un bon éclairement depuis 360 mètres de haut, il faudrait multiplier par 50 la puissance des installations américaines.

Même si Eiffel s’approprie partiellement l’idée, en équipant sa tour d’un phare et de projecteurs orientables, la réalité rattrape vite la fiction, et le rêve d’une ville baignée de lumière artificielle laisse place à une vision plus mesurée. Ainsi, à partir du XXe siècle, cette utopie est peu à peu abandonnée, sauf à Austin, au Texas, où quelques tours-lune subsistent encore aujourd’hui. La Colonne-Soleil, quant à elle, resta dans les cartons, et la tour Eiffel pourra ainsi, sans jamais trop troubler ses nuits, veiller sur la Ville Lumière.
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Image en Une : La Tour Eiffel l’a emporté sur la Colonne-Soleil à l’Exposition Universelle de 1889 © AdobeStock_MarinadeArt
Mélina Hoffmann
