
Avant que les pompiers n’existent, les Parisiens et Parisiennes devaient éteindre eux-mêmes les incendies survenant dans leur voisinage. Des provisions d’eau devaient donc être faites dans les habitations et les puits devaient être bien entretenus, tandis que les hommes faisaient partie du guet à tour de rôle chaque nuit. Une organisation rudimentaire, qui n’empêcha pas la capitale de connaître quelques tragédies causées par le feu. Jusqu’à ce que l’une d’entre elles soit toute proche de condamner l’Empereur des Français…
Une fonction essentielle depuis toujours mais longtemps balbutiante
Dès le début de la civilisation, les hommes, en bâtissant des cités de bois, se rendent compte du danger qu’un tel matériau peut engendrer et mettent alors sur pied des organismes pour lutter contre les incendies. Déjà en Asie mineure, on parle de lutte contre le feu . Plus tard, en Italie, les Romains créent sous l’empereur Auguste les “vigiles du feu”. En France, c’est au Moyen Âge que ces structures apparaissent, sous la forme de volontariat. Ce sont d’abord des personnes travaillant dans le bâtiment (charpentiers, couvreurs, etc.) puis, sous Henri IV, des moines d’ordres mineurs. Problème, porter une robe de bure n’est pas le plus évident contre un incendie, que ce soit pour agir vite ou même face au risque qu’elle brûle. Il faut donc attendre Louis XIV pour qu’un corps de gardes pompes soit organisé à Paris. En octobre 1699, le roi signe trois ordonnances sur l’organisation de pompiers professionnels à Paris, ancêtres de la BSPP actuelle. L’emploi de pompes, que le roi achète en première dotation, et de personnel professionnel modifie complètement la lutte contre le feu. Ces pompes sont stockées dans les couvents des vingt quartiers du vieux Paris, sous la bonne garde des religieux. Une évolution qui n’empêche quelques grands sinistres d’avoir lieu, comme l’incendie du Petit Pont (futur Pont Neuf) en 1718. Un drame qui conduit à une décision historique pour Paris : désormais, aucune habitation ne sera plus accolée à un pont parisien.

Une réception de rêve qui tourne au cauchemar
À la fin du XVIIIe siècle, malgré quelques améliorations mises en place, le service est encore loin d’être optimal puisque les gardes pompes n’ont pas encore de chevaux, ni d’écuries, et doivent donc réquisitionner les chevaux du voisinage pour la traction de leurs matériels, et il faut attendre 1794 pour que la discipline devienne plus militaire grâce à l’adoption d’un “code de discipline “. Finalement, c’est un nouvel incident qui va grandement accélérer les choses. Le 1er juillet 1810, l’ambassadeur d’Autriche à Paris, le prince de Schwarzenberg, décide d’organiser un bal en l’honneur de Napoléon Ier et l’archiduchesse Marie-Louise, qui se sont mariés trois mois plus tôt. Une réception grandiose où sont conviées pas moins de 2000 personnes. L’ambassade d’Autriche n’étant pas assez grande, elle est agrandie par une extension en bois dans le jardin. Les cloisons sont recouvertes de tentures plissées en mousseline, des rideaux de soie sont accrochés aux fenêtres, le plancher et le toit sont en bois, comme le toit. Ajoutons à cela le fait que de l’alcool est appliqué sur les peintures pour les faire sécher plus vite et qu’on installe 73 lustres comportant 40 bougies chacun… et l’on obtient là une véritable poudrière. Un risque certain d’accident… qui ne loupe pas lorsqu’une rafale de vent vient renverser un lustre. En quelques secondes, les flammes se propagent à une vitesse incroyable sur le plafond orné de tissus fins.

Les débuts officiels d’une institution essentielle de Paris
Tandis que l’Empereur et sa femme sont évacués, les 3 gardes pompes présents dans le jardin ne peuvent avancer vers le sinistre à cause de la foule qui évacue par le seul accès et il faut attendre 3h du matin pour que l’incendie soit maîtrisé. Si le drame est gardé secret dans la presse pour ne pas affoler la population et ne pas jeter une ombre sur les festivités d’un mariage qui doit sceller l’alliance entre la France et l’Autriche, cet événement a traumatisé Napoléon Ier. Indiscipline, non motivation, mauvais encadrement et peu d’entraînement des gardes pompes : c’en est trop pour l’Empereur qui décide, un an plus tard, de dissoudre le corps des gardes pompes et de le remplacer par un corps militaire de sapeurs du génie de la Garde impériale. Ainsi, le 18 septembre 1811, le premier Empereur des Français décrète la création du bataillon des sapeurs-pompiers de Paris, un corps militaire placé sous la direction du préfet de police à qui l’on attribue, outre la lutte contre les incendies, une mission de prévention. Un bataillon qui ne cessera de s’illustrer au fil des décennies : en 1870, le régiment aide les Versaillais à la reprise de Paris en aidant les troupes à éteindre les incendies des pétroleuses, 3000 étrangers du fort de Vincennes sont encadrés par les officiers, sous-officiers et caporaux des pompiers de Paris à l’aube de la Première Guerre mondiale. Un conflit où les pompiers, ayant l’habitude des tuyaux et des pompes, seront d’ailleurs les premiers à utiliser les lances-flammes. Lors de la Seconde Guerre mondiale, une importante activité de résistance se développe parmi les pompiers de Paris au cours des quatre années d’occupation. Et le 25 août 1944, le capitaine Sarniguet, accompagné de cinq autres pompiers de Paris, hissent à nouveau les couleurs du drapeau français au sommet de la Tour Eiffel, symbole tant attendu d’un Paris libéré.

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Image à la une : Sapeurs-pompiers Paris © Mickaël Lefèvre / BSPP