La pluie à Paris, voici un sujet qui suscite toujours beaucoup de réactions. Il y a ceux qui adorent pour le côté romantique et ceux qui en sont malades à la simple idée de devoir la braver pour se rendre au travail ou rentrer chez soi. Maintenant que l’automne a fait son grand retour, il y a fort à parier que celle-ci n’a pas fini de pointer le bout de son nez. En espérant toutefois que ces futurs épisodes pluvieux demeurent légers, et ne donnent pas lieu à des scènes apocalyptiques comme cela a pu être le cas par le passé…
Un hiver rigoureux à l’origine de cet événement majeur
Cette crue de la Seine survient à cause de plusieurs facteurs, à savoir une pluviométrie importante, beaucoup de neige et de gel les jours précédents, la crue de plusieurs cours d’eau tels que l’Yonne, le Loing ou le Grand Morin qui provoquent des inondations et des sous-sols saturés dans tout le Bassin parisien. Il faut dire que les mois de septembre, d’octobre et de décembre 1909 sont deux fois plus pluvieux que les normales saisonnières sur tout le bassin versant de la Seine. Suite à un hiver pluvieux et froid, les sols sont gelés, ce qui signifie que l’eau ruisselle au lieu de pénétrer dans la terre. Nous ne sommes alors que le 20 janvier et le Zouave, la célèbre statue de Georges Diebolt située sous le pont de l’Alma représentant un des soldats de la guerre de Crimée, a déjà les pieds dans l’eau. Depuis son installation en 1856, la statue fait office de repère de la montée des eaux de la Seine et ses pieds ensevelis signifient que la Seine atteint déjà 3,80 mètres de hauteur d’eau au-dessus de la normale, ce qui est déjà très préoccupant. Dans le même temps, l’interdiction de circulation des bateaux-mouches et des péniches est mise en place, tandis que la banlieue Est parisienne compte déjà des villes inondées. Mais le pire reste encore à venir pour la capitale, qui n’a pas connu une grande crue de la Seine depuis 1876.
Une capitale paralysée par l’eau
24h plus tard, le cap symbolique des 5 mètres est atteint, alors que les berges du XIIe arrondissement sont inondées et que les barriques de vins de l’entrepôt de Bercy sont sous l’eau, le tout sous une pluie qui continue de tomber. Dans le même temps, l’usine de la Société urbaine d’air comprimé, située dans le XIIIe arrondissement est arrêtée, ce qui a pour conséquence d’arrêter les horloges publiques et les ascenseurs. En quelques heures, la vie à Paris s’est arrêtée, à l’image du quartier du Marais en grande partie submergé. Face à cette situation hors-norme, le gouvernement décide d’agir le 22 janvier en envoyant l’armée pour installer des planches de bois au niveau des habitations les plus proches de la Seine. Puisque les automobiles ne peuvent plus circuler, tout comme les métros et les tramways, on fait appel à des chevaux pour se déplacer. Transformée en capitale moderne à la fin du XIXe siècle, Paris redevient en l’espace de quelques jours le Paris d’antan où la boue, les chevaux et les odeurs envahissent les rues. Sans électricité, le téléphone cesse de fonctionner, les problèmes de ravitaillement sèment la panique et les provisions se font dans la cohue. On assiste également à des scènes inattendues, comme celles des habitants du rez-de-chaussée s’installant chez leurs voisins du 1er étage, tandis que la Seine enregistre un niveau à 6,75 mètres le 24 janvier.
Quelques jours de chaos pour des dégâts colossaux
Qualifié encore aujourd’hui de “crue du siècle”, cet événement a bien évidemment des conséquences terribles sur Paris et ses habitants. Plusieurs morts sont recensés dès les premiers jours, et les survivants doivent composer avec une situation sanitaire qui se dégrade fortement : près de 1300 tonnes de déchets sont déversés par-dessus les ponts, les égouts coulent dans la Seine et l’eau polluée ainsi que les rats quittent leurs caves inondées, venant ainsi aggraver une situation sanitaire déjà détériorée par les cas de scarlatine et de typhoïde. Le 28 janvier 1910, le pic de cette crue est atteint : la Seine atteint 8,62 mètres et les épaules du Zouave. Dès le lendemain, la pluie cesse et la Seine baisse enfin, même s’il faudra attendre la mi-mars pour que l’inondation soit entièrement résorbée. Surtout, le bilan est catastrophique : 40 kilomètres de rues inondées, 12 arrondissements touchés, 20 0000 immeubles concernés, plus de 30 000 maisons sinistrées en banlieue et des stocks de livres et d’archives disparus à jamais, comme celles du Palais de Justice. Sur le plan financier, les conséquences sont bien entendu terribles : les dégâts sont estimés à plus de 400 millions de francs-or, soit l’équivalent de 1,6 milliard d’euros. Les travaux de consolidation et de rénovation des immeubles seront colossaux et l’événement marque à jamais Paris. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’on trouve aujourd’hui des repères de crue dans les lieux publics, afin de sensibiliser au risque de crue, toujours réel. Par ailleurs, dans les zones inondables, les normes de construction imposent désormais que le niveau des rez-de-chaussée soit au-dessus de la crue de 1910. Car si la Seine et Paris ont connu d’autres crues depuis, rien ne fut plus marquant et impressionnant que ces quelques jours chaotiques de 1910.
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Image à la une : Crue de la Seine © Adobe Stock