Née au Ier siècle av. J.-C., celle que l’on surnomme la « Ville Lumière » a connu de multiples visages modelés par les idéaux de chaque époque. De la petite Lutèce au Grand Paris, ses cartes dévoilent comment elle s’est adaptée aux diverses décisions politiques, sociales, culturelles et hygiénistes, jusqu’à la récente prise de conscience écologique.
La petite Lutèce
À l’origine, une petite cité gallo-romaine s’est construite sur la Rive gauche de la Seine durant le Ier siècle av. J.-C. Lutèce ne représentait qu’une infime partie de notre capitale actuelle, puisque son territoire était compris entre le boulevard Saint-Germain, la rue Descartes, le Val-de-Grâce et le jardin du Luxembourg. Toute la cité s’ordonnait alors autour de deux grands axes perpendiculaires : l’actuelle rue Saint-Jacques, dénommée le « cardo maximus », qui était dirigée du nord au sud, et le « decunamus » allant de l’est à l’ouest. Si de nombreuses constructions se sont développées sur l’Île-de-la-Cité, la Rive droite demeurait quant à elle un faubourg extérieur.
Le cœur de la cité se situait alors sur la montagne Sainte-Geneviève, où le forum était implanté devant l’actuel Panthéon. Ce centre politique et commercial comportait une grande esplanade, une basilique et un temple. Comme toute cité romaine, Lutèce était aussi dotée de thermes, dont les plus importants étaient ceux de Cluny, situés entre la rue des Écoles et le boulevard Saint-Germain. Enfin, les spectacles se déroulaient dans les arènes que l’on connaît, près de la rue Monge, ainsi que dans un théâtre semi-circulaire qui était placé au niveau du lycée Saint-Louis.
L’expansion médiévale
Durant le Moyen Âge, la ville ne cesse de s’étendre, repoussant ses enceintes vers les faubourgs de la Rive droite. Devenue la capitale française sous Clovis, celle que l’on nomme désormais « Paris » s’agrandit considérablement. Plusieurs voies principales sont alors tracées pour rejoindre la Seine : légèrement courbes, elles dessinent encore l’architecture des quartiers de Saint-Michel ou du Marais, et portent souvent des noms de saints, comme la rue Saint-Honoré, la rue Saint-Martin, ou la rue Saint-Antoine. La majorité représente toutefois de petites rues exiguës et insalubres qui font de Paris un labyrinthe obscur : à cette époque, on référence ainsi 310 rues répandues sur les deux Rives et sur l’Île-de-la-Cité, véritable cœur de la capitale.
C’est d’ailleurs sur cette île que se trouve le Palais de la cité, véritable siège du gouvernement des Mérovingiens, puis des Carolingiens. La plupart des constructions se forment autour de ce noble centre, dont la cathédrale Notre-Dame de Paris, la Sainte-Chapelle, le baptistère Saint-Jean-le-Rond, ainsi que plusieurs églises et habitations. Sur les Rives, on fortifie les églises Saint-Germain-des-Prés, Saint-Germain-l’Auxerrois ou Saint-Merry. Autour des quartiers religieux, de nombreuses écoles capitulaires sont fondées, ainsi que le célèbre collège de la Sorbonne, en 1253.
Le rayonnement de la Renaissance
Durant son règne, François Ier décide d’installer sa résidence à Paris dès 1528 : le Louvre est alors construit en plein cœur de la capitale. À l’heure de l’idéal humaniste, la ville devient un vrai centre culturel côtoyé par les grands intellectuels et artistes de l’époque.
L’architecture parisienne s’ennoblit alors : de luxueux hôtels particuliers apparaissent, de nombreuses rues agrandissent leurs espaces, tandis que de vastes jardins aèrent la capitale, comme celui des Tuileries. Ainsi, à la fin du XVIe siècle, on compte 280 000 habitants à Paris, ce qui en fait la plus grande ville d’Europe de l’Ouest.
La Ville Lumière
L’entrée dans l’ère classique se constate à la géométrie des plans de la ville du XVIIe siècle. Dans une volonté d’ordre et d’harmonie, Paris se dessine de plus en plus à travers ses voies rectilignes et ses places carrées. Sous Louis XIII, l’enceinte de la capitale englobe désormais les quatre premiers arrondissements actuels de la Rive droite, que son successeur Louis XIV embellit en construisant de larges boulevards. En prenant de plus en plus d’ampleur, Paris ne cesse de s’étendre sur le territoire, jusqu’à compter vingt quartiers, quatorze faubourgs et deux villages en 1702.
Puis, à la fin du XVIIIe siècle, le mur des Fermiers généraux, une enceinte fiscale, limite la ville en regroupant ses onze arrondissements actuels. Néanmoins, face à l’agrandissement de Paris, aucun véritable projet n’est lancé pour remettre en cause l’urbanisme labyrinthique hérité du Moyen Âge. Seuls les quartiers encore peu construits font face à certaines innovations, comme les grands boulevards créés sur l’emplacement d’une ancienne enceinte détruite par Louis XIV.
La révolution urbaine
La révolution urbaine n’a pas encore lieu sous le Premier Empire. Napoléon se préoccupe tout de même de la vie quotidienne en approvisionnant en eau la capitale avec le canal de l’Ourcq, en construisant des abattoirs et des halles, ainsi que des monuments commémoratifs comme la colonne Vendôme. Puis, sous la monarchie de Juillet, les théories hygiénistes commencent à faire fleurir des projets de ville saine : le préfet Rambuteau commence à imaginer des grands boulevards et des avenues pour assainir les quartiers centraux. En 1838, il est aussi le premier à faire détruire un quartier pour percer une rue dans le centre de Paris, celle qui lui doit aujourd’hui son nom.
Puis, dès 1853, le célèbre baron Haussmann poursuit ces transformations à une échelle bien plus vaste, qui demeure aujourd’hui l’ossature principale de la capitale. Sous Napoléon III, il modernise radicalement la ville en la repensant sous un nouveau jour : le vieux Paris médiéval fait place à de vastes boulevards, des rues linéaires et de grands immeubles uniformes. La capitale bourgeoise passe alors de douze à vingt arrondissements, et relègue les plus démunis dans les bidonvilles situés en périphérie. Dans cette continuité, les façades des habitations s’embellissent de nombreux ornements de style Art nouveau sous la Belle Époque.
La ville nouvelle
Malgré les grands travaux d’Haussmann, plusieurs quartiers de la capitale restent délabrés et participent à la propagation de la tuberculose. Le jeune architecte Le Corbusier décrit la médiocrité de ces « taudis » et propose de raser une grande partie des quatre premiers arrondissements afin de construire une trentaine de gratte-ciels. Bien heureusement, le plan Voisin n’a jamais vu le jour. Néanmoins, l’architecte Raymond Lopez s’inspire de certaines de ses idées pour assainir davantage la capitale. Tout d’abord, il repense la circulation dans le centre-ville : au lieu de faire traverser les automobiles sur les axes traditionnels des boulevards Saint-Michel et Sébastopol, une ceinture de voies rapide est créée entre les portes de Vanves et d’Aubervilliers. De plus en plus présentes, les voitures font tout de même la loi au sein de la ville, qui s’aménage principalement en fonction d’elles.
Concernant les quartiers insalubres, certains ilots jugés « mal construits » sont rasés pour donner lieu à de nouvelles architectures. C’est notamment le cas du quartier du Marais, dans lequel le vaste plateau Beaubourg a finalement accueilli le centre Pompidou durant les années 1970. La politique urbaine de la capitale n’est alors plus soumise à l’alignement de rues, mais repose plutôt sur la construction d’habitations fonctionnelles, telles qu’Italie 13. Un fantasme de « ville nouvelle » qui provient tout droit du rêve américain.
Vers le Grand Paris
En termes d’urbanisme, notre siècle est marqué par de nombreux changements écologistes et hygiénistes. La pandémie de Covid-19 repense l’espace avec des aménagements étendus sur les places et des trottoirs élargis. La crise écologique remet aussi en cause les structures bétonnées pour laisser place à des lieux végétalisés, ainsi que des pistes cyclables et piétonnes.
Au même moment, l’idée d’un Grand Paris se concrétise en 2008 avec Christian Blanc, secrétaire d’État au développement de la région capitale. L’objectif est ainsi de redessiner les contours de la ville pour en faire une métropole mondiale : depuis 2016, le réseau de transport est alors développé dans toute la région, ce qui permet de faciliter le déplacement et de limiter la pollution urbaine. De nouveaux logements permettent aussi de garantir une meilleure offre et des prix plus accessibles aux Parisiens, toujours plus nombreux. Un projet de « ville durable » qui s’accélère depuis quelques années en gardant en tête l’arrivée des Jeux olympiques à Paris en 2024.
Romane Fraysse
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