Limitrophe de Paris, Neuilly-sur-Seine fait partie de ces communes proches de la capitale dont on dit que le niveau de vie est aisé. Mais résumer la ville à ce seul constat serait une erreur, tant son histoire est indissociable de celle de Paris. Les origines du nom de Neuilly-sur-Seine datent du XIIIe siècle, où se trouvait à l’époque un gué (endroit où l’on peut traverser un cours d’eau à pied) qui traversait la Seine pour relier Montmartre et le Mont Valérien par la voie romaine. C’est ce même gué qui, au début du XVIIe siècle, faillit entraîner la noyade du roi Henri IV. Ce dernier décida alors de construire un pont qui fût tout d’abord en bois, puis remplacé par un pont en pierre à la fin du XVIIIe siècle pour assurer une meilleure sécurité lors des traversées. Les vastes forêts et marécages qui occupaient les lieux commencèrent a être exploitées par Parmentier pour la culture de pomme de terre, notamment dans la plaine des Sablons, et ce n’est qu’après la Révolution française que la commune de Neuilly-sur-Seine est créée.
Un accrochage verbal entre deux hommes politiques à l’origine
Tout comme à Paris, de violents combats eurent lieu à Neuilly durant la Commune, la crue de la Seine de 1910 impacta aussi la ville et plusieurs bombes dévastèrent certains quartiers lors de la Première Guerre mondiale. Mais Neuilly-sur-Seine est aussi une ville d’histoire, où le roi Louis-Philippe résidait au Château de Neuilly, où les funérailles du journaliste Victor Noir furent un prélude à la chute du Second Empire ou que le traité de Neuilly, prolongement du traité de Versailles, entre les Alliés et la Bulgarie fut signé en novembre 1919. Mais c’est aussi à Neuilly-sur-Seine qu’eut lieu un événement majeur de l’Histoire de France : le dernier duel à l’épée de l’Histoire de France. Il faut pour cela remonter dans le temps, jusqu’à l’année 1967. Nous sommes le 20 avril, sur les bancs du Palais Bourbon en plein débat de l’Assemblée nationale, lorsque Gaston Defferre, député socialiste des Bouches-du-Rhône et maire de Marseille, s’en prend violemment à René Ribière, député gaulliste du Val d’Oise, en lui lançant “Taisez-vous, abruti”. Un incident qui aurait pu en rester là, mais pas pour les deux hommes : Gaston Defferre refuse de s’excuser et René Ribière estime qu’il s’agit d’une affaire d’honneur devant être réparée “par les armes”.
Même le Président de la République ne peut empêcher ce duel anachronique…
Les choses ne tardent pas et l’affrontement a lieu dès le lendemain. Neuf ans après le dernier duel, dans l’Eure, qui avait vu s’affronter pour un différend artistique le danseur Serge Lifar et le marquis de Cuevas, le règlement a cette fois lieu dans le jardin d’un hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine. Ayant le choix des armes, René Ribière choisit l’épée malgré un détail important à prendre en compte : il doit se marier le lendemain. Le 21 avril en début d’après-midi, les journalistes se pressent dans le jardin de la résidence pour entrevoir ce duel ubuesque entre les deux hommes politiques. D’un côté, René Ribière, qui n’a jamais touché à une épée et de l’autre Gaston Defferre, qui s’était déjà mesuré à Paul Bastid, vingt ans plus tôt dans un duel au pistolet sans vainqueur. Épée à la main et chemises retroussées, les deux hommes s’accordent cette fois sur un duel au premier sang, entourés du médecin de l’Assemblée nationale et du député gaulliste Jean de Lipkowski, choisi pour arbitrer le match. Rien ne peut empêcher la tenue de ce duel, pas même le Président de la République de Gaulle, qui missiona sans succès des émissaires pour le faire annuler… Filmés, les deux hommes politiques s’apprêtent donc, sans le savoir, à disputer le dernier duel à l’épée de l’histoire de France pour une simple question d’égo.
Un perdant pour l’Histoire et un vainqueur loin d’être modeste
Un affrontement très attendu… qui ne dure pas plus de cinq minutes. Par deux fois, René Ribière est en effet touché, sans gravité, et Gaston Defferre est déclaré vainqueur. Ce dernier refuse d’ailleurs de serrer la main de son adversaire et va même jusqu’à réitérer son insulte. Une fois le duel terminé, le maire de Marseille ne manquera pas une occasion de se vanter, comme dans l’émission “L’oreille en coin” du 5 mai 1985, où il revient sur cet épisode : “Il devait se marier le lendemain. Et moi, ça m’amusait de l’empêcher de se marier. Vous imaginez où je visais…”. Petit-fils du député Marcel Ribière, ayant également participé à un duel en 1910, René Ribière reste donc dans l’histoire de France comme étant le dernier homme à avoir perdu un duel à l’épée. Si les échanges houleux entre hommes politiques n’ont pas cessé depuis, au moins pratique a pris fin ce jour-là sous les ombrages d’une résidence privée de Neuilly-sur-Seine.
À lire également : Saviez-vous que ce célèbre quartier parisien aurait pu être totalement rasé en 1922 à cause d’un étonnant projet ?
Image à la une : Reconstitution d’un duel à l’épée, ici à Fontainebleau © LP / Sébastien Blondé