En plein cœur de Paris, deux îles se partagent les faveurs des touristes : l’île Saint-Louis et l’île de la Cité. Très appréciées pour leurs balades sur les quais et les vues qu’elles offrent sur la Seine et Paris, ces deux îles regorgent également de somptueux monuments et hôtels particuliers vieux de plusieurs siècles. Beaucoup moins animée que sa voisine île de la Cité qui abrite notamment la cathédrale Notre-Dame, l’île Saint-Louis a su conserver calme et élégance… malgré une histoire particulièrement animée.
La lente transformation d’une île
Au IXe siècle, bien avant son urbanisation, l’île est alors appelée île Notre-Dame… mais cela n’a rien à voir avec la célèbre cathédrale de Paris (qui accueillera prochainement des vitraux contemporains). Elle est “donnée” par le roi Charles le Chauve à l’évêque de Paris, peu avant que les chanoines de Notre-Dame n’en récupèrent la propriété. Alors reliée à la rive gauche du fleuve par une passerelle à l’emplacement de l’actuel pont de la Tournelle, l’île sert essentiellement de zone de pâturage et d’entrepôt, mais également à des cérémonies chevaleresques à certaines occasions. Le prochain grand bouleversement pour l’île n’intervient qu’au XIIIe siècle, dans la foulée de la fortification de Paris grâce à l’enceinte de Philippe Auguste. Un chenal vient alors couper en deux l’île, dans le prolongement des murs d’enceinte. La partie ouest, soit les deux tiers, demeure l’île Notre-Dame, tandis que la partie est devient île aux Vaches. Cette dernière est une île inhabitée essentiellement recouverte de prairies, mais qui continue d’être utilisée pour des jeux et le blanchissage des toiles. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que l’île va connaître sa première grande phase d’urbanisation. Sous la régence de Marie de Médicis, des ponts sont construits, dont le pont Marie, qui demeure l’un des plus anciens de Paris. Par ailleurs, ce pont est nommé en hommage à Christophe Marie, un entrepreneur et ingénieur qui est aussi l’inventeur d’un système de pont en bois et le constructeur du premier pont de Neuilly. Avec ses deux associés, Poulletier et Le Regrattier, ils remblaient les rives et comblent le canal, donnant naissance aux quais Anjou et Bourbon, au nord, et Béthune et Orléans au sud.
Des prairies pour vaches aux somptueux hôtels particuliers
Finie l’île inhabitée, le terrain devient prisé par les parlementaires, magistrats et financiers, qui souhaitent disposer d’hôtels particuliers sur les bords de la Seine. Pour ce faire, les nouveaux habitants font appel à des architectes de grande réputation, tels que Le Vau, Libéral ou Sébastien Bruant, sans oublier des peintres comme Le Brun et Le Sueur. Installé tout comme son frère Louis sur l’île avec femmes et enfants, François Le Vau signe à ses côtés la construction de plusieurs hôtels particuliers dans le courant du XVIIe siècle, comme les remarquables hôtels Aubert-Perrot, Lauzun, Lefèvre de la Barre ou Lambert. Reconnu comme l’un des plus beaux hôtels particuliers de l’île, l’hôtel Lambert a récemment défrayé la chronique : racheté par Abdallah Ben Abdallah-Al-Thani, de la famille princière du Qatar, il a connu un violent incendie en 2013 avant de devenir la propriété de l’homme d’affaires français Xavier Niel. D’ailleurs, cette construction importante d’hôtels particuliers vaudra pendant un temps à l’île Saint-Louis le surnom de “l’île des Palais”. Autre ouvrage que l’on doit à Le Vau : la seule église de l’île, Saint-Louis-en-l’Île. Dessinée par l’architecte du roi de France, cette paroisse bâtie en plusieurs étapes est notamment l’une des plus petites du diocèse de Paris.
Un havre de paix prisé par les artistes et intellectuels
Il faut finalement attendre 1725 pour que l’île soit officiellement nommée “Saint-Louis” en l’honneur du roi Louis IX qui s’y rendait pour prier et y rendre la justice. En 1269, c’est sur cette île qu’il prit la croix avec ses chevaliers avant de partir pour la huitième croisade, qui lui sera fatale. Après cette importante phase d’urbanisation, l’île Saint-Louis ne connaît que peu de transformations… à l’exception d’un nouveau changement de nom. Pendant la Révolution, l’île Saint-Louis prend en effet le nom de “l’île de la Fraternité”. La raison ? Elle constitue lors de cet épisode historique majeur l’une des 48 sections révolutionnaires parisiennes baptisée section de la Fraternité. Retrouvant très vite son nom d’île Saint-Louis, celle-ci devient ensuite le repère de nombreuses personnalités, politiciens, écrivains ou artistes. Dans les années 1840, on pouvait ainsi croiser Charles Baudelaire ou encore la première femme détentrice d’un prix Nobel, Marie Curie, qui y résida de 1912 et 1934. Tout comme René Cassin, autre Prix Nobel, de Paix cette fois, ou encore le président de la République Georges Pompidou, qui y rendit son dernier souffle en 1974 quai de Béthune. Au 33 quai d’Anjou, une adresse mythique qui n’existe plus aujourd’hui accueillait mariniers, blanchisseuses mais aussi artistes et écrivains tels que Mauriac, Dos Passos, Picasso ou Hemingway.
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Image à la une : Île Saint-Louis © Adobe Stock