Bastille, Conciergerie, Saint-Lazare ou encore Salpêtrière… il ne s’agit pas de stations de métro, mais bien de prisons qui ont par le passé peuplé la capitale. Au fil du temps, Paris a tout simplement compté 18 prisons au total. Un chiffre d’autant plus incroyable que, aujourd’hui, il n’en reste plus qu’une : la Prison de la Santé, dans le 14ème arrondissement. Tout aussi emblématique la Bastille, une prison a su marquer Paris et ses habitants, de par son apparence austère et son atmosphère des plus lugubres. Une prison qui hantait l’esprit des Parisiens et des criminels à la simple évocation de son nom : le Grand Châtelet.
Une ancienne forteresse devenue la prison la plus terrifiante de Paris
Mentionnés dès le IXe siècle et reconstruits sous Louis VI le Gros en 1130, le Grand et le Petit Châtelet sont, à l’origine, deux forteresses parisiennes destinées à protéger les entrées nord et sud de la Cité. Mais au XVIIe siècle, Louis XIV transforme le Grand Châtelet en prison pour les criminels de droit commun. La défense des ponts étant devenue inutile du fait des puissantes murailles qui protégeaient Paris, la forteresse a été affectée au siège du Prévôt de Paris et de ses lieutenants, assortie de cachots et de salles de torture, jusqu’à la Révolution française. Le Grand Châtelet devient alors un symbole plus terrifiant que celui de la Bastille. Loin des conditions respectables de la Bastille, qui accueillait notamment des intellectuels, la réputation de la prison du Grand Châtelet est telle qu’elle est considérée comme “l’endroit le plus fétide de la capitale”. Construite sous le règne de Louis VI Le Gros, au XIIe siècle, l’une des premières prisons parisiennes était le lieu de détention des plus grands criminels. Pour que la punition soit à la hauteur du crime commis, cette prison étaient remplies de cellules… avec des noms. Ainsi, on pouvait être envoyé au sein “des Boucheries” ou de “la Barbarie”. L’une des plus célèbres demeure assurément “la Fosse”, une cellule en forme de cône renversé où les détenus ne tenaient ni debout ni couchés et avaient constamment les pieds dans l’eau. Et que dire de la cellule “Fin d’aise”… remplie d’ordures et de reptiles. En 1377, on y descendit Honoré Paulard, bourgeois de Paris, accusé d’avoir empoisonné ses parents, ses sœurs et trois autres personnes pour en hériter, où il y mourut en un mois.
Les grands débuts de la morgue
Dans ce lieu digne des plus grands films d’horreur, l’espérance de vie n’était pas bien longue, allant de 15 jours à un mois. De quoi en faire frissonner plus d’un… d’autant plus que les prisonniers devaient payer chaque nuit passée dans la prison. Le tarif variait toutefois selon sa condition, que l’on soit comte, chevalier banneret, chevalier, écuyer, lombard, “juif ou autre”. Parmi les nombreux détenus inconnus, souvent issus de milieux pauvres, des criminels parmi les plus terrifiants furent incarcérés, mais aussi quelques personnalités de renom : François Villon, Clément Marot, Michel d’Amboise… et même Molière, enfermé quelques semaines pour cause de dettes. Le Grand Châtelet est aussi réputé pour avoir accueilli dans sa basse geôle la première morgue de la capitale. Au xve siècle, lorsque le terme morgue a le sens de visage, les prisonniers amenés dans les cellules basses étaient “morgués” par leurs geôliers, à savoir dévisagés avec insistance afin de pouvoir les identifier en cas d’évasion ou de récidive. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que la “morgue” soit affectée à l’exposition des corps trouvés sur la voie publique ou noyés dans la Seine. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que la morgue déménage dans un bâtiment du Marché-Neuf, devenant au passage une attraction populaire chez les Parisiens.
Un massacre pour mettre fin à l’histoire de ce lieu tristement célèbre
C’est à cause de cette effrayante réputation que les Parisiens choisirent plutôt la Bastille pour marquer fièrement leur révolte un certain 14 juillet 1789. Même les révolutionnaires n’étaient pas particulièrement emballés à l’idée de relâcher dans la nature les criminels les plus féroces. Mais un événement emblématique de cette période révolutionnaire va définitivement marquer le Grand Châtelet : les massacres de Septembre, en 1792. Pendant quelques jours, une suite d’exécutions sommaires ont lieu dans toute la France, dans un contexte de panique des révolutionnaires, provoquée par l’invasion austro-prussienne, puis par des rumeurs de complots internes et l’éventualité d’une répression par des royalistes et leurs alliés éventuels s’ils étaient libérés. Les massacreurs vont ainsi dans les prisons de Paris et de province et tuent un grand nombre de leurs occupants. Le 2 septembre au matin, une troupe fait alors irruption au Châtelet pour lyncher tous les prisonniers : sur les 350 prisonniers, seule une dizaine en réchappe. Les geôles ayant été désaffectées suite à ce massacre, la démolition du Grand Châtelet est actée quelques jours plus tard. À moitié en ruines, l’endroit le plus sinistre de Paris est progressivement démoli au début des années 1800, tandis que les ruelles alentours perdent peu à peu leurs fonctions. Ce n’est que sous l’impulsion de Napoléon III et du baron Haussmann que la zone, autrefois vestige d’un Paris moyenâgeux, s’inscrit dans cet élan de modernité et voit apparaître la place du Châtelet puis le Théâtre du Châtelet. Un somptueux lieu de culture pour les Parisiens qui offre, fort heureusement, des divertissements plus réjouissants que par le passé…
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Image à la une : Place du Châtelet © Adobe Stock