
Nous sommes le 30 mai 1770, au cœur de Paris. La soirée qui se prépare s’annonce historique. Badauds, bourgeois… Tous se sont donné rendez-vous au même endroit, et pour cause ! Une festivité royale se prépare. Pour l’occasion, 30 000 fusées d’artifices sont prêtes à illuminer le ciel. Malheureusement, rien ne se passera comme prévu : voici l’histoire du « Grand étouffement » de la place Louis XV, aujourd’hui Place de la Concorde.
Pour Louis VI et Marie-Antoinette
L’actuelle Place de la Concorde accueillait déjà bon nombre de Parisiens il y a des siècles. D’ailleurs, en cette soirée de mai 1770, la foule allait forcément être grandiose, puisque le mariage du dauphin (futur Louis XVI) et de l’archiduchesse Marie-Antoinette est advenu ! En cet honneur : quoi de mieux qu’un feu d’artifice géant ?
La Bibliothèque nationale de France garde dans ses archives des chiffres mirobolants : 200 000 à 300 000 personnes étaient présentes au même endroit. Ajoutez à cela des fusées par milliers, mais qui n’auraient pas dû poser de problème, puisqu’elles étaient préparées par, ni plus, ni moins, que les frères Ruggieri. Cette fratrie d’artificiers originaires de Bologne et installée en France avait déjà une très grande réputation. C’est cette famille, entre autres, qui a organisé de grands feux d’artifices au château de Versailles. Après le règne de Louis XIV, Louis XV, surnommé « le Bien-Aimé », transmettra ces merveilles pyrotechniques à ce qu’il nommait « le bon peuple ».

La Place de la Concorde et ses alentours ensanglantés
Une foule immense s’agglutine et se piétine déjà pour profiter DU meilleur point de vue. Le feu d’artifice va être tiré depuis un temple construit pour l’occasion : « Le temple de l’Hymen », dont les allures corinthiennes étaient faites pour émerveiller. Au même moment, notez que d’autres foules commencent à se former vers les « baraques de foire » présentes dans les rues adjacentes. L’une de celles-ci, la Rue Royale, est encore en travaux, donc peu praticable. De même, beaucoup de carrosses sont mal stationnés : ce qui crée des culs-de-sac qui s’avéreront mortels.
C’est alors que le feu d’artifice des frères Ruggieri commence… mais ne prend pas. Les faux départs sont nombreux, et les tirs sont mal ajustés. L’engrenage mortel débute lorsqu’une fusée retombe sur le bastion des artificiers. Un incendie se déclenche en plein cœur de la Place de la Concorde, ce qui entraîne un mouvement de foule inégalé. La panique est immense, alors les prochaines victimes s’élancent sans penser aux carrosses mal stationnés, sans réaliser les travaux de la Rue Royale… En surcroît de ce désordre dramatique, d’autres tentent déjà de fuir en carrosse : la présence de chevaux, eux aussi paniqués, est fatale. Les bousculades incessantes créent une réaction en chaîne de chutes. L’incendie grandit, et d’énièmes victimes se font écraser, ou s’étouffent.
La pire catastrophe pyrotechnique de France
Vous vous en doutez : tout est dû à un problème majeur d’organisation, et à un manque de forces de l’ordre pour réguler la foule. Les archives royales évoquent précisément 132 morts, or, d’autres sources optent pour plusieurs centaines. Certains écrits citent des chiffres plus affolants, dont 3000 morts ! Ces incohérences sont dues au fait que les sources de l’époque étaient peu standardisées. Les chiffres étaient souvent incomplets, surtout si l’on pense aux personnes décédées des suites de la catastrophe, et non sur le moment. De plus, beaucoup de corps n’ont pas pu être identifiés correctement et les erreurs de transcription étaient nombreuses. Une chose est sûre : il s’agit de la plus grande catastrophe pyrotechnique du genre que la France ait connue.

Photo à la une : Place de la Concorde © AdobeStock