Entre les années 1911 et 1912, la France connaît une série de crimes et d’attentats perpétrés par plusieurs bandits circulant à vive allure en automobile dans les rues. Surnommé « La bande à  Bonnot » en référence au nom de leur chef, ce groupe d’anarchistes a été fortement médiatisé par la presse de l’époque, fascinée par le mystère qui entourait leurs identités.
« Les Auto Bandits »
L’histoire démarre le 21 décembre 1911 à Paris. Un garçon de recettes du nom d’Ernest Caby se fait tirer dessus en pleine rue Ordener, alors qu’il était sur le point de confier une sacoche de 318 772 francs, un sac de 5 266 francs et un portefeuille de 20 000 francs en billets et en rouleaux d’or à la Société Générale. Le mystérieux agresseur le blesse de deux coups de révolver, un dans le cou et un dans la poitrine, lui arrache la sacoche, et prend la fuite dans une automobile avec un complice. Le lendemain, grâce à la découverte de la fameuse automobile, et de sa plaque d’immatriculation, les enquêteurs parviennent à déceler l’identité du malfaiteur : Octave Garnier, déjà connu pour plusieurs cambriolages.
Le mois suivant, c’est à Thiais qu’un rentier du nom de Moreau est assassiné chez lui avec sa bonne. Les criminels, qui ont récupéré une importante somme d’argent, sont rapidement identifiés comme ceux que l’on surnomme désormais « Les Auto Bandits », grâce à des empreintes digitales et des traces d’espadrilles. C’est les noms des anarchistes Édouard Carouy et Marius Metge qui sont alors cités dans la presse. Le 27 février 1912, un nouveau drame a lieu dans le quartier de Saint-Lazare, où un agent est tué de plusieurs coups de feu après avoir tenté d’arrêter une voiture roulant à toute allure. Là encore, l’identification de la voiture permet de reconnaître une nouvelle fois le fameux Octave Garnier, accompagné des dénommés Jules Bonnot et Raymond Callemin.
Après une tentative de cambriolage à Pontoise, la bande sévit de nouveau le 25 mars 1912. Sur la route de Paris à Nice, six hommes s’attaquent à une automobile et tuent le chauffeur. Ils reprennent alors la voiture et se dirigent vers Chantilly, devant les bureaux de la Société Générale. Là , quatre d’entre eux pénètrent dans la banque munis de révolvers, et tirent sur les trois employés. Ils dérobent alors la caisse, vident le coffre-fort, puis repartent à vive allure dans leur automobile.
Le tour des arrestations
L’affaire a pris quelques mois à être résolue, le temps que la police rassemble différentes preuves et parvienne à établir des liens entre les crimes. Celle-ci finit par conclure qu’elle a affaire à un vaste réseau de malfaiteurs, réunis par leurs convictions anarchistes. L’accusation estime d’ailleurs que les locaux du journal L’Anarchie, situés dans la rue Fessart à Paris, ont servi de siège à ce groupe pour préparer leurs coups et cacher leurs butins. Les inculpés sont alors désignés coupables d’être auteurs ou complices de crimes et attentats dans une bande organisée.
Le premier à être arrêté est André Soudy, dit « l’homme à la carabine ». À la suite d’un signalement, la police l’attend le 30 mars 1912 devant sa maison située à Berck-sur-Mer. Une fois l’avoir interpellé et fouillé, elle découvre un browning chargé de 8 balles et une somme de 980 francs en or et en billets. Un peu plus tard, c’est Édouard Carouy qui est arrêté alors qu’il vendait de faux bijoux sur les marchés à Lozère.
Accusé d’avoir contribué aux attentats, ainsi qu’à divers autres cambriolages, celui-ci est conduit tout droit à la prison de la Santé. Puis, le 7 avril 1912, c’est au tour de Raymond Callemin, dit « Raymond-la-Science », qui se cachait dans un petit appartement de la rue de la Tour-d’Auvergne. Et peu à peu, d’autres membres du groupe sont arrêtés, tels que Rirette Maitrejean, Victor Kilbaltchiche, Eugène Dieudonné, Jean de Boë, Jean Dettweiller, Léon Rodriguez, David Bélonie et Marius Metge.
Jules Bonnot, chef de bande
Toutefois, le plus dur reste encore à faire, arrêter les véritables chefs de la bande anarchiste : Octave Garnier, René Valet et Jules Bonnot. Aucune information n’a été délivrée sur eux, et autour de ce mystère, une crainte rôde autour de leur dangerosité. Mais durant la nuit du 13 au 14 avril 1912, la conduite à vive allure d’une automobile sur les grands boulevards relance les recherches. On avise au même moment à la police qu’Antoine Gauzy, un soldeur vivant à Ivry, qui cacherait le fameux Bonnot.
Trois inspecteurs se rendent alors à sa maison d’Alfortville pour l’arrêter. Après l’avoir contraint Gauzy à ouvrir une pièce fermée à double tour, ceux-ci tombent nez à nez avec le chef de bande, qui fait feu. L’un des policiers est tué, un autre grièvement blessé, tandis que le troisième part chercher de l’aide. À son retour, Bonnot avait disparu.
Quelques jours plus tard, sa trace est retrouvée dans le hangar d’un mécanicien situé à Choisy-le-Roi. Alors que les policiers tentent de s’approcher, l’homme leur tire dessus depuis l’étage. La maison est alors cernée à distance, avec l’arrivée d’une douzaine de gendarmes lourdement armés, ainsi que des pompiers, deux compagnies de la Garde républicaine, et un cordon de tirailleurs. Dans une fusillade sans fin, la police décide de placer de la dynamite près de la maison, et à son explosion, finit par retrouver Bonnot mortellement blessé.
La fin du groupe
Finalement, le 15 mai 1912, Octave Garnier et René Valet sont retrouvés à Nogent-sur-Marne, en compagnie de leurs amantes Marie Vuillemin et d’Anna Dondon. Là encore, une longue fusillade est menée toute une nuit depuis les fenêtres de leur cachette contre des gendarmes, des pompiers et des gardes républicains. Après avoir lancé trois bombes, les forces de l’ordre poursuivent avec des tirs de mitrailleuses tout en s’approchant.
À la fin de l’assaut, les deux forcenés sont retrouvés morts dans le pavillon. Bien que les chefs de la dénommée « bande à Bonnot » ont tous été tués, la police a pu capturer vingt-et-un membres vivants, qui ont raconté le déroulé des faits lors de leur jugement, du 3 au 27 février 1913.
Romane Fraysse
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Image à la une : “Les crimes de la bande Bonnot-Garnier”, illustration du magazine L’Å’il de la police, 1912