Hérité de l’Italie du XVe siècle, le mont-de-piété est une institution peu connue, qui existe pourtant en France depuis l’année 1577. Désormais nommé le Crédit municipal, celui-ci se charge des prêts sur gage en parallèle de ses activités bancaires, et demeure la plus ancienne institution financière de la capitale.
Une institution charitable
Les textes bibliques font déjà mention de monts-de-piété, dans lesquels sont exercés les prêts sur gages. Le fonctionnement est resté similaire au fil des siècles : une personne en difficulté financière dépose un objet de valeur au prêteur, qui lui donne en échange un prêt. Celui-ci correspondant à son prix auquel est soustrait un taux d’intérêt. Le propriétaire doit alors rembourser cette somme dans les délais pour récupérer son bien, sans quoi celui-ci sera finalement vendu aux enchères.
Bien qu’il existe depuis longtemps, ce système a mis du temps à être régulé. En effet, l’usure effectuée sur les taux d’intérêt a mené à l’interdiction de cette pratique sous le Moyen Âge, qui était alors pratiquée de manière illégale et abusive. On trouve ainsi le premier mont-de-piété officiel dans l’Italie du XVe siècle. C’est à Pérouse que le moine franciscain Barnabé de Terni crée un monte di pietà (« crédit de charité ») en 1462 pour soutenir les pauvres, endettés par les taux usuraires des banquiers. Cette institution caritative prend alors l’emblème du griffon, une chimère qui gardait les mines d’or d’Apollon dans le désert de Scythie.
En France, le premier mont-de-piété est créé à Avignon en 1577. À Paris, c’est le médecin du roi Théophraste Renaudot qui en ouvre un le 27 mars 1637, ce qui convainc Louis XIII d’autoriser 58 autres villes françaises à établir des monts-de-piété.
La pression des usuriers
Si ces institutions se développent un peu partout en France sous le règne de Louis XIII, dit « Le Juste », elles sont mises à mal par ses successeurs. En effet, à la mort du roi, un arrêt du Parlement du 1er mars 1644 met fin aux monts-de-piété, afin que les consultations charitables soient uniquement prises en charge par la Faculté de médecine de l’Université de Paris.
C’est finalement sous Louis XVI que l’institution est rétablie : le lieutenant général de police, Jean-Charles-Pierre Lenoir, propose de la remettre en place dans l’ensemble du pays, afin de venir en aide aux pauvres, endettés par les usuriers. Le roi consent, et crée une ordonnance le 9 décembre 1777 afin de réinstaurer le prêt sur gage au très faible taux d’intérêt de 10 %. L’établissement est alors créé au 55 rue des Francs-Bourgeois à Paris, et inauguré le 9 février 1778 : le premier directeur Louis-Étienne Framboisier de Beaunay, l’un des conseillers du roi, tandis que Jean-Charles-Pierre Lenoir et quatre soignants de l’hôpital général de Paris se chargent de l’administration. Si l’institution est mise à mal durant la Révolution, et contrainte de fermer ses portes, elle rouvre définitivement en 1797.
Réguler le mont-de-piété
L’institution étant restaurée en France, il faut désormais réguler son fonctionnement pour éviter tout abus. Ainsi, le 6 février 1804, Napoléon Bonaparte décrète la fermeture des maisons de prêt sur gage pour offrir le monopole aux monts-de-piété : face à la demande, leur nombre double alors en cinquante ans. Le succès est tel qu’on y retrouve une grande variété de personnes, dont le fils de Louis-Philipe, qui y aurait déposé sa montre pour honorer une dette de jeu – celui-ci aurait d’ailleurs prétendu l’avoir oublié chez sa tante, ce qui a donné le surnom « Ma tante » au mont-de-piété.
Avec le développement de son activité, l’institution est alors organisée selon un règlement du 30 juin 1865, répartissant les rôles entre un directeur, un caissier, un garde-magasin, des commissaires et des commissaires-priseurs. Nommé par le préfet, le directeur doit surveiller les services et le règlement du budget, dont est chargé le caissier. Le garde-magasin est quant à lui responsable des objets gagés, tandis que les commissaires-priseurs estiment leur valeur et établissent une rémunération en fonction.
La naissance du crédit municipal
Si les monts-de-piété sont très fréquentés, la Grande Guerre va fragiliser le secteur. Face à la crise économique, les institutions caritatives n’ont pas d’autre choix que de diversifier leurs activités, et prennent alors le nom de « caisses de crédit municipal » selon un décret du 24 octobre 1918. A Paris, comme dans les autres villes, celui que l’on nomme désormais le « Crédit municipal de Paris » continue les prêts sur gages, tout en développement des activités bancaires en parallèle. Celui-ci passe alors sous la responsabilité de la Ville de Paris, qui devient son unique actionnaire.
Toutefois, en janvier 2005, le Crédit municipal de Paris se réorganise juridiquement afin de dissocier l’activité du prêt sur gage et l’activité bancaire. Cette dernière est désormais gérée par la filiale CMP Banque, qui se charge des comptes bancaires, prêts sociaux, ou produits d’épargne. De l’autre côté, le Crédit municipal de Paris poursuit son activité autour des objets de valeur, en faisant des prêts sur gage, des ventes aux enchères, de l’expertise et de la conservation d’œuvres.
Romane Fraysse
Crédit municipal de Paris
55 rue des Francs-Bourgeois, 75004 Paris
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Image à la une : Une maison à Paris, commissionnaire au Mont-de-piété – © Musée Carnavalet – Histoire de Paris