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De Philippe-Auguste à Eugène Poubelle, le long combat de Paris contre les déchets et la saleté

Rue Crémieux © Shutterstock

C’est un sujet qui cristallise beaucoup de tension : la propreté à Paris. Ces dernières années, la gestion des déchets ou la propreté des rues de la capitale ont souvent été parmi les priorités des élus, d’où la mise en place de nombreuses mesures ou installations. Si beaucoup diront sans doute que ces efforts n’ont pas encore porté leurs fruits, il convient de rappeler que Paris et les déchets, c’est aussi une histoire qui dure depuis bien longtemps…

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Une capitale bien loin de l’image de Ville Lumière

Pendant longtemps, les Parisiens ont jeté leurs déchets sur la voie publique ou dans les fossés. C’est d’ailleurs grâce à ces déchets, qui se sont fossilisés avec le temps, que l’on a pu reconstituer les modes de consommation des Parisiens depuis deux mille ans. La propreté à Paris, c’est assurément un sujet qui ne date pas d’hier ! Depuis l’Antiquité, avec la sédentarisation et l’apparition des premières cités, la concentration humaine dans les villes multiplie toujours les déchets de toutes sortes : détritus alimentaires, excréments, eaux usées, boues, etc. Par ailleurs, ignorant que les déchets peuvent être causes de maladies, les habitants des villes ne se soucient guère de l’insalubrité et de “trier les déchets”. Et ce malgré les efforts de plusieurs monarques, qui tentent tant bien que mal de mettre de l’ordre, demandant par exemple aux citadins d’endosser les rôles du balayeur et de l’éboueur. Des tentatives sans succès puisque les villes restent sales. L’une des mesures-phares pour lutter contre les déchets revient à Philippe-Auguste qui, en 1184, souhaite lutter contre la marée montante des ordures dans Paris en commandant le pavage des rues de la cité. À cette époque, les rues non pavées, étroites et tortueuses de Paris sont jonchées d’eaux croupies, de détritus, d’ordures ménagères et d’excréments humains et animaux. Dans la plupart des quartiers, il n’existe ni latrines ni fosses d’aisance, rendant l’atmosphère ambiante nauséabonde. Le chantier voulu par Philippe Auguste est tel que, 400 ans plus tard, seulement la moitié des rues est pavée.

Le Cimetière des Innocents dans le quartier des Halles en 1550, déménagé en périphérie de Paris au XVIIIe siècle © Musée Carnavalet / Roger-Viollet
Le Cimetière des Innocents dans le quartier des Halles en 1550, déménagé en périphérie de Paris au XVIIIe siècle © Musée Carnavalet / Roger-Viollet

Paris, la “ville de boue”

Entre-temps, une ordonnance du prévôt de Paris a prononcé pour la première fois des amendes contre le défaut de nettoyage et Louis XII a décidé que la royauté se chargera du ramassage des ordures et de leur évacuation. À la taxe prévue pour ce service s’ajoute celle destinée à financer l’éclairage axial des rues : la taxe prend alors le nom de “taxe des boues et des lanternes”. De quoi provoquer une forte… hostilité générale qui enterre cette ordonnance pour longtemps. Il faut en réalité attendre le règne de Louis XIV pour que des réformes commencent à être mises en œuvre. Au XVIIIe siècle, les savants du Siècle des Lumières entrevoient un lien entre saleté et épidémies : c’est l’avènement d’une préoccupation plus grande pour l’hygiène. Il faut dire que, lorsqu’il quitte Paris en 1750, Rousseau ne manque pas de bons mots pour décrire l’état insalubre de la capitale : “Adieu, ville de boue !”. Une expression qui colle à la capitale depuis longtemps, puisque le nom Lutèce viendrait du latin lutum qui signifie boue. Dans le même temps, Louis Sébastien Mercier, reporter parisien de l’époque, signe également de belles formules dans son Tableau de Paris : “Ô, superbe ville ! Que d’horreurs dégoûtantes sont cachées dans tes murailles !” ou encore “En général, le Parisien vit dans la crasse”. Au cours de ce siècle, la capitale a pourtant connu quelques grandes avancées, comme l’institution du Conseil de salubrité, la mise en eau en 1808 du bassin de La Villette, première réserve d’eau potable pour Paris, la construction du Canal Saint-Martin ou encore une loi imposant le raccordement des immeubles à l’égout lorsque la rue en compte un.

Excursion dans les égouts de Paris - gravure de la fin du XIXe siècle © Alamy
Excursion dans les égouts de Paris – gravure de la fin du XIXe siècle © Alamy

Poubelle, ou le combat d’un préfet pour la propreté

Mais en dépit d’une gestion plus sévère des déchets, les grandes villes, et Paris, restent insalubres. C’est alors en pleine seconde moitié du XIXe siècle que Paris connaît l’un de ses plus grands tournants : sa modernisation sous la supervision du préfet Haussmann. Un vaste chantier qui concerne également l’aspect sanitaire et hygiénique de la capitale, avec notamment la mise en place d’un gigantesque réseau d’égouts sous le sol parisien. En 1878, on compte ainsi près de 600 kilomètres d’égouts dans la capitale, contre 100 kilomètres en 1850. Les Parisiens (re)découvrent la proprété et font bientôt connaissance avec un nouveau venu ô combien précieux pour les rues. Le 24 novembre 1883, Eugène Poubelle, préfet de la Seine, signe un arrêté obligeant les propriétaires parisiens à fournir à chacun de leurs locataires “un récipient de bois garni à l’intérieur de fer blanc” pour les ordures ménagères. Des éboueurs ont ensuite pour mission de vider ces “poubelles” (le mot n’entre dans le dictionnaire qu’en 1890) dans un camion-poubelle et de les emmener vers des décharges et des centres de traitement des déchets. Une belle victoire pour ce préfet qui aura lutté pour faire adopter ces fameux récipients. Dès le départ, il prévoit même 3 bacs pour le tri sélectif : un pour les ordures ménagères, un pour le verre et la vaisselle et un pour les coquilles d’huîtres et les moules ! Aujourd’hui les centaines de milliers d’immeubles que compte Paris bénéficient de poubelles, et l’on en trouve plus de 30 000 dans l’espace public. Quant à Eugène Poubelle, une rue porte son nom dans le 16ème arrondissement, non loin de la Maison de Radio France, pour honorer celui qui a joué un rôle déterminant dans cette lutte historique que mène la Ville Lumière.

 

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Image à la une : Rue Crémieux © Shutterstock

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