Paris fait partie de ces villes à l’ histoire aussi longue qu’emblématique. Ayant connu quasiment toutes les grandes périodes historiques, la capitale regorge de monuments et de bâtiments qui sont encore debouts aujourd’hui pour nous livrer d’incroyables secrets sur une époque révolue. Les arènes de Lutèce sont un formidable tremplin vers l’époque gallo-romaine, tout comme la cathédrale Notre-Dame nous renvoie au Moyen-Âge ou la Tour Eiffel en pleine ère industrielle. Et puis il y a aussi ces plus petits vestiges, dont on passe à côté chaque jour, et dont on soupçonne moins l’importance qu’ils ont pu avoir par le passé…
Un conflit aux lourdes conséquences pour la capitale
En arpentant le boulevard de Sébastopol, la Place Louis-Lépine, le Quai de la Corse, l’Esplanade des Invalides ou les abords du Pont-Neuf, on ne peut que remarquer ces superbes structures vertes où quatre cariatides se tournent le dos et soutiennent à bout de bras un dôme orné d’une pointe, et décoré de dauphins. Des objets emblématiques de Paris, bien qu’il en existe aussi dans le monde entier, et connus sous le nom de Fontaines Wallace. Des objets superbement décoratifs qui sont toujours les bienvenus dès qu’il s’agit de se rafraîchir… mais à l’histoire méconnue. Car derrière les fontaines Wallace, il y a avant tout le projet d’un homme : Sir Richard Wallace. En 1870, la guerre Franco-Prussienne est sur le point d’être perdue, Napoléon III subit une motion de déchéance, et Paris est assiégé, comme coupé du reste du pays. Les conséquences sont terribles, d’autant plus que cela déclenche une terrible guerre civile, la Commune de Paris qui durera tout de même 72 jours. Ce conflit plonge un peu plus la ville dans le chaos et plusieurs grandes infrastructures sont dégradées voire détruites, comme l’Hôtel de Ville, le Palais des Tuileries ou le Palais d’Orsay. Autre conséquence terrible de ce siège : plus aucun approvisionnement en eau et en nourriture n’est possible. Héritier d’une grande fortune et ayant résidé une bonne partie de sa vie à Paris, Richard Wallace fait don à la Ville lors de la reconstruction post-Commune de 50 fontaines à boire, pour que les Parisiens ne meurent plus jamais de soif. L’engouement est tel qu’il financera 10 fontaines supplémentaires en 1876 puis 10 autres trois ans plus tard.
De véritables œuvres d’art au service des Parisiens
Souhaitant allier l’utile à l’agréable en tout bon esthète qu’il est, Richard Wallace confie le projet de ces fontaines à un sculpteur de renom, Charles-Auguste Lebourg. La première fontaine Wallace est ainsi implantée en 1872 sur le boulevard de la Villette. Inspirées des “drinking fountains” de Londres, elles sont à l’origine équipées de gobelets en étain retenus par une chaînette, qui seront supprimés pour des raisons d’hygiène en 1952. En ce qui concerne la partie technique, chaque fontaine représente pas moins de 600 kilos de fonte, coulées en trois morceaux constituant trois morceaux de la fontaine : le socle, la partie centrale et le chapeau. Pour la petite histoire, le moule d’origine des fontaines est toujours utilisé par la société GHM pour créer de nouveaux modèles, de même que le matériau d’origine, à savoir la fonte de fer. Le choix de la couleur revient quant à lui à Napoléon III, qui souhaite introduire la nature dans la ville. Toutefois, il est possible d’en trouver dans d’autres couleurs dans la capitale. À vous d’avoir l’œil… Enfin, concernant ces cariatides, savez-vous ce qu’elles signifient ? Toutes différentes, soit par la position de leur genou et de leurs pieds, soit par la manière dont leur tunique est nouée au niveau du corsage, ces quatre cariatides, comment on peut en trouver sur les monuments de l’Égypte ou la Grèce Antique, représentent la bonté, la simplicité, la charité et la sobriété.
Des fontaines qui n’ont pas fini de rafraîchir les passants
Indissociables de Paris, ces fontaines Wallace ont mis en pratique la philosophie de Sir Richard Wallace d’aider ceux qui ont un besoin humain essentiel, à savoir l’accès à une eau potable sûre, et la volonté d’embellir Paris avec goût, art, symbolisme et clin d’œil au passé. Dans ses croquis conceptuels, Wallace avait en effet plusieurs exigences pour la conception et la construction des fontaines : que les fontaines soient “assez grandes pour être vues de loin, mais pas trop grandes pour détruire l’harmonie du paysage environnant”, que leur forme soit “à la fois pratique à utiliser et agréable à regarder” et que les matériaux soient “résistants aux éléments, faciles à façonner et simples à entretenir”. En plus de leur beauté, la conception pratique des fontaines, avec le petit jet d’eau coulant du haut du dôme, assurait la pureté de l’eau et empêchait les chiens errants d’y boire. De plus, l’alignement étroit des cariatides empêchait aussi les chevaux de l’utiliser comme abreuvoir. Si la première fontaine installée sur le boulevard de la Villette n’est aujourd’hui plus là, ces formidables vestiges du XIXe siècle continuent d’apporter un certain charme dans les rues de la capitale. Surtout, celles qui demeurent continuent de fonctionner et de distribuer de l’eau potable. La mission tant espérée par Sir Richard Wallace, qui repose aujourd’hui au cimetière du Père-Lachaise, a donc été un succès et n’a pas fini d’apporter son vent de fraîcheur aux Parisiens : d’ici 2024, 50 de ces fontaines devraient être équipées d’un brumisateur, discret mais ô combien précieux.
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Image à la une : Fontaine Wallace © Adobe Stock