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Hector Guimard, le mystérieux visage de l’Art nouveau

L'architecte Hector Guimard, pionnier de l'Art nouveau

Connu dans le monde entier pour ses édicules du métro parisien, Hector Guimard est aujourd’hui célébré comme l’un des pères de l’Art nouveau. En cherchant à concevoir une Å“uvre totale à travers ses édifices et ses mobiliers, l’architecte a défendu un style aussi exubérant que rationaliste, influencé par les théories d’Eugène Viollet-le-Duc. Mais comme tous les emblèmes, cette renommée lui vaut une reconnaissance artistique partielle, et lance un voile sur une grande partie de sa biographie.

Les premiers édifices

Après une jeunesse passée à Lyon avec un père orthopédiste et une mère lingère, Hector Germain Guimard migre avec sa famille à Paris vers 1880. Mais de nombreuses mésententes expliquent probablement son départ du foyer pour rejoindre Apollonie Grivellé, une parente aisée vivant à Auteuil. Deux ans plus tard, vers l’âge de 15 ans, le jeune homme décide d’entrer à la fameuse École nationale supérieure des arts décoratifs pour rejoindre la section d’architecture. Formé par Eugène Train et Charles Genuys, tout deux disciples d’Eugène Viollet-le-Duc, Guimard devient lui-même un adepte du célèbre architecte, notamment dans « l’utilisation de la nature pour la décoration ». Il poursuit ensuite sa formation à l’École nationale des beaux-arts de Paris, mais ne connaît pas la même réussite, et en ressort sans diplôme.

Un portrait d'Hector Guimard, 1907. Photographe inconnu.
Un portrait d’Hector Guimard, 1907. Photographe inconnu

Très tôt, dès l’âge de 21 ans, Guimard réalise son premier édifice sur les quais d’Auteuil. Il s’agit d’un café-concert, dénommé Le Grand Neptune, qui a sûrement été la commande d’un mécène gravitant dans son milieu aisé. L’année suivante, en 1889, il participe à l’Exposition universelle en construisant le Pavillon de l’électricité voué aux techniques de l’électrothérapie.

Le Grand Neptune, construit par Hector Guimard. Photographe inconnu.
Le Grand Neptune, construit par Hector Guimard. Photographe inconnu.

C’est surtout en suivant, dans les années 1990, que le jeune architecte s’inspire ostensiblement des théories de Viollet-le-Duc pour édifier des hôtels particuliers, tels que l’hôtel Jassedé : celui-ci suit en effet le rationalisme de son maître spirituel pour élaborer un bâtiment solide et utile dans lequel aucune partie n’est seulement destinée à l’ornement. Celui-ci n’est toutefois pas supprimé, puisque la façade comporte de nombreuses décorations végétales. Sur cette lancée, Guimard continue avec la création d’un musée-dépôt commandé par d’Amélie Clotilde Carpeaux, la veuve du sculpteur.

Le Castel Béranger, un manifeste

Avec ces premiers édifices, Hector Guimard s’installe définitivement dans le milieu bourgeois d’Auteuil et de Passy. C’est à la fin de l’année 1984, à 27 ans, qu’il fait d’ailleurs une rencontre déterminante : celle d’Élisabeth Fournier. Cette veuve de 60 ans lui commande ainsi un immeuble de 36 appartements situé au 14 rue La Fontaine. Alors que son premier projet prévoyait une architecture caractérisée par « un style néo-médiéval et une rigoureuse utilisation de la pierre équarrie », le jeune architecte va entièrement revoir ses plans. C’est sa rencontre avec Victor Horta à Bruxelles, achevant tout juste l’hôtel Tassel, qui constitue un tournant dans son style.

Le portail d'entrée du Castel Béranger par Hector Guimard - © Jean-Pierre Dalbéra
Le portail d’entrée du Castel Béranger par Hector Guimard – © Jean-Pierre Dalbéra

En effet, ce que l’on nomme désormais le Castel Béranger est entièrement repensé : Guimard, qui se revendique comme un « architecte d’art », décide d’en faire le manifeste d’un genre nouveau. L’édifice est désormais conçu comme une Å“uvre totale, mêlant le beau à l’utile, en suivant les principes de « la logique, l’harmonie, [et] le sentiment ». En plus de la façade complètement pittoresque, Guimard conçoit aussi le mobilier des appartements, des cheminées aux boutons de porte. La rigueur classique est alors remplacée par des influences gothiques et japonisantes. Dès lors, bien qu’il ne soit jamais revendiqué par l’architecte, l’Art nouveau prend forme à travers cet édifice complètement novateur. Ainsi, « l’art, le plus puissant moralisateur de l’âme, doit se manifester dans les moindres détails de ce qui nous entoure » et non seulement dans des musées clos.

Une continuité formelle

Si Hector Guimard invente une architecture hétéroclite, mêlant les ferronneries et les fontes aux vitraux, c’est toujours dans l’idée d’unir les parties en un tout organique. Comme s’il concevait un univers en soi, celui-ci prolonge ses innovations stylistiques dans ses autres réalisations. Celles-ci deviennent de plus en plus extravagantes, sans souci de symétrie, à l’instar de la double façade de la maison Coilliot, ou de « plan-libre » du Castel Henriette.

La maison Coilliot à Lille, conçue en 1898 - © Velvet
La maison Coilliot à Lille, conçue en 1898 – © Velvet

Progressivement, un style architectural se forge à travers ses formes végétales, ses ornements abstraits et ses lignes expressives, tant sur le papier peint, sur le tissu, sur la ferronnerie ou sur la céramique. La continuité est assurée à travers les différents édifices, qui feront tout de suite reconnaître le « style Guimard ».

Un emblème parisien

Après la construction du Castel Béranger, le nom d’Hector Guimard est connu du Tout-Paris du jour au lendemain. La presse et les riverains s’étonnent de l’étrangeté de cette façade, qui contraste avec la sobriété des immeubles de la rue La Fontaine. Certains y voient une telle excentricité qu’ils la surnomment la « maison du Diable ». Malgré les détracteurs, l’architecte reçoit aussi une multiplicité de commandes.

Les édicules Guimard, vestiges bien visibles de la Belle Époque. DR
Les édicules Guimard, vestiges bien visibles de la Belle Époque. DR

C’est à la suite du Castel Béranger qu’il est sollicité pour réaliser ce qui fait aujourd’hui sa renommée : les édicules du métro parisien. C’est lors de l’Exposition universelle de 1900 que la Ville de Paris décide de rattraper son retard en développant ce nouveau moyen de transport souterrain. Après avoir lancé un concours sans obtenir de projet convaincant, celle-ci se tourne finalement vers l’architecte, qui conçoit plusieurs entourages en fonte réalisés par la fonderie d’art du Val d’Osne, jusqu’en 1913. Le style Guimard s’impose alors comme l’un des éléments emblématiques de l’urbanisme parisien.

Le mystère entourant l’homme

Au tournant du XXe siècle, Guimard continue à recevoir des commandes, mais celles-ci se limitent à un cercle de clients restreint et ne connaissent pas autant d’engouement. L’architecte réalise tout de même l’hôtel Guimard, situé sur l’avenue Mozart, qui est alors un cadeau de noce à son épouse, la peintre américaine Adeline Oppenheim. Néanmoins, le style Art nouveau commence à lasser. La Première Guerre mondiale enterre progressivement la carrière de l’architecte, contraint d’annuler de nombreux projets et de s’exiler à Pau. Si celui-ci s’essaye à l’Art déco dans l’après-guerre, ces tentatives peinent à convaincre. À la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, il décide alors de s’installer à New York avec sa femme, et y meurt en 1942, dans une relative indifférence.

Adeline et Hector Guimard. Photographe inconnu.
Adeline et Hector Guimard. Photographe inconnu.

À la Libération, sa veuve Adeline Guimard revient en France et tente de créer un musée Guimard au sein de leur hôtel de l’avenue Mozart, mais sans succès. Malgré quelques pièces de mobilier données au musée, un grand nombre de créations de l’architecte disparaissent, notamment des édifices détruits sans état d’âme lors des Trente Glorieuses. Parmi eux, la villa La Suprise, l’hôtel Nozal, le pavillon du métro Bastille ou le Castel Henriette. Aujourd’hui encore, au-delà du Castel Béranger et des édicules du métro, l’œuvre d’Hector Guimard reste en grande majorité méconnue, et l’homme profondément mystérieux.

Romane Fraysse

À lire également : “La maison du Diable” d’Hector Guimard

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