La petite histoire de l'hôtel des Haricots, autrefois situé sur la montagne Sainte-Geneviève
Savez-vous que la montagne Sainte-Geneviève a longtemps connu un établissement qui était surnommé l’hôtel des Haricots ? Celui-ci a migré à plusieurs reprises, entre la rue des Fossés-Saint-Bernard et le quai d’Austerlitz, et a vu passer de nombreux écrivains célèbres entre ses murs…
Un collège sinistre sur la montagne
Notre histoire démarre au XIVe siècle, lorsque le collège de Montaigu est édifié au sommet de la montagne Sainte-Geneviève, à l’emplacement de la fameuse bibliothèque. C’est en 1314 que l’archevêque de Rouen Gilles I Aycelin de Montaigut décide de fonder cet établissement sur la place du Panthéon. Une centaine de pauvres écoliers y reçoivent ainsi les sévères leçons des Frères de la vie commune, des partisans de la réforme morale de l’Église qui n’hésitent pas à recourir aux châtiments corporels.
Mais face au peu de moyens financiers, le collège se dégrade à vue d’œil, si bien qu’il est qualifié de “collège de Pouillerie” dans Gargantua de Rabelais. D’autres contemporains lui donnent aussi un surnom qui va perdurer, en lien avec la pauvreté de sa nourriture : “l’hôtel des Haricots“. En effet, les écoliers étaient habitués à se nourrir d’une soupe de haricots, un régime qui restait cohérent avec la pédagogie sévère de l’établissement : “rendre le corps atone pour faire vibrer l’esprit”.
Une prison dès la Révolution
La Révolution française va conduire à la fermeture de l’établissement, en raison de ses pratiques religieuses. En 1792, l’édifice de la montagne Sainte-Geneviève est donc transformé en prison militaire, avant de devenir une maison d’arrêt de la Garde nationale. Celle-ci est alors chargée de punir les infractions et les manquements aux obligations militaires. Malgré la reconfiguration du lieu, celui-ci n’échappe pas à son histoire : les Parisiens continuent de le surnommer la “prison des Haricots”.
Le passage des écrivains
Le surnom d’”hôtel des Haricots” a collé à la peau du lieu, même lorsque la prison a été transférée en 1800 à l’hôtel de Bazancourt, dans la rue des Fossés-Saint-Bernard. Et selon l’historien Albert de Lasalle, on était bien loin de l’atmosphère sinistre du collège de Montaigu. En effet, le nouveau lieu était étrangement connu pour ses festivités : “on y cassait des verres ; on y chantait si fort que les passants s’attroupaient, ébahis, devant la porte, comme ils font aujourd’hui dans les rues à cafés-concerts”. Les cellules de la prison sont alors connues pour être recouvertes d’inscriptions, de vers, et de dessins : rien d’étonnant lorsque l’on sait qu’Alfred de Musset, Théophile Gautier, Théodore de Banville, Eugène Sue, Honoré de Balzac sont passés par là…
Mais ce lieu hors du commun est finalement démoli en 1837 pour être investi par l’Entrepôt des vins. Toutefois, l’hôtel des Haricots n’a pas disparu pour autant ! En effet, un tout nouveau bâtiment construit près de la Seine était prêt à l’accueillir. Située à deux pas de la gare d’Orléans (l’actuelle gare d’Austerlitz), cette troisième prison est constituée de cellules de 6m2 aménagées dans une ancienne grange à blé, qui dépendait du quartier de l’Arsenal. Mais pour agrandir la gare, celle-ci a de nouveau été détruite, et a été transférée jusqu’en 1871 à Passy avant de devenir une institution pour jeunes filles.
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Image à la une : La place du Panthéon – © Shutterstock