Adresse emblématique des Années folles, le cabaret Le Bœuf sur le toit a autrefois été le rendez-vous des musiciens les plus célèbres. Loué comme l’un des principaux clubs de jazz, il regroupait Eugene McCown, Jean Wiéner, Marianne Oswald, mais aussi Igor Stravinsky, Erik Satie ou Darius Milhaud. C’est d’ailleurs à ce dernier que l’on doit son étrange nom, puisqu’il est emprunté à un ballet créé en 1920 par le compositeur.
À l’origine, un ballet
On pourrait penser l’inverse, et pourtant : le mythique cabaret parisien Le Bœuf sur le toit doit son nom à un ballet-comédie – en non l’inverse ! En effet, bien avant que cette adresse ne devienne un lieu de rendez-vous des artistes des Années folles, il y a la création d’une œuvre. En 1919, le compositeur Darius Milhaud rentre du Brésil. Celui-ci garde alors un souvenir heureux : celui-ci d’une chanson populaire de l’époque, O Boi no Telhado, qui se traduit « Le Bœuf sur le toit » en français.
Regroupé avec des amis musiciens dans le groupe Les Six, Milhaud désire alors reprendre cette mélodie brésilienne pour leur nouveau projet de ballet. Celui-ci en informe leur mentor, Jean Cocteau, qui lui donne son aval. Le ballet, tout naturellement baptisé Le Bœuf sur le toit en 1920, est alors interprété de nombreuses fois par le musicien, notamment au bar La Gaya, rue Duphot, appartenant à son ami Louis Moysès.
De La Gaya au BÅ“uf
Située au 17 rue Duphot, au croisement des 1er et 8e arrondissements de Paris, La Gaya est devenue un lieu incontournable de l’intelligentsia parisienne durant l’année 1921, notamment grâce à la présence de Jean Cocteau et de sa bande d’artistes. Véritable attraction, Le Bœuf sur le toit interprété par Darius Milhaud, Georges Auric et Arthur Rubinstein commence à être connu dans les milieux artistiques de la capitale.
Finalement, en décembre 1921, le propriétaire Louis Moysès décide de déplacer son établissement vers le 8e arrondissement, au 28 rue Boissy-d’Anglas. Devenu indissociable du ballet de Milhaud, le bar prend alors son nom pour lui rendre hommage : il devient Le Bœuf sur le toit. Eh sans surprise, on y retrouve chaque semaine la bande Les Six, Cocteau et leurs amis. L’adresse est rapidement côtoyée par l’intelligentsia parisienne, jusqu’à faire oublier qu’elle doit son nom à une œuvre !
« On fait un bœuf ? »
Dès son ouverture, Le Bœuf sur le toit invite tout un groupe d’artistes à investir sa salle. Ainsi, le lieu est inauguré avec le pianiste Jean Wiéner accompagné au tambour par les fameux Cocteau et Milhaud. Et le public n’est pas non plus composé d’une bande d’anonymes, puisqu’on y trouve d’emblée Serge de Diaghilev, René Clair, Pablo Picasso ou Maurice Chevalier.
Dans cette atmosphère typique des Années folles, on se presse pour entendre des airs de jazz, un nouveau style musical tout droit venu des États-Unis. Parmi les musiciens, on y entend Eugene McCown jouer du blues, Jean Wiéner interpréter Bach ou Marianne Oswald reprendre Kurt Weill. De nombreux compositeurs aiment alors s’y rendre, à l’instar d’Igor Stravinsky, Francis Poulenc ou Erik Satie. Mais le lieu est principalement connu pour être l’un des principaux clubs de jazz de Paris, où naît l’expression « faire un bœuf » pour désigner des improvisations entre plusieurs musiciens faites de manière informelle.
Un style Art déco
Néanmoins, après son âge d’or durant les Années folles, Le Bœuf sur le toit a dû changer d’adresse à plusieurs reprises, tout en restant dans son quartier d’origine. Louis Moyses a en effet déménagé dans plusieurs numéros de la rue Boissy-d’Anglas avant que l’établissement ne trouve en 1941 son emplacement actuel, au 34 rue du Colisée.
Devenu un music-hall, Le Bœuf sur le toit continue d’organiser des soirées musicales tout en transformant sa salle en un restaurant. S’il a perdu l’effervescence des Années folles, celui-ci reste un lieu emblématique de la capitale, désormais réservé à une clientèle aisée. Pour rendre hommage à son âge d’or, le décorateur Alexis Mabille a entièrement pensé l’intérieur dans un style Art déco, avec des banquettes courbées, des jeux de miroir et des luminaires étincelants.
Le BÅ“uf sur le toit
34 rue du Colisée, 75008 Paris
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Image à la une : Le BÅ“uf sur le toit – © Francis Amiant