Ce qui fait indiscutablement le charme de Paris, c’est que la capitale regorge de trésors, plus ou moins imposants, que l’on ne soupçonne pas toujours. Toutes les merveilles ne sont en effet pas visibles si facilement, comme la Tour Eiffel ou l’Arc de Triomphe, et il faut parfois avoir le nez fin et l’œil vif pour dénicher ces lieux incroyables.
D’un enfant légitime d’un roi à celui illégitime d’un autre
C’est à 5 minutes à pied du métro Saint-Paul et à quelques dizaines de mètres seulement du Musée Carnavalet que se cache un hôtel particulier méconnu, dont l’histoire est aussi riche que les trésors qui s’y cachent. C’est au numéro 24 de la Rue Pavée que siège la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. Mais avant d’en savoir plus sur cette fascinante collection, retour sur l’histoire singulière de ce bâtiment qui est, à l’origine, un hôtel particulier : l’hôtel d’Angoulême Lamoignon, ou hôtel de Lamoignon. Celui-ci date de la fin du XVIe siècle et attire d’emblée l’œil par son architecture monumentale, avec des pilastres s’élevant sur plus d’un étage et des sculptures sur les frontons qui font allusion à la chasse : têtes de cerf ou de chiens, mais aussi des croissants de lune. Quel rapport ? Il s’agit tout simplement de l’emblème de Diane, déesse de la chasse. Mais l’histoire de l’hôtel de Lamoignon est en fait liée à une autre Diane : Diane de France, duchesse d’Angoulême et fille légitimée d’Henri II. Jouant un rôle important dans la monarchie française durant sa longue vie, la duchesse acquiert l’hôtel en 1584, puis le remanie et l’agrandit. À la mort de Diane d’Angoulême en 1619, cette dernière lègue son hôtel à son neveu, Charles de Valois, qui est quant à lui le fils illégitime du roi Charles IX. Ce dernier entreprend d’agrandir le bâtiment en faisant rajouter une aile supplémentaire, construire un rez-de-chaussée, un étage et un comble. Si le décor extérieur de cette aile reste assez minimaliste, le bâtiment se distingue surtout par sa tourelle d’angle qui avait simplement pour but d’aider à identifier l’hôtel Lamoignon, située à un carrefour.
Un hôtel méconnu et bien caché, mais ô combien important dans l’histoire de la capitale
Édifié à partir de 1584 et achevé seulement en 1611, l’hôtel d’Angoulême est un des plus beaux exemples parisiens d’hôtel de style Renaissance. Toutefois, l’hôtel de Lamoignon est un des premiers exemples parisiens d’utilisation de l’ordre colossal : les pilastres d’ordre corinthiens embrassent ainsi les deux niveaux de l’édifice, tandis que les lucarnes brisant l’entablement sont une tradition du XVIe siècle. Par la suite, l’hôtel devient la propriété du parlementaire Guillaume 1er de Lamoignon, qui présidera notamment la chambre de justice au moment du procès de Nicolas Fouquet. Côté rue, directement visible de tous les passants, deux gravures symbolisent d’ailleurs la vocation professionnelle de la famille. Le premier porte un miroir et incarne la Vérité et le second tient un serpent, symbolisant ainsi la Prudence. Un binôme qui permet ainsi d’évoquer les qualités fondamentales attendues d’un juge. Lieu de fête pour le beau monde du Marais, c’est à cette période que l’hôtel adopte le nom de Lamoignon. Ce n’est que grâce à un futur propriétaire, Antoine Moriau, que l’hôtel va connaître un autre chapitre majeur de son histoire. Ce procureur du Roi passionné par les documents historiques lègue à sa mort en 1759 sa collection de 14 000 volumes à la ville. Quelques années plus tard, en 1763, c’est ainsi que la première bibliothèque parisienne ouverte à tous est créée. Il faudra attendre 1928, lorsque la ville de Paris rachète l’hôtel et le restaure, puis 1969, pour que l’hôtel de Lamoignon abrite la Bibliothèque historique de la ville de Paris.
L’endroit où il faut se rendre pour tout savoir de Paris
Entre-temps, les collections de la bibliothèque ont été entièrement détruites lors de l’incendie de l’hôtel de ville, durant la Commune de Paris en 1871. Une nouvelle bibliothèque de la Ville fut alors créée grâce au bibliothécaire Jules Cousin, qui fit don à la ville de sa collection personnelle composée d’environ 6 000 livres et 10 000 estampes. Dès 1872, cette bibliothèque “publique et spécialement consacrée à l’histoire de Paris” est installée à l’hôtel Carnavalet, où est créé un musée consacré aux collections historique de la ville de Paris. Les collections étant très riches, une séparation est opérée entre les deux établissements en 1898 : le musée demeure à Carnavalet et la bibliothèque s’installe dans un bel hôtel, connu par la suite sous le nom d’hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau. Le transfert de la bibliothèque dans l’hôtel Lamoignon a lieu en 1968, avant son ouverture en janvier 1969, après de grands travaux de restauration et d’aménagement. Si tous les décors intérieurs de l’époque ont aujourd’hui disparu, il reste toutefois un superbe vestige : le “Salon doré”. Cette pièce du XVIIIe siècle conservée en l’état et classée au titre des Monuments historiques est toutefois pleine de mystères. Sa fonction n’a pas été clairement identifiée mais le décor général, notamment le mélange des styles doriques, ioniques et corinthiens sur les chapiteaux, peut être daté de la fin du XVIIe siècle, soit le moment où les Lamoignon prennent possession des lieux. Accessible tous les jours de la semaine, excepté le dimanche, la riche bibliothèque est ainsi l’occasion d’en apprendre plus sur l’histoire de Paris, mais aussi sur celle de cet hôtel particulier fort méconnu.
Hôtel de Lamoignon
24 rue Pavée
75004 Paris
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Image à la une : Hôtel de Lamoignon © Mbzt