Destination de choix pour les amateurs d’art, de gastronomie ou d’histoire, Paris est aussi une capitale où il fait bon se promener. Grâce à la présence de l’emblématique Seine, plusieurs itinéraires sont possibles pour longer ce célèbre cours d’eau qui a vu la Ville Lumière se transformer au fil des siècles. Une évolution qui a forcément entraîné quelques modifications dans le paysage parisien, comme la disparition d’îles très anciennes.
Charmant pâturage ou lieu de règlement de comptes
On connaît par exemple l’île aux Cygnes, cette île artificielle entre les 15ème et 16ème arrondissements, célèbre pour sa réplique de la statue de la Liberté de New York et très appréciée des joggeurs et promeneurs. Passée à deux doigts de devenir un aérodrome, cette île a été créée de toutes pièces en 1827, entre le pont de Grenelle et le pont de Bir-Hakeim, alors dénommé pont de Passy. Mais attention, cette île est à ne pas confondre avec l’île des Cygnes, une île quant à elle naturelle mais disparue. Rattachée à la rive gauche de la Seine à la fin du XVIIIe siècle, ce morceau de terre se trouvait au nord-ouest de l’actuel 7ème arrondissement, au niveau de l’actuel musée du Quai Branly. Constituée par la fusion de l’île de Grenelle, l’île des Treilles, l’île aux Vaches, à ne pas confondre cette fois avec l’île homonyme ayant donné l’île Saint-Louis, l’île de Jérusalem et l’île de Longchamp, c’est ici que les paysans qui y faisaient paître leurs vaches, sur cette île connue sous le nom de “Maquerelle”. Un nom étonnant qui dériverait probablement de “male”, qui signifie mauvaise, et “querelle”, rappelant qu’en ce lieu on se battait régulièrement en duel. Ou alors d’une contraction de “ma” et de “querelle”, à moins qu’il ne s’agisse tout simplement du nom d’un particulier.
Une île aux multiples fonctions
Une autre hypothèse a également été avancée que le nom viendrait d’une maison-close installée à cet endroit sous le règne de Louis XV. Ce qui est certain en revanche, c’est que ce n’est qu’en 1676 que l’île devient l’île des Cygnes, après que Louis XIV y ait introduit 40 cygnes offerts par l’ambassade du Danemark. Sous le règne de Louis XV, l’île est cédée à la Ville de Paris avant d’être reliée à la rive gauche par un pont. Dès lors, elle connaît plusieurs usages : entrepôt de bois de chauffage ou encore triperie qui fabriquait l’huile de tripes alimentant les réverbères. En 1789, les frères Jacques et Augustin Périer sont chargés par la ville de Paris d’y installer des moulins à vapeur pour répondre à la pénurie hivernale de farine, lorsque les eaux de la Seine sont trop basses pour alimenter les moulins à eau. De quoi confirmer l’histoire mouvementée de cette île, qui a également servi de cimetière temporaire au XVIe siècle. En 1554, afin de désencombrer le cimetière de la Trinité, le roi Henri II prescrit en effet à l’Hôtel-Dieu de Paris de cesser d’y inhumer ses morts et de le remplacer par un cimetière à créer sur l’île Maquerelle. Près de vingt ans plus tard, après le massacre de la Saint-Barthélemy, on y enterre notamment les corps de 1 200 victimes. Lieu de promenade pour Jean-Jacques Rousseau ou d’expérimentation sur la navigation à vapeur pour l’inventeur Robert Fulton, l’île des Cygnes devient au XIXe siècle le dépôt des marbres, un hangar de stockage fondé par Colbert, où l’on y fait venir du marbre de Carrare, parmi les plus prisés pour sa blancheur sans trop de veinages.
Un haut-lieu d’art et d’histoire pleinement rattaché à Paris
Aujourd’hui, il n’y a pourtant plus aucune trace de cette fameuse île Maquerelle et, comme évoqué plus haut, la seule île aux Cygnes que l’on connaisse se trouve entre le 15ème et le 16ème arrondissement. Que s’est-il donc passé ? Sous le règne de Louis XV, l’île est tout simplement vendue à la Ville de Paris, qui fait donc de l’île un lieu d’entrepôt ou de fabrique. Des lettres patentes, autorisant la ville de Paris à faire combler le canal qui sépare l’île des Cygnes du quartier du Gros-Caillou, sont signées en 1773 et un comblement partiel du canal est signalé en 1780. Les fameuses expériences sur la mécanique à vapeur constituent les derniers moments de cette île, puisque les rives sont définitivement comblées en 1812, en même temps que l’on construit le pont d’Iéna. Désormais rattachée à la rive gauche de la capitale, cette zone située entre les Invalides et le Champ-de-Mars devient officiellement en 1941 le quai Branly, en hommage à Édouard Branly, physicien français reconnu comme l’un des précurseurs de la TSF. Un joli clin d’œil historique puisque le quai est situé directement devant la tour Eiffel, qui a servi au début du XXe siècle d’antenne de transmission radio de signaux horaires permettant aux navires de l’Atlantique Nord de se placer avec une meilleure position. Une prouesse physique rendue possible grâce aux avancées d’Édouard Branly dans le domaine physique des ondes radio. Riche de nombreux bâtiments remarquables et de lieux de mémoire, comme la Maison de la culture du Japon ou le Mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, c’est surtout ici que les passionnés d’art africain traditionnel, inuit, d’Océanie ou encore amérindien se retrouvent. Avec un peu plus d’un million de visiteurs par an, le Musée du Quai Branly est un des musées les plus populaires de Paris qui, en 2016, a également pris le nom de l’ancien Président de la République Jacques Chirac, fervent défenseur du projet depuis son arrivée à l’Élysée en 1995.
À lire également : Autrefois commandée par le roi, cette statue du Minotaure se trouve dans un jardin public à Paris
Image à la une : Musée du Quai Branly © Shutterstock