On connaît la pelote basque ou le tennis, mais peu de nous savent bien dire ce qu’est le jeu de paume. Ancêtre de nos sports de raquette, cette pratique a remporté un succès considérable en France durant près de cinq siècles, avant de tirer sa révérence. Si l’on associe désormais son nom au célèbre centre d’art parisien, ce n’est pourtant pas par hasard : le jeu de paume a laissé son empreinte plus qu’on ne le croît !
L’ancêtre du tennis
On considère que le jeu de paume est né au XIII siècle dans l’esprit de quelques moines français désirant faire un peu d’exercice. Entre les murs du cloître, ceux-ci jouaient avec un « éteuf », une petite balle en étoffe qu’ils s’amusaient à renvoyer avec la paume de la main. Le nom de ce nouveau jeu était alors trouvé. Tout comme son successeur le tennis, la paume consiste ainsi à se renvoyer l’éteuf au-dessus d’un filet. Elle dicte d’avancer de 15 pieds pour les deux premiers points remportés, de 10 pieds pour le troisième, jusqu’à se déclarer vainqueur.
Pendant longtemps, ce sport inédit continue d’être joué à main nu ou avec un gant en cuir par quelques humanistes se revigorant en plein air. Mais la pratique devenant trop douloureuse, on invente des battoirs en bois servant à renvoyer la balle, bien que cette technique n’assure pas réellement un jeu précis.
Il faut attendre l’année 1505 pour qu’apparaissent les premières raquettes constituées d’un long manche et d’un cordage en chanvre. Les terrains sont désormais équipés d’un toit, donnant naissance aux salles de jeu de paume appelées des « tripots ». A l’abri du mauvais temps, la courte paume connaît alors un vif succès au sein de la noblesse française, qui laisse aux plus pauvres le soin de jouer à la longue paume, une variante qui se pratiquait sans filet et en plein air.
Une passion française
Dès le XIV siècle, le peuple français s’adonne entièrement à ce nouvel amusement : on voit sur les terrains des paumiers de toutes les classes sociales, mais également des femmes et des enfants. Très en vogue à Paris, il devient le « Jeu des Rois » qui passent une grande partie de leur temps libre dans les tripots tout nouvellement construits.
Un véritable engouement qui devient vite ingérable, si bien qu’en 1397, le prévôt de Paris n’autorise la pratique que les dimanches, constatant que « plusieurs gens de métier et autres du petit peuple quittaient leur ouvrage et leur famille pendant les jours ouvrables ». Une mesure que les paumiers n’ont pas tenue bien longtemps.
Face à ce succès, François Ier officialise le 9 novembre 1527 le professionnalisme sportif, faisant du jeu de paume un véritable métier pour beaucoup de français. Désormais légitime, la pratique envahit Paris, si bien que l’on ne compte pas moins de 1 800 tripots et terrains en plein air dès le XVIe siècle. Non loin de là , les Anglais regardent ce passe-temps d’un mauvais œil. Un voyageur du nom de Robert Dallington décrit ainsi la France comme « un pays semé de jeux de paume, plus nombreux que les églises et des joueurs plus nombreux que les buveurs de bière en Angleterre ». Un engouement pour les tripots qui sera gravé dans le marbre deux siècles plus tard, lorsque les députés des états-généraux signent l’historique Serment du Jeu de Paume à Versailles, annonçant la Révolution française.
Un langage en soi
Passé de mode au XVIIIe siècle, le jeu de paume s’efface peu à peu. Les tripots sont investis pour accueillir la nouvelle tendance de l’époque, le théâtre comique, tandis que certains, comme celui des Tuileries, deviennent des musées ouverts au public. Un seul terrain persiste encore aux Champs Elysées, avant d’être transféré au jardin du Luxembourg, sous l’ordre de l’empereur Napoléon III.
Aujourd’hui encore, chaque premier dimanche de septembre, on peut assister à la coupe de Paris en longue paume dans le splendide jardin du Quartier Latin. Les derniers tripots demeurent quant à eux dans le 16e arrondissement, rue Lauriston, ainsi qu’au château de Fontainebleau où s’entraînent encore quelques initiés.
Mais si l’ancêtre du tennis a perdu de sa superbe, il n’en reste pas moins fortement présent dans nos expressions françaises. On parlait d’ « épater la galerie » lorsqu’un paumier recevait les encouragements des spectateurs, alors installés dans une galerie couverte autour du terrain. Pour dénigrer les plus pauvres ne pouvant se doter d’une raquette, certains ricanaient en leur lançant « Jeu de main, jeu de vilain ! ». Mais encore, il était d’usage de regretter d’avoir « paumé son argent » dans les tripots qui faisaient souvent office de maisons de jeux d’argent. Tout un vocabulaire que l’on utilise encore de nos jours sans se douter qu’il provient en réalité d’un des plus anciens sports populaires français.
Romane Fraysse
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