
L’Exposition universelle de 1889 a marqué les esprits du monde entier, puisqu’on lui doit la naissance de l’emblématique tour Eiffel. Mais dans l’ombre de la Dame de Fer, un autre édifice, tout aussi impressionnant de technique et de majesté, a vu le jour sur le Champ-de-Mars : la galerie des Machines.
Les révolutions de l’Exposition universelle
1889 marquait la date de la dixième Exposition universelle. C’était aussi le centenaire de la Révolution française, ce qui inspira le thème de cet événement historique qui se tient du 5 mai au 31 octobre. Répartie sur 96 hectares dans Paris, cette Exposition marque encore les esprits pour ses constructions emblématiques : l’art et l’industrie sont célébrés sur le Champ-de-Mars et le Palais du Trocadéro, tandis que les Invalides font honneur aux colonies françaises et au ministère de la Guerre.

À cette occasion, plusieurs monuments sont érigés, comme la célèbre tour d’Eiffel, devenu le symbole de la capitale, mais aussi le Palais des Industries, le Palais de la Guerre, ou l’abominable zoo humain. Cette Exposition est avant tout l’occasion de présenter les derniers progrès en matière d’industrie. On y découvre plusieurs machines à vapeur, des machines spécialisées dans le textile, l’utilisation de l’électricité ou l’architecture en verre. Mais c’est aussi lors de cette Exposition universelle qu’est construit le dernier exemple de galerie des Machines, vaste lieu dans lequel sont célébrées les inventions techniques les plus innovantes.
Un exploit technique et architectural
Si l’innovation est présentée dans les machines, elle l’est aussi dans l’architecture. En effet, à la fin du XIXe siècle, le Champ-de-Mars se voit investi par une construction spectaculaire. Si la tour Eiffel de 300 mètres est l’édifice le plus haut de l’Exposition universelle de 1889, le plus vaste reste sans nul doute la galerie des Machines. Les proportions de ce monument sont en effet gigantesques : large de 115 mètres, haut de 43 mètres et long de 420 mètres, il dispose d’une surface au sol de 48 000 mètres carrés, soit presque l’équivalent du parc Monceau… et à peine moitié moins que la surface totale de la tour Montparnasse qui, avec ses 58 étages, ne possède « que » 100 000 mètres carrés de surface.

Et pourtant, ce n’est pas la taille de l’édifice qui, au moment de l’ouverture de l’Exposition le 5 mai 1889, impressionne le plus, mais sa structure. En effet, le monument est avant tout une prouesse architecturale et technique puisqu’il ne possède aucun pilier intérieur. Cela signifie que la totalité du poids de la galerie est portée par ses voûtes et sa structure en demi-ferme… alors même que le monument possède, à l’époque, les plus grandes voûtes au monde ! Au centre, un belvédère avec ascenseur permettait ainsi de contempler l’édifice, tandis que des ponts roulants déplaçaient les visiteurs d’un côté à l’autre, au niveau des balcons intérieurs situés à 8 mètres de hauteur.

Située au bout du Champ-de-Mars, à l’opposé de la tour Eiffel, la galerie des Machines était entièrement conçue en verre et acier, et ses architectes, Ferdinand Dutert et Charles Léon Sauvestre, ont cherché à réduire au maximum le poids de l’édifice en limitant la taille des piliers. C’est cette technique qui donnera à l’édifice un aspect particulièrement aéré. Le poids de la charpente de l’édifice n’en est pas moins pharaonique : 7 800 tonnes, contre 7300 pour la tour Eiffel.
La galerie des Expositions universelles
Cet impressionnant édifice ne pouvait que célébrer la grandeur des inventions de l’époque. Et son nom n’est pas anodin, puisque dès l’Exposition universelle de 1889, il présentait d’immenses machines à vapeur motrices provenant de France, d’Angleterre, d’Autriche, de Belgique, de Suisse, d’Italie et d’Allemagne. On y trouve par exemple une gigantesque grue qui enlève un poids de 25 000 kg, un exploit pour l’époque.

Lors de l’Exposition universelle de 1900, la galerie est réinvestie, cette fois pour accueillir l’Exposition française de l’agriculture et de l’alimentation. À cette occasion, on présente toutes les innovations techniques des plus grandes entreprises du monde. Le clou du spectacle est alors un navire à voiles rouge et or créé par la maison Menier, qui est une reproduction grandeur nature du vaisseau Le Triomphant, en hommage de la présentation au roi Louis XIV de la première production de chocolat français élaboré en Martinique en 1679.

Pour accueillir les visiteurs, la grande roue de Paris est aussi installée à l’entrée de la galerie des Machines, devenant l’une des principales attractions de l’Exposition universelle. Avec une hauteur de 100 mètres et un diamètre de 93 mètres, elle est alors la grande roue la plus haute au monde.
La naissance du vélodrome et la mort des Machines
Bien que spectaculaire, la galerie des Machines lasse peu à peu les Parisiens du début du XXe siècle, dont les classes les plus populaires sont désormais fascinées par les compétitions cyclistes. Cette nouvelle tendance donne à Henri Desgrange l’idée d’aménager l’immense galerie de l’Exposition universelle pour y créer le premier vélodrome d’Hiver. Conçue par l’architecte Gaston Lambert, une piste en bois de 333 mètres y est alors construite en vingt jours afin d’accueillir dès 1903 les meilleurs sportifs, dont Gabriel Poulain. Le succès est alors immédiat, et nombre de visiteurs du monde entier se pressent dans cette installation moderne, que l’on surnomme « La glacière ». Le lieu ne perd toutefois pas sa vocation première, puisque les expositions des producteurs et fournisseurs de l’agriculture continuent d’être organisées chaque année.

Néanmoins, en 1909, la Ville de Paris annonce la destruction de la galerie des Machines afin de libérer la perspective vers le Champ-de-Mars. Malgré l’opposition du Sénat et du ministre de l’Agriculture, ce splendide vestige de l’Exposition universelle est réduit à néant. En réaction, Henri Desgrange décide d’édifier juste à côté un nouveau vélodrome, qu’il nomme le « Vél’ d’Hiv » en 1910. Bien moins spectaculaire, cette nouvelle construction dispose d’une charpente métallique, de gradins de briques et de béton, ainsi qu’une piste en bois de sapin ovale de 250 mètres qui accueillera de nombreux championnats jusqu’en 1959.
Romane Fraysse
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