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Les marchandes d'amour du Palais-Royal

Par Colombe

Retour à la fin du XVIIIe siècle. Paris est une ville moderne qui connait des transformations urbaines importantes comme la construction de nombreux ponts pour favoriser le passage entre les deux rives. Considérée alors comme la capitale de l’Europe occidentale, Paris profite d’un foisonnement économique et culturel important. La culture du raffinement et du luxe est au centre des mœurs de l’époque. La galanterie devient une valeur identitaire tout comme la séduction et les relations charnelles…

Une société du plaisir

Cette époque prône le libertinage et les illustrations ne manquent pas. Une iconographie érotique se développe même rapidement : les artistes peignent des scènes de plaisir témoignant ainsi du triomphe de l’épicurisme. Depuis 1791, la prostitution n’est plus considérée comme un délit de droit commun et même si les prostituées sont encore perçues comme des délinquantes, cet univers de l’amour vénal et des bordels est plus présent que jamais. Les maisons closes fleurissent, la prostitution publique aussi et on compte peu après la Révolution française plus de 300 « magasins prétextes » rien qu’à Paris.

Les boutiques mystérieuses

Ces magasins prétextes comme on les surnomme, sont en fait des boutiques abritant les filles de joie qui y « font leur palais ». Cette expression provient justement de l’endroit par excellence où toute ce monde de la prostitution évolue, le Palais-Royal. Très fortement médiatisé à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, ce lieu est le symbole même de ce commerce sexuel. Cœur névralgique de la capitale, il compte de multiples librairies, salles de spectacle et boutiques et héberge les fameuses « marchandes d’amour » qui nous intéressent.

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Les galeries du Palais Royal, au début du XIXe siècle © Gallica / BnF

Le Palais-Royal, véritable sérail de la jouissance

En 1793, l’inspecteur Charmont décrivait ces femmes en ces termes : « il est un vice bien plus grand dans le Palais : ce sont les filles publiques, déguisées sous mille formes différentes, pour y faire toujours le même métier que les bonnes mœurs proscrivent au milieu de nous ». Vêtues de belles robes, accompagnées d’un chapeau et d’une coiffure travaillée, elles se baladent dans les galeries marchandes et accostent les hommes pour « un peu d’amour ».

Cet espace unique d’extrême tolérance est construit de tel façon qu’il protège des regards extérieurs. Les prostituées sont très faciles d’accès grâce aux arcades qui entourent le Palais Royal. Sorte d’enclos où tout se passe et où les « femmes publiques » font partie du paysage.  La prostitution, libre est néanmoins très organisée ; chaque femme occupe un poste. Elle peut être « hirondelle » comme celle avec qui Napoléon a perdu sa virginité à 18 ans ! Mais aussi « castor », puis plus tard « cocotte », ce qui apporte davantage de privilèges tel que l’accès aux appartements au-dessus des échoppes. Au total, on estime qu’il y a eu jusqu’à 2000 prostituées au sein du Palais-Royal, considéré depuis comme le premier « marché aux putains » de l’histoire !

La monarchie de Juillet et la disparition des activités du Palais Royal

Fermé à la police jusqu’en 1789, le Palais Royal abritait également des activités illicites comme des loteries clandestines et autres jeux d’argent. C’est à l’arrivée sur le trône de Louis Philippe que la prostitution devient interdite, excepté dans les maisons closes. Il met un terme au commerce du sexe du Palais et l’ensemble du bâtiment lui est restitué en 1814.

Le réseau de prostitution se déplace alors vers les Grands Boulevards et s’étend même durablement. Plus tard, à la Belle Époque, on compte plus de 200 bordels dans la capitale.

Les galeries du Palais Royal en 1800 © Gallica / BnF

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Crédit image de une : DESRAIS Claude-Louis (1746 – 1816) © Photo RMN – Grand Palais / agence Bulloz