Paris compte plus de 5 000 voies publiques. Si aujourd’hui leurs noms font référence à de grands événements ou des personnalités reconnues, elles ont longtemps fait référence à un commerce situé sur la voie, ou à un type de population qui arpentait ses pavés, ce qui a donné d’étonnantes dénominations toujours d’actualité.
La rue de la Grande-Truanderie (1er)
Avec sa voisine – la rue de la Petite-Truanderie –, cette voie a été tracée au début du XIIe siècle. Située dans le quartier animé du tout premier marché des Halles, créé dès 1137, elle a longtemps été un lieu de mauvaise fréquentation, comme son nom nous le fait supposer : selon les historiens, le mot « truanderie » pourrait lui avoir été attribué à cause de sa population composée de mendiants, de diseurs de bonne aventure, de gueux, ou de vagabonds. S’il ne faut pas y voir une référence directe au « truand » criminel, la rue n’était tout de même pas une adresse recommandée aux Parisiens de l’époque !
La rue des Deux-Boules (1er)
Cette autre rue au nom intrigant ne renvoie – comme on pourrait le croire – à aucune anecdote salace. Créée au XIIe siècle, elle est tout d’abord nommée « rue Male-Parole » en référence aux voleurs qui s’y réunissaient, puis « rue Guillaume Porée », du nom d’un ancien propriétaire, avant de prendre la drôle d’appellation qu’on lui connaît. Qu’étaient-ce donc que ces « Deux-Boules » ? En réalité, comme pour de nombreuses rues anciennes, il s’agirait simplement d’une enseigne de la rue, devant laquelle les clercs et les procureurs du palais de Justice se seraient retrouvés pour jouer à des parties de boules en plein air.
Le passage Vérité (1er)
Proche du Palais-Royal, ce petit passage conduisant à la place des Valois est composé d’une arcade conçue par Jean-Sylvain Cartaud sous les ordres de Louis-Philippe d’Orléans, en 1750. Il servait alors de logement aux officiers de la maison d’Orléans, avant de devenir public au lendemain de la Révolution française. La voie prend alors le nom du cabinet de lecture « Vérité », qui y vendait les journaux du jour et de la veille.
Rue du Pélican (1er)
Le nom de cette rue peut paraître bien étrange en plein cœur de la capitale. Peu de chance, en effet, d’y croiser des pélicans… et cette voie n’a d’ailleurs pas été nommée ainsi en référence à l’animal. Pour trouver une explication, il faut remonter à sa création en 1305, lorsqu’elle était située en dehors de l’enceinte de Philippe Auguste. Connue pour être fréquentée par les prostituées, elle était alors surnommée la « rue du Poil-au-Con ». Et au fil des siècles, après plusieurs transformations, ce nom s’est finalement transformé en « Pélican ».
La rue Vide-Gousset (2e)
Datant du XIVe siècle, la rue Vide-Gousset était autrefois nommée la rue du Petit-Reposoir. Alors située près de l’enceinte de Charles V, cette voie isolée était rarement fréquentée par les Parisiens. Vers le XVIIe siècle, elle est d’ailleurs connue pour être un repaire de voleurs, et prend le nom de « Vide-Gousset » pour mettre en garde les rares passants qui s’y aventuraient. Ceux-ci risquaient en effet de se faire soutirer leur gousset, une petite bourse contenant des pièces de monnaie. Mais depuis le percement de la rue Etienne-Marcel en 1858, cette ruelle proche de l’église Notre-Dame des Victoires mesure seulement 30 mètres de long, et ne fait plus frissonner grand monde !
La rue Brisemiche (4e)
Dans cette rue située à deux pas du centre Pompidou, on donnait autrefois du pain, ou des « miches » aux chanoines de la collégiale Saint-Merri. S’il n’y a donc rien de grivois dans son nom actuel, c’était bien différent au Moyen Âge, lorsque cette voie était l’une des plus fréquentées par les prostituées parisiennes. Elle était alors appelée la « rue Baille-Hoë », pour signifier un lieu qui « donne joie » en vieux français. Ce clin d’œil était aussi donné à une rue voisine, nommée « Taillepain », qui a désormais disparu. Mais en 1387, le prévôt de Paris y interdit l’activité de ces femmes publiques à la demande du curé de Saint-Merri. La rue Brisemiche est alors rattachée au cloître de l’église, et fréquentée par les chanoines.
La rue des Mauvais-Garçons (4e)
Bien que l’origine du nom de cette rue ne soit pas certaine, ses premières apparitions dateraient du XVIe siècle. Ces « mauvais garçons » désigneraient des bandes armées, apparues sous le règne de François Ier, qui s’organisaient dans les quartiers pour terroriser les habitants. D’autres historiens estiment plutôt qu’il s’agirait d’un surnom donné à de jeunes bouchers habitant cette rue, et connus pour y semer la zizanie. En tous les cas, cette voie du centre parisien est célèbre pour être un véritable coupe-gorge, qu’Édouard Fournier n’hésite pas à définir ainsi : « Ruelle infecte, souvenirs immondes ».
La rue Petit-Musc (4e)
Là encore, on se doute que cette voie au curieux nom fait référence à une histoire passée. « Petit-Musc » proviendrait que « petit muce », signifiant « petite cachette » en ancien français. En effet, au Moyen Âge, l’hôtel du Petit Muche se trouvait à cet endroit, et aurait été surnommé « Pute y muce », sûrement en référence aux rendez-vous galants qui s’y faisaient. Plusieurs siècles plus tard, la rue adopte le nom plus noble de « Petit-Musc », ce qui fait dire à Victor Hugo dans Les Misérables qu’elle « a fait ce qu’elle a pu pour changer en bonne odeur sa mauvaise renommée ».
La rue du Chat-qui-Pêche (5e)
Une chose est sûre, cette rue passe difficilement inaperçue ! Tout d’abord, sa largeur de 1,80 mètre en fait l’une des plus étroites de la capitale, mais aussi, son nom surréaliste ne peut que faire ricaner les passants. La rue du Chat-qui-Pêche ? Tiens donc, mais d’où peut bien venir cette dénomination ? En réalité, ce nom provient aussi de l’enseigne d’un poissonnier au XVIIe siècle. Selon la légende, le chanoine Dom Perlet, qui tenait ce commerce, possédait un chat noir capable d’extraire des poissons de la Seine par un simple coup de patte. Après l’avoir aperçu en train de pêcher, trois étudiants ahuris ont soupçonné une affaire de sorcellerie : ils ont estimé que le chanoine et le chat ne faisaient qu’un, et qu’il s’agissait en réalité du diable en personne ! Ils ne prirent alors pas de demi-mesures puisqu’ils jetèrent tout simplement le pauvre animal dans la Seine. Toutefois, ils furent bien déçus de voir que le propriétaire du chat, qui disparut quelque temps, réapparut finalement au bout de plusieurs mois.
La rue Gît-le-Cœur (6e)
Dans la famille des rues aux noms insolites, celle-ci mérite bien sa place ! Pourtant, son origine n’est pas si folklorique, puisque la dénomination de cette voie ouverte au XIIIe siècle proviendrait seulement du nom d’un cuisinier du roi Eudes, Guy le Queux. On lui avait en effet attribué ce terrain, qui faisait partie du fief de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Après les variations Guille Queulx, Villequeux, ou Gille le Cœur, on a finalement obtenu le nom actuel.
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