Malgré une santé fragile, Marcel Proust n’a pas toujours vécu calfeutré dans la chambre de son appartement parisien. Le célèbre écrivain du roman Du côté de chez Swann a fréquenté tant les salons mondains de la capitale, que les grands restaurants ou les cafés-concerts. Le Paris bouillonnant de la fin du XIXe siècle n’a cessé d’inspirer ce fin observateur. Zoom sur trois adresses fréquentées par Marcel Proust.
L’hôtel Ritz, 15 place Vendôme (1er arrondissement)
“Au Ritz, personne ne vous bouscule” soulignait Marcel Proust. Qui d’autre que lui pour apprécier à sa juste valeur cette atmosphère du temps suspendu ? Dès l’inauguration de l’hôtel Ritz en 1898, l’écrivain s’y sent comme chez lui. Il arrive chaque soir, aux alentours de minuit, pour le souper. Si l’établissement se targue à l’époque d’avoir “le plus artistique des restaurants”, Marcel Proust ne succombe pas à l’extravagance. Au menu de l’écrivain : du poulet rôti, de la sole nature au citron, de la glace au chocolat ou à la framboise en dessert. Il y donne son premier grand dîner en 1907, avec pour invité la poétesse Anna de Noailles et Gaston Calmette, directeur du Figaro, pour ne citer qu’eux.
“Gourmet mais pas gourmand”, Marcel Proust ne vient pas tant pour se faire voir et jouer au jeu de la haute-société, que pour trouver la matière de son roman A la recherche du temps perdu. Discret et un brin effacé, Marcel Proust observe. Pour tout savoir de la clientèle élitiste du palace, l’écrivain aurait même payé un domestique pour que celui-ci note scrupuleusement le nom des clients, leurs tenues et les repas qu’ils dégustent au restaurant.
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Proust fréquente également d’autres adresses bien connues de la capitale, comme le Café Anglais, le Café de la Paix, l’Hôtel de Crillon ou le Bœuf sur le Toit.
Les Folies-Bergères, 32 Rue Richer (9e arrondissement)
C’est dans les music-halls et les cafés-concerts qu’il affectionne que Marcel Proust retrouve une certaine liberté. Aux Folies-Bergère, au Cirque d’Eté, à l’Horloge ou à l’Alcazar, on rit à gorge déployée, on se frôle et on écoute les chansons de la célèbre Yvette Guilbert. On applaudit la “mauvaise musique” – en opposition à la “grande musique” d’opéra – des orchestres et les chansons, souvent vulgaires, des artistes. Il n’est pas rare d’assister à d’autres numéros de danse, de magie ou d’acrobatie. A la fin du XIXe siècle, les cafés-concerts séduisent toutes les classes sociales : du public populaire qui s’y arrête après le travail, aux mondains qui terminent leur soirée après dîner.
Contrairement aux grands restaurants, Marcel Proust n’évoque pas les cafés-concerts dans son roman A la recherche du temps perdu. Les lieux inspirent davantage ses confrères comme Emile Zola pour son roman Nana et Guy de Maupassant pour Bel-Ami.
Son appartement, 102 boulevard Haussmann (8e arrondissement)
Cet appartement reste le plus célèbre occupé par l’écrivain d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs. À la mort de sa mère en 1906, Marcel Proust, qui a déjà 35 ans, se retrouve contraint de trouver un nouveau foyer. Il décide de s’établir au 102 boulevard Haussmann, dans le quartier de son enfance, dans cet immeuble qui appartenait à son oncle.
Sujet à des crises d’asthme et sensible au bruit, Marcel Proust se confine dans sa chambre, qu’il fait insonoriser avec des plaques de liège. Il reçoit peu et travaille depuis son lit. C’est en effet dans cet appartement qu’il rédige la quasi intégralité de son œuvre A la recherche du temps perdu, composé d’1,5 millions de mots…
De plus en plus isolé au fil du temps, l’écrivain impose son rythme de vie à sa gouvernante et confidente, Céleste Albaret, qui doit répondre à ses moindres désirs, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Un coup de sonnette pour un croissant, deux pour une “essence de café avec nuage de lait” ! En 1919, il quitte finalement le boulevard Haussmann pour le 44 rue Hamelin où il termine ses jours, le 18 novembre 1922.
Crédit photos de Une : affiche des Folies Bergères “Arc-en-ciel” (vers 1896) et Portrait de Marcel Proust (1892) par Jacques-Émile Blanche ; via Wikipédia Creative Commons
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