Que l’on préfère la richesse historique architecturale du Marais ou l’élégance bourgeoise du 16ème arrondissement, chaque quartier de Paris possède sa propre identité, ce qui explique notamment pourquoi la capitale attire toujours autant. Riche de ses propres monuments et bonnes adresses, chaque quartier raconte surtout une histoire de Paris, du médiéval aux Années Folles, en passant par la Renaissance ou la Révolution Industrielle. Avec son imposante et décriée tour de 210m de haut, le quartier Montparnasse peut être vu comme un important lieu d’affaires. Et pourtant, c’est bel et bien la fibre artistique qui a “bâti” ce quartier…
De terrains en friche à “l’École de Paris”
Le nom de ce quartier vient d’étudiants voisins qui venaient déclamer des vers sur la butte formée par des remblais au XVIIe siècle, en référence au mont Parnasse, résidence des Muses dans la mythologie grecque. Cette même colline sera en partie arasée pour tracer le boulevard du Montparnasse au XVIIIe siècle, devenant alors un lieu de promenade prisé à la périphérie de la ville. Mais c’est à la fin du XIXe siècle que le quartier va connaître un virage majeur de son histoire. L’Exposition universelle de 1889 et la vie artistique déjà riche de Montmartre attirent de nombreux artistes qui se tournent vers ce quartier populaire plus au centre de Paris, encore relativement en friche, où il est possible de trouver des ateliers à des loyers modiques et un environnement de cafés bon marché qui facilitent la sociabilité, l’émulation et l’entraide. Une opportunité immanquable pour de nombreux artistes étrangers en exil qui s’y retrouvent afin de se regrouper et d’exprimer leur passion. Attablés autour des cafés bon marchés de la Coupole, de la Rotonde et du Dôme, les “Montparnos” voient le jour et donnent naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui l’École de Paris. Le carrefour Vavin, baptisé en 1984 place Pablo Picasso, devient le cœur battant de l’époque, où se concentrent des cafés mythiques comme le Dôme, la Rotonde, la Coupole ou le Select.
Un quartier devenu lieu de cohésion, de partage et surtout d’inspiration
Un esprit de fraternité artistique que l’on retrouve notamment à la cité Falguière, ouverte en 1901, entre la Ruche, immense terrain de 5000m2 où les artistes se partagent ateliers et logements, et Montparnasse. C’est dans cette cité qu’étaient voisins Léonard Foujita, Constantin Brancusi, Maurice Blond, tandis que Modigliani et Soutine partageaient le même atelier. Dès 1877, Paul Gauguin, l’un des précurseurs du quartier, est installé à l’entrée de la cité, tandis que le sculpteur Bourdelle habite dès 1885 au 16 impasse du Maine. Cet atelier en briques rouges où il passera toute sa vie à sculpter est aujourd’hui le musée Bourdelle. Parmi les artistes qui habitèrent ou fréquentèrent le quartier, on retrouve notamment Georges Braque, Paul Cézanne ou encore Guillaume Apollinaire, qui sera notamment un fervent client de la Closerie des Lilas. Cette brasserie mythique au style Art Déco, où l’on décerne chaque année le Prix de la Closerie des Lilas, qui récompense un livre écrit par une femme. Fréquenté par Modigliani, André Breton, Aragon, Picasso, Jean-Paul Sartre, André Gide, Paul Éluard, Oscar Wilde, Samuel Beckett ou Man Ray, c’est d’ailleurs à la Closerie des Lilas qu’une dispute entre Tristan Tzara et André Breton mit fin au dadaïsme, donnant par la suite naissance au mouvement surréaliste. Moins d’un kilomètre plus loin, des traces créatives et bien vivantes du Montparnasse des “Montparnos” se ressentent également au musée Zadkine, somptueuse maison du XVIIIe siècle qui fut la résidence du sculpteur russe Ossip Zadkine, proche de Picasso, Modigliani ou Brancusi et élément-clé du Montparnasse vibrionnant des artistes. En temps normal, cette ancienne dépendance du couvent Notre-Dame de Sion abrite des collections permanentes ainsi qu’un paisible jardin peuplé de statues dont l’artiste aurait lui-même choisi l’emplacement.
Des adresses qui reflètent encore cet élan culturel
Parmi les adresses emblématiques, citons également le 31 rue Campagne-Première, l’un des plus beaux immeubles d’ateliers jamais édifié à Paris où résidèrent notamment Man Ray et Kiki de Montparnasse, mais aussi Aragon, Elsa Triolet, Chaïm Soutine ou encore Jean-Pierre Raynaud. Cité d’artistes dissimulée derrière la gare Montparnasse, la Villa Vassilieff porte le nom de la peintre et sculptrice russe Marie Vassilieff, ancienne élève du peintre Henri Matisse. Celle-ci installa son atelier et académie au fond de cette petite impasse pavée et végétalisée, ainsi qu’une cantine pour artistes sans le sou, soutenant ainsi les futurs grands noms de l’avant-garde tels que Picasso, Modigliani, Soutine, Léger ou Chagall. À nouveau résidence d’artistes, lieu d’exposition d’art contemporain et café, le site est surtout un petit bout réanimé de l’esprit avant-gardiste qui anima si longtemps ce quartier de Montparnasse. Le quartier connaît son apogée lors des célèbres Années Folles, attirant en plus des artistes américains tels qu’Hemingway, Dos Passos ou encore Fitzgerald. Une fois de plus, les grands esprits se rencontrent à la Closerie des Lilas, puisque c’est à la terrasse de celle-ci que Fitzgerald fait lire le manuscrit de Gatsby le Magnifique à Hemingway. Très vite, le quartier devint aussi le domicile pour des exilés politiques comme Lénine, Léon Trotsky ou Porfirio Diaz. Si bien que l’esprit frondeur et gai des Années folles passa de mode jusqu’au choc : la Seconde Guerre mondiale et l’Occupation nazie qui sonnent la fin de cet élan culturel et artistique si fédérateur.
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Image à la une : Montparnasse © Jacques Leroy / Ville de Paris