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Aller voir des morts exposés en vitrine : l’improbable sortie du dimanche des Parisiens (et des assassins !) du 19e siècle

Paris

Au XIXe siècle, aller faire les vitrines pouvait prendre une dimension très différente de ce que l’on s’imagine aujourd’hui ! En effet, les parisiens de l’époque n’allaient pas y admirer les nouveaux vêtements à la mode mais… y observer les derniers cadavres retrouvés et non identifiés ! On vous en dit plus sur cette activité des plus morbides.

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Une attraction touristique inattendue !

Aujourd’hui, lorsqu’on évoque les attractions parisiennes, les lieux à découvrir dans la Ville Lumière, on pense bien évidemment à ses lieux et monuments les plus emblématiques comme la tour Eiffel, le musée d’Orsay, Montmartre et sa basilique du Sacré-Coeur, etc. Si l’on aime les ambiances bucoliques on peut aussi opter pour le vaste écrin de verdure du Bois de Vincenne ou le Jardin des Plantes, et pour mêler balade au grand air et visite historique, le cimetière du Père-Lachaise constitue un choix idéal et légèrement mystérieux.

Morgue au Quai de l'Archevêché à Paris © Facebook Brigade de Paris Magique et Insolite - BPMI
Morgue au Quai de l’Archevêché à Paris © Facebook Brigade de Paris Magique et Insolite – BPMI

Ça, c’est aujourd’hui. Mais au XIXe siècle, les sorties culturelles n’avaient, disons… pas tout à fait la même allure ! En effet, des millions de parisiens et de touristes se sont pressés pendant plusieurs décennies et avec engouement dans un endroit où l’on n’envisagerait absolument jamais mettre les pieds aujourd’hui, pour se livrer à une pratique des plus… macabres. Un lieu désormais consacré au recueillement et à l’expertise médico-légale. Bienvenue à la Morgue ! Faites comme chez vous !

Quand la morgue était un espace public

Le terme “morgue” trouve ses racines dans le verbe “morguer”, qui signifie “regarder quelqu’un avec insistance et dédain”. Cette pratique prend forme au XIVe siècle à la prison du Grand Châtelet, située à l’emplacement de l’actuelle place du Châtelet. Dans cet édifice médiéval, les geôliers examinaient minutieusement les nouveaux prisonniers pour noter leurs caractéristiques physiques sur des registres. Cela permettait de les reconnaître en cas de fuite ou de récidive à une époque où la photographie n’existait pas.

Les morts en vitrine à la morgue de Paris au 19e siècle © Facebook_Tout savoir
Les morts en vitrine à la morgue de Paris au 19e siècle © Facebook_Tout savoir

Au XVe siècle, le dépôt de cadavres fit également son apparition au Grand Châtelet. Les corps sans identité trouvés dans Paris, souvent repêchés dans la Seine, étaient exposés dans une petite pièce ouverte au public et appelée “morgue”. L’objectif était de permettre, peut-être, à un passant de reconnaître un proche ou une connaissance disparue en “morguant” à travers la petite ouverture creusée au niveau de la chaussée. Sauf qu’en réalité, cette pratique attirait déjà des badauds curieux, plus intéressés par le spectacle des morts que par l’identification des défunts ! Une quinzaine de cadavres étaient ainsi exposés chaque jour.

À lire également : Cette célèbre place accueillait autrefois une prison sordide au cœur de Paris !

La Morgue de l’Île de la Cité : lieu de voyeurisme macabre

Après la démolition de la prison du Grand Châtelet en 1802, la morgue de Paris fut déplacée sur l’Île de la Cité, près du Quai du Marché-Neuf. Elle y resta jusqu’en 1868, avant d’être relocalisée sur le quai de l’Archevêché, derrière Notre-Dame. Cette nouvelle morgue, moderne pour l’époque, comprenait une grande salle vitrée où les corps étaient exposés sur des tables en marbre, légèrement inclinées pour permettre une meilleure vue. Les cadavres étaient ainsi présentés au public pendant plusieurs jours, rafraîchis par un filet d’eau pour ralentir leur décomposition. Un spectacle que l’on a tout de même beaucoup de mal à imaginer…

Vue intérieure de la Morgue de Paris en 1845, dessin d'après une peinture de Carré © Gallica-BnF
Vue intérieure de la Morgue de Paris en 1845, dessin d’après une peinture de Carré © Gallica-BnF

Ce lieu, pourtant macabre, devint rapidement une attraction incontournable. On y venait non seulement pour tenter de reconnaître un proche, mais surtout pour le spectacle qu’offraient les dépouilles anonymes. Les visiteurs, venus de toutes les classes sociales, affluaient en masse. Les ouvriers s’y rendaient pendant leur pause déjeuner, tandis que les familles bourgeoises venaient s’y promener en famille. Certaines agences de voyage britanniques incluaient même la morgue dans leurs circuits touristiques parisiens !

Au sommet de sa “gloire”, la morgue pouvait attirer jusqu’à 40 000 visiteurs par jour ! Une popularité qui peut en partie s’expliquer par le rapport tabou des Parisiens avec la mort pourtant omniprésente à l’époque, entre les guerres, les épidémies et la pauvreté, et qui permettait de s’y confronter tout en faisant passer cela pour une sorte de spectacle. Pour les assassins, c’était aussi le moyen de s’assurer de l’accomplissement de leur crime ! On retrouve en effet des traces de cette pratique dans le roman d’Émile Zola, Thérèse Raquin.

Toutes les (bonnes) choses ont une fin…

La morgue continue d’être un lieu public d’exposition jusqu’au début du XXe siècle. Cependant, en 1907, le préfet de police Louis Lépine décide de mettre fin à cette pratique. Le 15 mars de cette même année, un décret met fin à l’accès du public aux cadavres exposés, invoquant des raisons de moralité et d’hygiène. L’établissement se transforme alors en institut médico-légal, où les corps sont désormais manipulés à des fins purement scientifiques et légales, hors du regard du public.

La Morgue de Paris est depuis 1914 située dans le 12e arrondissement, sur les bords de la Seine, et n’a plus rien à voir avec l’attraction sinistre qu’elle fut autrefois. Et si son passé continue d’alimenter l’imaginaire collectif, symbolisant un rapport à la mort bien différent de celui que nous avons aujourd’hui, les parisiens n’ont eu d’autre choix que de trouver d’autres activités et lieux de sortie. La tour Eiffel, ce n’est quand même pas si mal au fond !

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Image en Une : Morgue de Paris © Bibliothèque Nationale de France

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Mélina Hoffmann

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