
Au château de Fontainebleau, un tableau représentant la rencontre de Napoléon avec Pie VII est exposé sur le mur de l’antichambre des appartements où le pape a séjourné. Et si une drôle d’histoire se cache derrière la conception de ce tableau, il en va de même en disant que le pape a “séjourné” au château…
Le Pape qui a tenu tête à l’Empereur
Lorsque Napoléon se rend pour la première fois à Fontainebleau en 1804, il découvre un château mis à sac sous la Révolution et dont le mobilier avait été détruit ou vendu. Il décide alors de faire de Fontainebleau l’une de ses résidences officielles et même “la vraie demeure des rois”. Le palais est ainsi réaménagé en urgence pour recevoir le Pape qu’il a convié à son sacre prévu le 2 décembre suivant. Élu pape en 1800, Pie VII entreprend alors un important voyage de plusieurs jours pour se rendre jusqu’à Fontainebleau, malgré une relation peu amicale avec celui qui sera bientôt l’Empereur des Français. Homme modeste, doux, austère mais très nerveux, il se trouve à Rome en 1800 lorsque Bonaparte lui fait les premières ouvertures pour la négociation d’un Concordat. Signé le 15 juillet 1801, celui-ci met fin au schisme qui divisait l’Église de France et rend à cette dernière une existence officielle. Grâce à ce Concordat, Bonaparte a réussi à résoudre la crise religieuse entraînée par la Révolution et à rétablir les liens entre le Saint-Siège et l’Eglise de France. En venant au sacre, le pape espère l’ouverture de négociations sur tous les manquements et les interprétations du Concordat de 1801 par le gouvernement français. Le dimanche 25 novembre au matin, l’Empereur est parti chasser à cheval quand apparaissent les voitures du Pape et de sa suite. La rencontre des deux souverains se déroule donc en pleine forêt, une scène immortalisée par les peintres Jean-Louis Demarne et Alexandre Hyacinthe Dunouy. Ce tableau commandé par Napoléon a évidemment une signification politique puisqu’on y voit un futur Empereur dans la force de l’âge descendant de son magnifique cheval blanc, face à un souverain pontife âgé sortant quant à lui d’un carrosse noir.

Un souverain pontife devenu prisonnier de premier plan
Présent pour le sacre de Napoléon Ier, Pie VII Il poursuit son séjour jusqu’au printemps, bien qu’il n’obtienne aucune modification du Concordat. Pour ne rien arranger, Napoléon se fait couronner roi d’Italie en 1805 et réclame alors l’alignement de la politique extérieure du Pape sur celle de l’Empire français. Il écrit notamment à Pie VII : “Votre Sainteté est le souverain de Rome mais j’en suis l’Empereur”. En février 1808, les troupes françaises occupent la ville, tandis que Napoléon proclame l’année suivante la réunion des États de l’Église à l’Empire. Comme son prédécesseur, Pie VII est arrêté : il est transféré à Grenoble puis à Valence et en Avignon avant d’être incarcéré à Savone, en Ligurie. Ccraignant que la Flotte anglaise ne réussisse à s’emparer de Savone, l’Empereur fait transférer le Pape captif au palais de Fontainebleau… là où il l’avait reçu quelques années plus tôt pour son sacre. Séparé de son entourage et de ses cardinaux enfermés à Vincennes ou exilés en province, Pie VII arrive en juin 1812 dans un château qui est devenu un véritable palais impérial. Afin de sauver les apparences, il est traité en hôte et non en captif. Il réside alors dans le superbe appartement de 11 pièces qui était autrefois celui d’Anne d’Autriche. Toutefois, celui-ci a depuis été remeublé et redécoré pour Hortense et Louis Bonaparte, mêlant les meilleurs meubles de Jacob-Desmalter et Marcion aux prestigieuses tapisseries des Gobelins héritées de l’Ancien Régime. Cependant, le pape refuse de se prêter à la comédie que l’on voudrait lui faire jouer et ne profite presque pas des jardins, en plus d’être très souvent malade. Selon les archives, le souverain pontife lit beaucoup durant sa captivité, principalement pour tromper l’ennui.
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Un épisode peu reluisant au tableau de Napoléon Ier
Il faut ensuite attendre le début de l’année 1813 pour voir Napoléon négocier une nouvelle fois avec le pape. De retour de la catastrophique campagne de Russie, lui et la cour font un voyage inattendu à Fontainebleau, du 19 au 27 janvier. Dans une ambiance tendue et après plusieurs jours de négociations, de pressions et même de menaces, le pontife cède et accepte de signer un nouveau Concordat le 25 janvier. Une nouvelle que Napoléon ne tarde pas à faire annoncer dans la presse. Seulement voilà… le pape se rétracte finalement, à la grande fureur de Napoléon. Battu à Leipzig en octobre 1813 et se préparant à affronter les Alliés sur le territoire français, l’Empereur n’a pas le temps de consacrer plus d’énergie à ce bras de fer et décide en janvier 1814 de rendre sa liberté au pape, craignant que ses adversaires ne parviennent jusqu’à Fontainebleau pour le délivrer. Le Souverain pontife quitte donc Fontainebleau le 23 janvier 1814 sous bonne escorte et n’aura de cesse de revendiquer ses possessions temporelles, entamant des démarches diplomatiques auprès des souverains alliés, avant de rentrer triomphalement dans Rome en mai 1814. De son côté, Napoléon ne reviendra que très peu sur cet épisode méconnu et peu reluisant, conscient qu’il s’agissait là d’un de ses plus grands échecs. Toutefois, il se défendra toujours d’avoir “emprisonné” le pape, estimant que celui-ci avait été logé dans un palais avec tous les honneurs dus à son rang.
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Image à la une : Statue Napoléon © Adobe Stock
