Les bords de Seine, les grands Boulevards, les immeubles haussmanniens, les monuments prestigieux tels que le Panthéon, la Tour Eiffel, Notre-Dame ou encore le musée du Louvre… il faut bien le reconnaître : Paris n’a pas volé son statut de capitale, tant il y a de choses attrayantes à voir et revoir. Se balader dans certaines rues, que l’on soit rive gauche ou droite, est déjà une activité exceptionnelle, tant on peut ressentir la puissance de plusieurs siècles d’histoire sous nos pas. Un fait que l’on ne devrait jamais oublier, encore plus lorsqu’on sait qu’une bonne partie du Paris que nous connaissons a bien failli disparaître il y a un siècle !
Le cœur de Paris transformé en centre d’affaires et quartier résidentiel
Dans sa longue et fascinante histoire, Paris a souvent frôlé la destruction, que ce soit sous l’Occupation allemande lors de la Seconde Guerre mondiale, les bombardements de 1918 pendant la Première Guerre mondiale ou même au IXe siècle, lorsque les Vikings asssiègèrent la future capitale de France. Mais un autre événement a bien failli causer une destruction irréparable du patrimoine parisien, sans aucun rapport avec une guerre : le Plan Voisin. On connait tous le long de la rive droite de Paris, où l’on peut profiter du quartier des Halles, des hôtels particuliers du Marais ou encore du boulevard Sébastopol imaginé par Haussmann. Maintenant, il suffit d’imaginer tout cet ensemble, qui n’existerait plus. Voilà en quoi consistait le Plan Voisin imaginé par le célèbre architecte franco-suisse Le Corbusier. Encore jeune architecte, ce dernier présente au Salon d’automne de 1922 un plan pour une ville de trois millions d’habitants sur un terrain plat et vide, dégagé de toute construction antérieure. La rue traditionnelle est bannie, remplacée par plusieurs niveaux de circulation séparés et par des axes routiers reliant trois secteurs : un centre d’affaires, un quartier résidentiel central de 24 gratte-ciels logeant 500 000 habitants entouré d’espaces libres et une périphérie d’usines et des cités-jardins éloignées.
Le quartier du Marais aurait été bien différent
Un projet qui séduit le constructeur Gabriel Voisin, qui finance une étude pour que ce projet s’applique au centre de Paris, plus spécifiquement la rive droite. Finis les bâtiments haussmanniens, les hôtels particuliers et les musées, place à un immense quartier d’affaires composé de 18 immeubles de 60 étages, entouré d’espaces verts et relié à la banlieue par deux autoroutes de 120 mètres de large. Côté architecture, ces fameux immeubles arborent une silhouette stricte et cruciforme, qui n’a rien à voir avec le charme parisien. Présenté au salon des arts décoratifs de 1925, le projet aurait également compté sur la construction d’une gare centrale souterraine. Le Corbusier souhaite aussi faire construire des îlots d’immeubles d’une douzaine d’étages à proximité, afin de limiter le temps de trajet entre le bureau et la maison pour des centaines de milliers de travailleurs. Souhaitant accorder une place importante aux voitures, l’architecte ira même jusqu’à rencontrer les magnats de l’automobile de l’époque, Citroën, Voisin et Peugeot. Côté monuments, l’ensemble des bâtiments antérieurs aurait été rasé, notamment dans le Marais, à l’exception des églises, des portes Saint-Denis et Saint-Martin et quelques lieux historiques comme le musée du Louvre, le Palais-Royal ou la place Vendôme.
La vision du Corbusier bien utile après la Seconde Guerre mondiale
Finalement, le projet n’aboutira pas, comme on peut encore le constater avec plaisir en se baladant dans le Marais. Le Plan Voisin fit face à de nombreux avis hostiles, journalistes comme politiques, tous soucieux de préserver le patrimoine architectural parisien. De grandes politiques de restauration du bâtiment parisien seront plutôt entreprises dans les années 60. De plus, les destructions de la Seconde Guerre ont créé une crise du logement qui dura au moins quinze ans. Sur les 40 millions d’habitants que comptait la France en 1945, au moins plusieurs millions vivaient dans la rue ou dans des bidonvilles… Le gouvernement opte alors pour une politique de construction de grands ensembles, et c’est là que les idées du Corbusier reviennent sur le devant de la scène. Avec des bâtiments faciles à construire et peu coûteux, une solution miracle est trouvée pour résoudre le problème. S’il n’impose pas sa vision dans le centre historique de Paris, plusieurs projets de grands ensembles sont confiés à l’architecte, notamment à Nantes et Marseille.
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Image à la une : Le Marais © Pascale Gueret