
En France, on ne manque pas d’imagination pour désigner la police. Parmi les nombreux surnoms qui ont émergé au fil des époques, un reste très populaire : “les poulets”. Et si l’expression peut aujourd’hui faire sourire (ou agacer), elle n’est pas née par hasard… Saviez-vous qu’elle trouve ses racines dans l’histoire de Paris ? Progressivement étendu à toute la France, ce surnom nous ramène au cœur de l’histoire parisienne du XIXe siècle.
Une expression qui remonte à la Commune de Paris

Non, ce n’est pas à cause d’une quelconque ressemblance entre policiers et volatiles que le surnom “poulets” est apparu. Pour en comprendre l’origine, il faut remonter en 1871, et plus précisément à l’un des épisodes les plus sanglants de l’histoire parisienne : la Commune. Lors de la Semaine sanglante du 22 au 28 mai 1871, alors que les communards affrontent le pouvoir replié à Versailles, plusieurs bâtiments sont incendiés, symboliquement rattachés au pouvoir : l’Hôtel de Ville, le Palais-Royal, le palais de Justice… mais aussi la préfecture de Police, réduite en cendres le 24 mai. Sans bâtiment, les policiers doivent rapidement se reloger… Et là, on arrive au cœur de l’histoire : par décision de Jules Ferry, alors maire de Paris, les policiers s’installent dans la caserne de la garde républicaine située sur l’île de la Cité au 36 quai des Orfèvres. Or, encore quelques années plus tôt, avant les grands travaux du baron Haussmann en 1860, à cet emplacement précis étaient vendus… des poulets vivants. Le clin d’œil est trop tentant pour les Parisiens de l’époque, qui ne tardent pas à relever le détail et à surnommer les policiers “les poulets” en référence à cet ancien marché aux volailles. Le sobriquet fait mouche… et reste.
Un surnom devenu national… et un cas pas si isolé
D’abord typiquement parisien, ce surnom s’est ensuite propagé à toute la France dans le langage populaire. Une hypothèse, à prendre avec des pincettes mais souvent avancée, est que les policiers, en uniforme et en groupe, pouvaient faire penser à un troupeau de volatiles. En réalité, la France est loin d’être la seule à user de surnoms animaliers pour désigner les forces de l’ordre : aux États-Unis, on parle de “pigs” (cochons), particulièrement depuis les années 1960, en Suède, les policiers sont appelés “gris” (cochons aussi), en Allemagne, “Bullen” (taureaux) fait référence à leur force et autorité et au Maroc, on entend “hnouch”, c’est-à-dire serpents. De Paris aux expressions nationales et internationales, le surnom des policiers semble souvent passer par le règne animal, entre sobriquets, ironie et mémoire collective.
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36 Quai des Orfèvres © JeanLucIchard
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