
Le nom de « Saint-Lazare » est bien connu des Parisiens pour la gare éponyme. Mais à l’origine, ce saint patron des lépreux avait donné son nom à une léproserie, transformée en maison de correction à partir du XVIIe siècle. Devenue prison sous la Terreur, celle-ci est surtout connue pour avoir enfermé un grand nombre de femmes en raison de leur insurrection ou de leurs mœurs légères, dont la communarde Louise Michel.
Dans une léproserie médiévale
Au XIIe siècle, une léproserie est fondée le long de la route reliant Paris à Saint-Denis. Mesurant 32 hectares, elle est placée sous l’invocation de saint Lazare, patron des lépreux au Moyen Âge. Isolé de la ville par de larges enceintes, cet enclos ressemblait à une commune autonome avec des maisons, des édifices religieux, un moulin, une ferme et une foire.

Mais la lèpre atteint son apogée au XIIIe siècle et commence à décliner en Occident à partir du XIVe siècle, conduisant à la disparition progressive des léproseries. Au XVIIe siècle, celle de Saint-Lazare est alors transformée en maison de correction pour les enfants de bonne famille : on y retrouve des personnes dites aliénées et débauchées, qui sont enfermées sur la demande de leurs aïeux. En 1785, Beaumarchais y sera notamment fait prisonnier durant quelques jours à cause de ses écrits.
Une prison de la Terreur
Toutefois, c’est sous la Terreur que Saint-Lazare devient officiellement une prison. La nuit du 12 au 13 juillet 1789, le lieu est totalement pillé pour récupérer son blé : un épisode que l’on nomme le « sac de Saint-Lazare ». Les détenus sont alors libérés et remplacés par les opposants politiques des révolutionnaires.

Au sein de l’édifice, la « conspiration des prisons » est alors lancée pour exécuter un grand nombre de prisonniers : en seulement trois mois, 165 de ceux de Saint-Lazare disparaissent. Parmi ses multiples détenus, on trouve aussi des écrivains et artistes, dont le sulfureux marquis de Sade, le poète André Chénier, ou le peintre Hubert Robert.

Ce dernier est enfermé jusqu’en 1794 pour des « liaisons avec les aristocrates », période durant laquelle il esquisse sans relâche des scènes de vie au sein de la prison. Parmi ses tableaux, l’un des plus connus demeure Le ravitaillement des prisonniers à la prison de Saint-Lazare datant de 1794. Celui-ci a été commandé au peintre par le chancelier Pasquier, son compagnon de captivité, désirait conserver le souvenir des porteuses de lait. D’autres représentent des vues intérieures de la prison, ou encore une partie de ballon entre prisonniers dans la cour.
L’emprisonnement des femmes
Hélas, la Révolution française ne met pas un terme à cette prison, comme cela est le cas ailleurs. Saint-Lazare est ainsi transformé en « hôpital-prison » réservé aux femmes. Là encore, ce sont certains écarts avec la morale publique qui justifient l’enfermement : on y retrouve alors des prostituées et des femmes ayant fait outrage aux bonnes mœurs. Au cours de l’année 1837, la prison compte 11 063 femmes et jeunes filles détenues. Ce sont alors les sœurs de Marie-Joseph, surnommées « sœurs des prisons », qui gardent Saint-Lazare.

Dans les années 1850, la prison est divisée en trois sections : une pour les criminelles, une pour les prostituées et une pour les filles mineures enfermées par voie de correction paternelle. À une époque où les maisons closes se développent particulièrement dans la capitale, une Brigade des mœurs est alors chargée de vérifier que tout était en règle : les filles de rue doivent être « en carte », et les filles des maisons closes, « à numéro ».

Soumises à une visite médicale obligatoire, celles qui désobéissent à ce contrôle sont aussitôt incarcérées à Saint-Lazare. Un simple avis médical suffit alors, jusqu’à ce que la loi Marthe Richard du 13 avril 1946 ferme définitivement les maisons closes. D’autres femmes sont également emprisonnées pour leur militantisme, à l’instar de la communarde Louise Michel, revendiquant haut et fort ses idées anarchistes.
Une renaissance culturelle
La prison ferme finalement ses portes en 1927. Trois ans plus tard, celle-ci devient la « maison de santé Saint-Lazare » et continue à être consacrée aux femmes jusqu’en 1955. Finalement, l’Assistance publique reprend l’hôpital, qui devient l’annexe de l’hôpital Lariboisière. Néanmoins, les prostituées continuent à y être emmenées après leur arrestation durant encore une vingtaine d’années.

C’est en 1998 que l’hôpital Saint-Lazare est définitivement fermé. Ses vestiges, qui représentent l’ancienne infirmerie et la chapelle construites par Louis-Pierre Baltard en 1834, sont désormais inscrits au titre des monuments historiques. Un projet est alors lancé pour réhabiliter ces espaces, compris entre la rue du Faubourg-Saint-Denis, la rue de Paradis, la rue de Chabrol et la rue d’Hauteville. La médiathèque Françoise-Sagan y est finalement aménagée en 2015 et présente un fonds de 100 000 ouvrages sur quatre étages.
Romane Fraysse
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Image à la une : Maison d’arrêt et de correction de Saint-Lazare cour des filles valides, 1911. DR