Non contentes de faire partie intégrante du paysage parisien au même titre que des monuments et de participer au déplacement de millions de personnes, les gares parisiennes ont bien des choses à raconter sur l’histoire de Paris. Comprendre pourquoi la capitale est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est aussi se pencher sur la création de ces édifices au XIXe siècle et l’essor du chemin de fer.
Pourquoi y a-t-il autant de gares dans Paris ?
Cela a de quoi surprendre en arpentant le boulevard Magenta pour relier la Gare du Nord, la plus grande d’Europe, et celle de l’Est, distantes d’à peine 500 mètres. Tout comme n’importe quelle personne qui traverse la Seine sur le pont Charles-de-Gaulle, pour relier la gare de Lyon et celle d’Austerlitz, écartées de 600 mètres. Pourquoi trouve-t-on deux grandes gares aussi proches l’une de l’autre ? La raison de cette explication nous pousse à replonger dans le passé de la capitale, plus précisément dans le milieu du XIXe siècle. De 1838 à 1857, six compagnies ferroviaires sont créées pour desservir les régions françaises selon leur géographie : de Paris à Orléans (1838), le Nord (1845), l’Est (1845), le Midi (1852), l’Ouest (1855) puis de Paris à Lyon et la Méditerranée (1857). Un projet de gare visant à les faire cohabiter est alors envisagé : la gare de la Madeleine. Dans l’esprit du banquier Pereire, promoteur du projet, la gare de la Madeleine devait être le terminus de la ligne de Saint-Germain-en-Laye, la première ligne ferroviaire construite au départ de Paris et la première de France conçue uniquement pour le transport de voyageurs. De plus, le quartier de la Madeleine lui semble idéal, étant donné qu’il s’agit de l’un des endroits les plus actifs de la capitale au XIXe siècle. Après la présentation de plusieurs projets pour cette gare, dont la création d’une succession de viaducs de six mètres de haut, le roi Louis-Philippe Ier donne son accord en 1837 et signe même l’ordonnance permettant la création de la gare. Mais la gare de la Madeleine ne verra jamais le jour, Pereire renonçant soudainement au projet…
La topographie parisienne, un élément non-négligeable dans la création des gares
En plus d’une possible fronde du voisinage et des autorités parisiennes, le banquier réalise que cette gare aurait sensiblement modifié la physionomie du quartier et entraîné une dévaluation du prix des appartements des riverains. Si le projet n’est pas supprimé, mais déplacé sur le site de la première gare Saint-Lazare, au milieu de terrains encore en friche et peu construits, d’autres raisons justifient l’annulation du projet et la situation actuelle des gares parisiennes. La gare de la Madeleine ne peut exister, car toutes les gares ont été faites par les compagnies privées à qui l’État avait concédé la gestion des trains. En effet, la concurrence entre les grandes compagnies leur imposait d’avoir des gares distinctes. Surtout, les compagnies cherchent à avoir leurs gares au plus près de l’arrivée de leurs têtes de réseau. La Compagnie du Nord doit ainsi arriver au nord, celle de l’Ouest vers l’ouest, et ainsi de suite. Les six grandes gares parisiennes sont donc construites entre 1837 (Saint-Lazare) et 1849 (gares de l’Est et de Lyon). Enfin, la troisième et dernière explication quant aux positions des gares parisiennes concerne des éléments difficilement mobiles : la Seine et les collines. Les gares du Nord et de l’Est ont leurs voies dans le creux entre Montmartre et Ménilmontant, puisqu’il est plus évident de faire passer un train dans une vallée que sur une colline. Un resserrement qui explique la proximité entre les deux gares. Quant aux gares d’Austerlitz et de Lyon, c’est la Seine que les voies suivent car, là encore, il aurait été plus compliqué de passer par les hauteurs du Père-Lachaise ou du 13ème arrondissement.
De nombreuses voies disparues mais des gares qui ont survécu
Quant aux deux dernières gares majeures de Paris, Saint-Lazare (la troisième de ce nom qui se situe cette fois rue Saint-Lazare) et Montparnasse, la première bénéficie d’un tunnel aux Batignolles pour contourner le relief, tandis que la première gare de Montparnasse, où s’est produit l’accident spectaculaire du “train fou”, arrivait en viaduc. De 1840 à 1969, cinq gares de Montparnasse ont d’ailleurs existé. Si le Paris-Granville de 1895 à l’arrivée chaotique de 1895 a atterri sur le boulevard du même nom, à 500 mètres de la gare actuelle, le dernier déménagement est dû à la construction de la Tour Montparnasse en 1969. L’actuelle gare se situe ainsi dans l’ancienne gare Vaugirard. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas la Première Guerre mondiale qui “tue” le train. Quelques années auparavant, les conseils généraux avaient renoncé à des projets de ligne, la faute aux doutes sur leur rentabilité. L’exploitation des petites et grandes lignes accuse des déficits récurrents, tandis que d’autres moyens de transport émergents s’avèrent plus rentables : les autobus, les camions et enfin les automobiles. D’où la décision de l’État dans les années 1930, après avoir racheté les compagnies en difficultés, de fermer certaines lignes en même temps qu’un nouvel acteur ferroviaire voit le jour : la SNCF. Née en 1938, la célèbre compagnie aura donc hérité des infrastructures des compagnies qui ont vécu l’apogée du train en France.
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Image à la une : Gare du Nord © Adobe Stock