Bien qu’il ne s’agisse pas toujours d’une partie de plaisir, conduire dans Paris peut être la source d’un sympathique plaisir : celui de (re)découvrir des rues emblématiques de la capitale. Des rues qui fourmillent d’histoires ou de monuments aussi passionnants que méconnus. Et que serait Paris sans ses boulevards et ses rues majestueuses qui longent les plus beaux monuments ? Certaines rues font d’ailleurs partie, au même titre que ces fameux monuments, du patrimoine parisien, à l’image de cette rue historique en plein cœur de la Ville Lumière…
L’origine guerrière de cet axe majeur de la capitale
Peu de rues peuvent s’enorgueillir de côtoyer l’Hôtel de Ville de Paris, les grands magasins du Bazar de l’Hôtel de Ville, le studio de la Comédie-Française, le palais du Louvre ou encore l’hôtel Meurice, sublime palace parisien ouvert au XIXe siècle. Si vous vous passionnez pour Paris, la simple évocation de ces lieux notables aura suffi à deviner la rue en question : la célèbre rue de Rivoli. Celle-là même qui fait partie de la grande trouée est-ouest de Paris achevée en 1855 reliant l’axe historique de Paris en direction de La Défense, à la rue Saint-Antoine, prolongée à l’est par la rue du Faubourg-Saint-Antoine et le cours de Vincennes jusqu’au château de Vincennes et qui, depuis 2020, est l’une des principales artères cyclables de Paris. Pour la petite histoire, le nom de Rivoli fut donné à la rue en 1804, en mémoire de la victoire remportée par Napoléon Bonaparte à Rivoli en Italie, les 14 et 15 janvier 1797. Pour remercier le maréchal Masséna à qui il doit cette victoire, l’empereur le nommera d’ailleurs “duc de Rivoli”. Preuve supplémentaire que l’histoire de cette rue est intimement liée à celle de l’Empereur. Car si l’on doit au baron Haussmann les parties centrale et orientale afin de la connecter à la rue Saint-Antoine et de créer ainsi un grand axe est-ouest dans le centre de Paris, la partie occidentale de la rue de Rivoli, à peu près au niveau des arcades, a été percée sous le Premier Empire.
Une tentative d’assassinat où l’Empereur s’en sortit miraculeusement
Projet remontant aux temps de la Révolution, le percement de la rue de Rivoli est intimement lié à l’idée de rattacher le palais du Louvre à celui des Tuileries. Les expropriations et les démolitions commencent en 1802 et, dès 1803, la nouvelle rue de Rivoli va de la Concorde à la rue de l’Échelle, en longeant le jardin des Tuileries, le palais du même nom et le Louvre. Celle-ci sera même pavée en 1804, à l’occasion du sacre de l’empereur Napoléon Ier. Cette même rue où il faillit perdre quelques années plus tôt, en 1800. Face à l’ascension politique de ce militaire d’origine, les chefs chouans, un mouvement royaliste de l’ouest de la France qui souhaite remettre les rois au pouvoir, organisent un complot pour supprimer Bonaparte. Le 24 décembre 1800, Napoléon quitte le Palais de Tuileries en calèche et se dirige vers l’actuelle rue de Rivoli. Alors qu’il se rend à l’Opéra Louvois et arrive au niveau de la rue Saint-Nicaise, une charrette remplie de barriques de poudre explose et souffle une partie du quartier. 46 immeubles sont endommagés et 22 personnes trouvent la mort… mais pas Bonaparte, qui s’en sort miraculeusement. Lorsque la rue de Rivoli sera percée peu de temps après, plusieurs rues disparaissent alors, dont cette fameuse rue Saint-Nicaise. Comme si, en plus de devenir empereur, Napoléon avait décidé d’effacer les dernières traces de cette attaque contre lui. Quelques années plus tard, en 1905, le président de la République Émile Loubet et le roi d’Espagne Alphonse XIII, alors en visite officielle à Paris, sortiront également indemnes d’un attentat à la bombe à main visant leur cortège, à l’angle de la rue de Rohan et de la rue de Rivoli.
Le repère idéal pour les artistes et les promeneurs
La création de cette rue n’a pas été sans difficulté, puisque pas moins de 70 voies, places, passages, impasses ou jardins ont été supprimés pour ce projet. L’occasion de dire adieu à des noms assez étonnants, comme le cul-de-sac du Dauphin, la rue des Mauvaises Paroles ou encore la rue Trognon. Après avoir connu un chantier compliqué, à tel point que l’un des architectes en charge du projet dira que la rue de Rivoli est “un lieu désagréable qui ne présente aux yeux que des murailles abandonnées, des échafaudages laissés en place, et tout le désordre de la ruine et de la destruction sans les couleurs respectables du temps”, celle-ci est finalement terminée sous Haussmann. Au fil du temps, les établissements les plus prestigieux s’y sont installés, de même que les artistes. Ionesco, Kessel, Chateaubriand ou Tolstoï… autant d’artistes prestigieux qui ont élu domicile pendant un temps sur cette rue aujourd’hui longue de 3 kilomètres. Si l’âme de ces artistes se ressent encore aujourd’hui, la rue de Rivoli a également su conserver une volonté du projet originel. Dès 1802, la rue de Rivoli est en effet pensée pour s’adresser aux promeneurs, comme le stipule l’arrêté du 1er floréal an X de la République : “Des arcades couvertes, libres au public, dans tous les temps, offriront aux personnes qui fréquenteront le jardin un asile sûr et commode dans ces orages imprévus, si fréquents dans la belle saison.” Assurément une réussite puisque, plus de 200 ans plus tard, les promeneurs sont toujours aussi nombreux à arpenter cette rue et passer sous les arcades, entre deux excursions au Louvre ou aux jardin des Tuileries.
À lire également : Pourquoi ce célèbre aviateur a atterri sur le toit des Galeries Lafayette de Paris le 19 janvier 1919 ?
Image à la une : Rue de Rivoli © Adobe Stock