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Situé dans le très cinéphile Quartier latin, le Studio des Ursulines est la première salle à avoir été classée Art et Essai en France. Fondé en 1926 par les comédiens Laurence Myrga et Armand Tallier, celui-ci s’est d’abord spécialisé dans le cinéma d’avant-garde, devenant le quartier général des surréalistes. Puis, depuis 2003, le cinéma a décidé de changer de cible en projetant essentiellement des films pour le jeune public dans une perspective pédagogique.
Chez les Ursulines
Le Studio des Ursulines se trouve dans la rue des Ursulines. Jusque-là, cela va de soi, mais quelle est l’origine de ce nom ? En réalité, un couvent de l’ordre de Sainte-Ursule était installé à cet endroit depuis 1641, avant d’être définitivement fermé sous la Révolution. Une partie de ses bâtiments ont alors été détruits lors de l’ouverture de la rue des Ursulines. En plein cœur du Quartier latin, celle-ci est peu à peu habitée par des cafés-concerts. Le numéro 10 accueille d’abord la salle de concerts de l’orchestre Colonne, puis le théâtre L’Atelier, qui revendique que « l’Atelier n’est pas une entreprise théâtrale, mais un laboratoire d’essais dramatiques ».
Ce goût pour l’art expérimental perdure au fil des décennies. En 1925, alors que L’Atelier migre au nord de Paris, les comédiens Laurence Myrga et Armand Tallier rachètent la salle du numéro 10 de la rue des Ursulines. Ceux-ci en font alors une salle de cinéma, destinée à projeter des films d’avant-garde. Le cinéma expérimental a donc trouvé son adresse parisienne, qui demeure la toute première salle spécialisée, avant l’apogée des cinémas dans le quartier.
Le QG des surréalistes
Lieu de défense de l’avant-garde, le Studio des Ursulines est rapidement investi par les artistes modernes des années 1920 : les surréalistes. La première séance a lieu le 21 janvier 1926 : un public composé, entre autres, d’André Breton, Fernand Léger, René Clair, Man Ray ou Robert Desnos, assiste à la projection d’Entracte du fameux Clair, et de La Rue sans joie de Georg Wilhem Pabst.
Devenus amis avec ce joyeux groupe, Laurence Myrga et Armand Tallier confient à Léger la création du logo du cinéma, qui n’a pas changé depuis. Ensemble, ils défendent un cinéma cultivé, exigeant, créatif, éloigné de toute logique de rentabilité, faisant du Studio des Ursulines la première salle Art & Essai de France. On y découvre pour la première fois Un chien andalou de Luis Buñuel et Salvador Dali, L’Étoile de la mer de Man Ray, Anémic cinéma de Marcel Duchamp, La Zone de Georges Lacombe ou encore L’Ange bleu de Josef von Sternberg qui est projeté durant quatorze mois. Tallier est d’ailleurs d’un des créateurs du mouvement Art & Essai, qui émerge dans les années 1950 avec la fondation de l’Association française des cinémas d’art et d’essai (AFCAE).
La bagarre avec Dulac
Autre nom oublié par l’histoire : Germaine Dulac. La cinéaste connaissait pourtant un succès inédit au cours des années 1920, à travers des films surréalistes tels que La Fête espagnole ou La Souriante Madame Beudet. Le 9 février 1928, les fondateurs du Studio des Ursulines la convient alors à présenter son nouveau film La Coquille et le Clergyman, qui est une libre interprétation d’un texte d’Antonin Artaud.
Mais à la sortie de la salle, un conflit éclate avec la bande des surréalistes. En effet, Artaud aurait été écarté du rôle du clergyman, et se serait progressivement senti dépossédé de son texte. En soutien au poète, André Breton, Louis Aragon et d’autres cherchent alors à faire un éclat devant le cinéma : le groupe lance des hurlements, traite la cinéaste de « vache » et cherche à semer la zizanie auprès des autres spectateurs. Un bon nombre restent pourtant ébahis par ce film expérimental et suggestif, qui reste sûrement aujourd’hui l’œuvre la plus connue de Germaine Dulac.
Un public rajeuni
Quasiment centenaire, le Studio des Ursulines continue à projeter des films dans sa jolie salle ressemblant à un théâtre italien, avec ses 104 fauteuils rouges et son balcon. Toutefois, depuis 2003, la direction a décidé de démarquer le cinéma en projetant exclusivement des films pour un jeune public : dessins animés, films d’animation, courts-métrages ou films muets, le Studio a pour vocation d’être un lieu de pédagogie du cinéma : ateliers, ciné-goûter, débats, rencontres, avant-premières ou ciné-contes sont organisés durant toute l’année.
Parmi ces rendez-vous, tous les mercredis après-midi, des enfants de centres de loisirs participent à des séances, accompagnées d’une présentation et d’animations. Tous les trois mois, un « Sandwich Club » avec Suzanne de Lacotte permet aussi de discuter d’un film culte, tandis que les samedis matin, les séances sont dédiées au public le plus jeune, à partir de 3 ans. S’il n’est plus spécialisé dans le cinéma d’avant-garde, le Studio des Ursulines continue à défendre la valeur sociale du cinéma, en sensibilisant les nouvelles générations à des œuvres poétiques et à la singularité de l’expérience de la salle.
Romane Fraysse
Studio des Ursulines
10 rue des Ursulines, 75005 Paris
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Image à la une : © Studio des Ursulines
